Jed Henchiri, président de l'Organisation tunisienne des jeunes médecins (OTJM), a dressé un sombre tableau de la situation des hôpitaux publics en Tunisie, appelant à la création d'une commission composée de professionnels de la santé afin de travailler sur le sauvetage du secteur en Tunisie et de l'amélioration de la situation des hôpitaux publics. Dans la Matinale de Shems Fm, au micro de Hamza Belloumi, ce matin du 7 décembre 2020, le jeune médecin a souhaité se montrer franc avec les Tunisiens en expliquant qu'à cause du manque de moyens dans les hôpitaux publics « nous nous retrouvons parfois obligés de laisser les gens mourir car nous ne pouvons les admettre et les soigner ». Il explique : « La situation sur terrain est complètement différente de celle dans les administrations [...] Je suis payé par le contribuable afin de trouver des solutions ».
Jed Henchiri a d'abord qualifié d' « impensable »le drame qui a coûté la vie, jeudi dernier à Jendouba, au résident en chirurgie Badreddine Aloui à cause d'une panne d'ascenseur. « Il est impensable aujourd'hui qu'un médecin, ou patient ou n'importe quel citoyen succombe à une chute d'ascenseur [dans un hôpital] », a-t-il dit, ajoutant : « Sept ascenseurs étaient en panne, le ministre de la Santé était sur place il y a un mois et rien n'a été fait jusqu'au drame ».
Jed Henchiri explique avoir lui-même constaté les nombreuses plaintes et réclamations qui ont été faites, précisant qu'en l'espace de seulement quelques heures, ses confrères lui ont transmis quelque 82 réclamations sur des équipements et réparations de nécessité vitale qui n'ont reçu aucune suite. Evoquant le service des urgences dans lequel il travaille, il explique que le service SAMU 01 ne compte que deux ambulances pour servir le Grand Tunis alors que le ministère a récemment consacré une nouvelle ambulance pour le Parlement.
Commentant les limogeages décidés par le ministre de la Santé, il a affirmé qu'un seul limogeage aurait eu du sens : celui du ministre de la Santé. « Le ministre était informé des défaillances mais il a choisi de ne pas voir. Il est le premier responsable », a-t-il dit. Le président de l'Organisation tunisienne des jeunes médecins ajoute que deux limogeages seulement sont sérieux, ceux opérés au niveau des directions régionales, ajoutant que « les limogeages n'ont aucun sens si des comptes ne sont pas rendus ».
« Les autorités étaient au courant des défaillances. S'agit-il d'un manque de volonté, d'incompétence ou de laisser-aller ? Si les autorités ont décidé de réduire les dépenses, qu'elles le fassent sur les primes de transport pour ceux qui n'ont en pas besoin, les voitures des fonctionnaires, etc…et non sur les nécessités », ajoute Jed Henchiri pointant du doigt une« mauvaise gestion ». A lire également Jed Henchiri : Le ministère de la Santé a déduit 400 dinars des salaires des résidents
« Nous continuons à travailler car nous n'avons pas d'autre choix. Si nous laissons tomber, qui s'occupera des Tunisiens ? Les charlatans et les imposteurs ? », a déploré le jeune médecin, ajoutant que « nous assistons aujourd'hui à l'effondrement de la définition de l'Etat et de la valeur travail au sein de l'administration tunisienne ».