L'économiste et PDG de Cap Bank, Habib Karaouli, était l'invité hier, jeudi 19 novembre 2020, de Myriam Belkadhi sur Al Hiwar Ettounsi pour commenter l'actualité économique du pays et plus particulièrement l'adoption, hier, du projet de la loi de Finances complémentaire rectificative pour l'année 2020 par la Commission des finances, de la planification et du développement. Habib Karaouli a estimé que le gouvernement n'a pas fait le travail d'anticipation nécessaire et aurait dû soumette le PLF rectificatif en avril dernier et pas en cette fin d'année. « Au mois d'avril dernier il était clair que l'épidémie du Covid-19 allait durer et qu'elle allait avoir des répercussions économiques très importantes. C'est là qu'il fallait soumettre un projet de loi rectificatif, puis un autre en juillet et enfin un troisième à la fin du mois d'octobre. La France a élaboré cinq PLF rectificatifs en 2020 car chaque décision avait un impact et qu'il fallait tout examiner. En Tunisie, on s'est contenté d'annoncer des chiffres et tout le monde s'est concentré sur la question des ressources mais je me suis attardé sur celle des dépenses » a expliqué l'économiste.
« J'ai tout de suite dit que le gouvernement doit rationnaliser les dépenses avant de passer au Parlement. C'est aussi une question de symbolique pour montrer l'exemple. Chaque ministère aurait pu réduire de 15% ses dépenses à l'exception du ministère de la Santé, de l'Education, de l'Enseignement supérieur, de la Justice et des Affaires culturelles. Le gouvernement a déjà fait ce travail en réduisant le budget de deux millions de dinars mais cela aurait pu être plus. Il faut fixer ses priorités, mais il s'agit là d'un premier pas » a-t-il ajouté.
Habib Karaouli a souligné que pour 2021, ce n'est pas seulement la question du budget de l'Etat qui devra être soulevée mais aussi et surtout celle de la relance de l'économie. « Les taux d'investissement sont actuellement très faibles, les taux d'épargne aussi et sont en plus inégalitaires. Ce qui se passe à ce niveau est un drame et c'est aussi criminel envers nos jeunes qui ont beaucoup de potentiel et qui sont plein de ressources. On les pousse au désespoir et on leur en veut d'user des armes du désespoir. La plupart des lois sont si archaïques qu'on pousse les gens à les violer, les procédures administratives aussi, si lourdes qu'elles sont décourageantes et aujourd'hui carrément dangereuses en ces temps de crise sanitaire. Il faut supprimer certaines procédures, la signature légalisée par exemple qui n'a aucun sens » a-t-il poursuivi.
M. Karaouli a souligné que l'entrave à la performance économique du pays réside aussi dans son instabilité politique, légale et institutionnelle qui empêche les investisseurs de planifier sur les Court, moyen et long terme, ajoutant que le code électoral est aussi un problème et que la Tunisie a opté pour un régime d'Assemblée, qui est le pire de tous les régimes car il disperse les décisions. Il a estimé qu'un large dialogue, économique et social, ne peut qu'être bénéfique pour le pays, ne fera que renforcer le soutien autour du gouvernement pour qu'il puisse prendre les bonnes décisions et qu'on cesse d'être un pays et un peuple mendiant car cela est honteux et nous rend indigne du respect des autres.
« C'est au président de la République de donner le cap, il est seul à avoir la légitimé électorale et politique pour le faire et c'est une opportunité qu'il détient pour donner le ton au dialogue national, c'est à lui de dire arrêtons ! Nous avons aujourd'hui besoin d'un leader qui puisse rectifier la trajectoire » a conclut Habib Karaouli.