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Ahmed Mestiri : le démocrate inaccompli
Publié dans Business News le 24 - 05 - 2021

Pour les Tunisiens de plus de 60 ans, le nom d'Ahmed Mestiri (qui s'est éteint dimanche 23 mai 2021 paix à son âme) évoque surtout les combats pour le pluralisme et les libertés, d'abord au sein du parti unique (le PSD), puis à l'échelle nationale. Mais, au-delà de l'aspect nostalgique, que faut-il retenir du parcours politique de ce vieux militant nationaliste, de l'homme d'Etat qu'il était et de l'opposant au parti unique et au pouvoir personnel qu'il n'a jamais cessé de l'être, depuis la fin des années 1960 ?
Son attitude a intrigué plus d'un observateur. Ce destourien moderniste qui a été associé depuis son jeune âge à la gestion des affaires de l'Etat, a choisi paradoxalement une stratégie de rupture pour faire valoir sa démarche en vue d'asseoir, en Tunisie, les bases d'une démocratie viable. Il est resté délibérément en marge des tractations et des compromissions, déclinant toutes les offres politiques depuis 1972, date de son exclusion du PSD. En perdant espoir de faire évoluer le système politique de l'intérieur, après les élections parlementaires de 1981 qui étaient entachées de multiples irrégularités, il a fini par sceller un compromis historique avec les Islamistes qui étaient alors la force politique montante. Lui, il cherchait un levier pour faire plier Bourguiba ; eux, ils étaient en quête de personnalités respectables qui symbolisaient les convictions démocratiques.
En passant en revue les rapports Mestiri-Bourguiba, on s'aperçoit que la loi qui les régissait jusqu'à la fin des années 1970 était très simple. Lorsque Bourguiba perdait l'initiative pour cause de maladie ou de crise politique, Ahmed Mestiri montait au créneau ( maladie de 1968, crise des choix collectivistes1969-1971, crise de la radicalisation de la jeunesse estudiantine à partir de février 1972, crise des rapports avec la tendance indépendantiste de l'UGTT à partir de 1976, émergence de la mouvance islamiste). Mais lorsque Bourguiba reprenait l'initiative, Ahmed Mestiri était de nouveau marginalisé.
En politicien lucide, Ahmed Mestiri a mis en place un système pour contrecarrer la stratégie de Bourguiba à son égard.
Il a toujours ménagé le Combattant Suprême, mais s'en est pris farouchement à ceux qu'il a choisi pour lui succéder : Hédi Nouira puis Mohamed Mzali. A l'issue des assises du Congrès du PSD de Monastir de 1971, il a stigmatisé les propos de Hedi Nouira lorsqu'il affirmait que la démocratie économique doit précéder la démocratie politique, les assimilant ,à l'époque, aux propos des « représentants colonialistes du Portugal et de l'Afrique du Sud » . (Le Monde du 22 octobre 1971, citant l'Agence UPI).
Il a cherché à faire le vide autour de celui que Bourguiba désignait comme son dauphin constitutionnel, déclinant toutes les offres politiques que Nouira lui adressait pendant les années 1970 et poussant ses adeptes à faire de même. Il ne s'est remis de cette antinomie qu'en janvier 1980, suite à l'incursion des brigades pro-Kadhafi dans la ville de Gafsa. Il se rapproche, en signe d'alignement patriotique, de Hedi Nouira, mais cette initiative a vite volé en éclats après la maladie de ce dernier.
Il a toujours évité de créer un parti de masse qui pourrait s'opposer au PSD, pour ne pas s'attirer les foudres de Bourguiba qui ne tolère jamais qu'un parti de masse contrebalance le sien. La seule option qui lui restait était de constituer un groupe de pression en attendant le départ de Bourguiba ou le renversement de la situation politique.
Il a donc constitué, à cette fin, un courant(le courant libéral du PSD), puis en 1978 un parti de même nature, le Mouvement des Démocrates Socialistes (MDS). Il fait valoir, pendant toute la décennie des années soixante dix que le pays ne peut plus être gouverné comme aux premières années de l'Indépendance. Il s'employait, ainsi, à convaincre Bourguiba, même de loin, qu'un autre mode de gestion du pays était à l'ordre du jour, et qu'il en est le mentor.
Cette stratégie lui impose d'être toujours proche des affaires de l'Etat. Corollairement, il doit utiliser les mouvements de contestation de la jeunesse estudiantine (février 1972), la radicalisation de la gauche marxiste ( surtout Perspectives Al Amel Tounsi ) dans les années 1973-1975, et à partir de 1976,il misera sur le courant indépendantiste au sein de l'UGTT ; puis, à partir des années 1980, sur le mouvement islamiste.
A partir de ce tournant, les règles de jeu changent radicalement. Les velléités d'ouverture de 1970 et de 1980 qui ressemblaient à des mouvements d'accordéon, étaient sanctionnées par le reniement des résultats du Congrès du PSD en 1971, puis par le trucage du scrutin de 1981. Elles ont fini par convaincre le chef de l'opposition que les espoirs suscités par ces tournants sont sans lendemain. Après le cri strident : « j'accuse », poussé à la fin du scandale électoral de 1981, on n'a presque plus rien entendu, sinon les rumeurs (difficiles à vérifier) sur un éventuel lien avec le complot fomenté par les islamistes, un certain 8 novembre 1987.A-t-il été informé ? Personne ne peut répondre à cette question, surtout après le départ des deux protagonistes : le conspirateur en chef du camp islamiste Moncef Ben Salem qui voulait libérer les détenus politiques par la force et, dans la foulée, prendre le pouvoir le 8 novembre 1987 et Zine El Abidine Ben Ali qui l'a devancé de 24 heures ? De toute façon l'acharnement des Islamistes à le désigner comme premier ministre, lors du dialogue national (2013) démontre que l'alliance entre les deux a résisté à toutes les épreuves.
Rétrospectivement, on ne peut que saluer le combat sans concession d'Ahmed Mestiri pour la démocratie et les libertés ; mais il est légitime d'avancer quelques remarques qui aident à inscrire ce combat dans le processus de l'évolution de la société tunisienne et du système politique qui l'encadre.
La démocratie n'est pas un schéma théorique. Elle est plutôt un projet qui s'appuie sur une dynamique de production et un modèle de développement économique et humain. Elle s'accommode d'un modèle de société et se réalise à travers l'adhésion de toutes les parties prenantes à une alternance politique sans faille.
Or, Mestiri ne s'est jamais intéressé à ces questions pour mener son combat ni choisir ses alliés. Sa vision classique de la chose publique le pousse à accorder une importance exagérée au politique, reléguant tout ce qui se rapporte au développement et à l'économie au second degré ; s'inspirant peut-être de la célèbre formule de Charles De Gaulle : « l'intendance suivra ». On a même assisté à une scène dans laquelle il qualifiait l'évocation des réalisations économiques et en matière de développement d'avant 2011 de fanfaronnades ( torrahat) (conférence sur la réconciliation nationale organisée au palais des congrès le 8/2/2014).
M. Mestiri n'a pas non plus choisi ses alliés d'avant le 14 janvier 2011, selon leur adhésion à l'alternance politique, ni réalisé l'importance du modèle de société positif (social, civil et progressiste) qui s'accorde avec la philosophie et les pratiques démocratiques. En fait, la démocratie ne peut pas s'appliquer dans une société régie par les lois divines et les conceptions moyenâgeuses. Or, ces exigences n'apparaissent pas de manière claire dans le discours d'Ahmed Mestiri.
En scrutant le parcours d'Ahmed Mestiri à partir de 1971, on remarque qu'il était incapable de réaliser que le pays, qui manquait cruellement de libertés et de pluralisme politique, a consenti des sacrifices énormes et accompli des progrès gigantesques presque dans tous les domaines. Ce paradoxe une fois analysé peut prouver que la tactique du tout ou rien suivie par ce vieux militant n'était pas judicieuse sur toute la ligne. Et ne pas le reconnaître a amené Ahmed Mestiri, de fait, à nier toutes les réalisations économiques, sociales et en matière de développement qui ont vu le jour en dehors du schéma démocratique qu'il prônait, peut-être simplement parce qu'elles n'étaient pas agencées sous sa houlette.
Militer pour la démocratie pendant des décennies sans intégrer ces éléments dans sa vision, ou sans se remettre en question, revient à situer son combat contre Bourguiba sur le terrain personnel. Allier à son combat les forces politiques qui ne croient pas en la démocratie ne peut pas mener au progrès auquel aspirent les Tunisiens. D'ailleurs l'incurie des politiciens de l'après 14 janvier 2011qui se gargarisaient de convictions démocratiques, s'explique en partie par cet état d'esprit hérité des luttes aux motivations subjectives et personnelles.


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