Etant la première source d'information pour les jeunes, les réseaux sociaux peuvent jouer le rôle d'une caisse de résonnance pour ce qu'on appelle les Fake news ou des informations fausses. Un danger qui peut menacer la société. Historiquement, la révolution tunisienne s'est distinguée par le grand impact des réseaux sociaux, non seulement sur l'enclenchement des premières prémices de l'insurrection, mais aussi sur le déroulement et la succession des événements qui ont abouti à l'émeute du 14 janvier. Cela a même poussé certaines figures médiatiques et certains politiques à la baptiser «la révolution du Facebook», pour mettre en exergue le rôle clé qu'ont joué les réseaux sociaux dans le cours de la révolution. Toutefois, un incident particulièrement étrange, qui dénote le retentissement du traitement distordu de l'information et de la désinformation canalisées dans les médias sociaux, s'est déroulé sous silence. L'écrivain Abdelaziz Belkhodja a parlé dans son livre «14 janvier l'enquête », paru en 2013, d'une certaine désinformation liée au nom de Bouazizi, figure emblématique de la révolution tunisienne. «Ce jour-là, à part la rédaction "arabe" de France 24, informée par téléphone par Mahmoud Ghozlani, les journalistes, disposant de très peu d'éléments, se précipitent sur internet pour chercher des informations. Sur Facebook, ils découvrent un profil correspondant : un certain Mohamed Bouazizi, de Sidi Bouzid [...], pour les journalistes, il ne peut s'agir que de la bonne personne : il est surnommé Med et il est ingénieur. » Alors que la personne en question ne s'appelle pas Mohamed, elle s'appelle Tarek. Il rajoute : «Sur sa carte d'identité nationale [...], son vrai nom est Tarek Bouazizi... A pratir de cette confusion, Tarek Bouazizi, celui par qui tout a commencé le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid, a été à jamais rebaptisé Mohamed». Ce fait illustre la portée considérable du traitement de l'information et de la désinformation sur les réseaux sociaux. Le chercheur en sociologie, Badi Melki, a défini les nouvelles formes de traitement de l'information par «de nouvelles formes contemporaines de bricolage». A cet égard, il a précisé que «les TIC modifient de façon fondamentale le rapport de nombreux jeunes à l'information». L'internet : première source d'information pour les jeunes Tunisiens Le grand impact de l'internet, plus particulièrement, les réseaux sociaux sur l'opinion publique, notamment la population jeune, trouve ses racines dans le recours des jeunes à ces médias sociaux et blogs pour s'informer constamment des dernières nouvelles. En effet, les enquêtes réalisées pour évaluer la pénétration des réseaux sociaux en témoignent. Selon l'étude réalisée en 2014 par Tunisie Sondage, la Tunisie figure parmi les pays les plus connectés en Afrique. Elle est désormais 10e en Afrique et 66e à l'échelle mondiale. Elle compte 5,81 millions d'utilisateurs d'internet et 4,6 millions d'utilisateurs de Facebook. Ce chiffre est constamment en augmentation, vu l'incrustation des réseaux sociaux dans la vie sociale des futures générations. La pénétration des réseaux sociaux sur les mobiles s'élève à 42%, alors que le nombre des utilisateurs actifs du Facebook mobile avoisine les 3,6 millions. Les utilisateurs ayant l'âge compris entre 16 et 34 ans représentent à eux seuls 57,4% du total des utilisateurs en 2014. Une autre enquête, réalisée en 2012 par Elka Consulting et Madwatch, a révélé que les réseaux sociaux représentent les médias les plus consultés et les plus sollicités par les jeunes tunisiens avec une durée de 125 minutes consacrées quotidiennement pour la consultation des réseaux sociaux, soit environ deux heures par jour contre 112 minutes par jour consacrée pour la télévision et moins d'une heure pour la radio. Plus, 57,5% des interviewés considèrent les médias sociaux comme leur principale source d'information, et 46,1% des sondés confirment l'influence des réseaux sociaux dans la prise de décision dans la vie quotidienne. Des chiffres très révélateurs, mais qui laissent entrevoir le danger de la répercussion de la désinformation et des informations fallacieuses diffusées sur les médias sociaux, sur la sphère publique, surtout en l'absence de tout contrôle et de vérification. La liberté de publier l'information sur les réseaux sociaux, quel que soit son origine ou son degré de véracité, est en soi une problématique qui reflète la vulnérabilité du receveur de l'information. Récemment, l'utilisation de l'expression «Fake news», qui veut dire en français informations fausses, a éclaté. Les «Fake news» : un phénomène ou une anomalie ? Dans un article intitulé «La vérité sur les Fake news», paru le 8 septembre 2017, dans le magazine d'enquête et d'investigation allemand Der Spiegel, l'expression Fake news désigne la diffusion à grande échelle d'informations mensongères sur Facebook. L'expression fake news a été définie également comme étant une information mensongère produite et diffusée de manière délibérée tout en ayant été pensée dans la logique des réseaux sociaux. Ces derniers feront office de caisse de résonnance. Ainsi, il suffit qu'un simple utilisateur de Facebook publie un post contenant une ou plusieurs informations fallacieuses, celles-ci se propagent comme une traînée de poudre, dans un laps de temps très court. Mais le hic réside en la conception de cette désinformation qui doit s'appuyer généralement, comme il est cité dans l'enquête, sur nos réflexes, comme l'indignation et porte sur des sujets accrocheurs, tels que les abus sexuels sur les enfants, les réfugiés, la guerre et la paix et les complots. Le journaliste anglais, Mathew D'Ancona, dans son livre «Post vérité, comment riposter contre la désinformation», a défini les fake news comme étant la diffusion de contenus délibérément distordus dans le but d'obtenir un avantage politique ou commercial. Il a, par ailleurs, expliqué que selon le phénomène appelé par les psychologues «l'effet miroir», les gens ont adapté cette expression pour indexer les médias qu'ils n'aiment pas ou les articles avec lesquels ils sont en désaccord. A vrai dire, les domaines où les fake news pullulent sont nombreux. De la sphère politique à la sphère sociale, les intox, les informations fallacieuses et les analyses distordues n'ont épargné aucun domaine. Des mythes religieux, des histoires visant à souiller les réputations de célébrités, voire de politiques et de figures médiatiques, jusqu'à présent, la rumeur qui porte atteinte à la santé du président de la république, font tous partie de la désinformation perpétrée sur les réseaux sociaux pour des fins de manipulation de l'opinion publique. Toutefois, il est notoire de rappeler que ce phénomène est mondial. Il touche toutes les nations. C'est pour cela que plusieurs pays cherchent à immuniser leurs citoyens de tout âge contre les fake news. Des solutions ? Parce que les fake news sur les réseaux sociaux constituent une véritable menace contre la stabilité sociale, voire économique et politique, la plupart pays peinent à trouver des solutions pour protéger leurs sociétés et, par conséquent, l'opinion publique contre la perpétuation de la désinformation qui s'amplifie avec ces nouveaux canaux de communication. Les autorités allemandes escomptent créer des centres de défense contre les fausses informations et infliger des amendes contre les réseaux sociaux pour les avoir diffusées. En Italie, dans le cadre de la lutte «antitrust», le leader de la campagne a proposé la création de commissions de spécialistes chargées de statuer sur la véracité des informations. Mais comme il est impossible de lutter contre le fléau de la désinformation par voie juridique, des médias français crédibles aux yeux des Français ont créé un moteur de recherche qui permet aux utilisateurs de vérifier l'information et sa fiabilité ainsi que sa source. Toutefois, toute la responsabilité incombe à la personne qui reçoit l'information elle-même. C'est elle qui doit avoir un esprit critique vis-à-vis de l'information. C'est cette culture que les autorités françaises veulent ancrer chez les enfants. En effet, l'école numérique française éduque les nouvelles générations à poser continuellement des questions sur la source de l'information et sa réputation d'être fiable ainsi que sur les raisons pour lesquelles ces informations sont diffusées. En Tunisie la vulnérabilité des utilisateurs des réseaux sociaux est considérable. Ils sont constamment la proie de nouvelles fallacieuses et ils sont plutôt susceptibles de les croire. Une éducation permettant d'avoir un esprit critique envers les informations diffusées sur le Net est devenue un impératif.