Cette semaine a été marquée par la recrudescence des violences policières. A Sidi Hassine comme à El Jayara, deux jeunes sont morts. L'un dans les locaux de la police, l'autre dans des conditions obscures. Les manifestations des jeunes de ces quartiers misérables qui sont sortis dans les rues pour scander leur colère ont été brutalement réprimées par les forces du ministère de l'Intérieur. La manifestation organisée samedi à l'avenue Bourguiba a, elle aussi, été l'occasion pour les hordes de flics présents, de déverser toute leur haine et leur brutalité contre des jeunes civils qui n'ont à leur opposer que leur courage et leurs voix. Aujourd'hui, il est évident que la violence policière est devenue une option stratégique et une politique d'Etat. Personne n'a plus la crédulité pour croire que ces violences policières répétées sont des actes individuels et isolés. Nul ne peut faire semblant désormais de ne rien voir. Si quelqu'un s'oppose à cette barbarie, qu'il parle maintenant ou qu'il se taise à jamais. Notre démocratie, fragile et malmenée depuis dix ans se trouve aujourd'hui réellement en danger.
Cela ne semble pourtant pas inquiéter outre mesure le chef du gouvernement qui s'est cru faire de l'esprit et épingler ses opposants en annonçant qu'il n'a pas, contrairement à eux, découvert le quartier de Sidi Hassine à l'occasion des derniers événements. Soit, mais sa connaissance des lieux ne lui a pas permis, visiblement, de proposer aux jeunes de ce quartier autre chose que les matraques de ses sbires.
D'ailleurs, depuis la fin de l'année dernière, il est devenu clair que ce gouvernement n'a rien à proposer aux revendications sociales que la violence, la grossièreté, la brutalité et l'inhumanité policière. A l'occasion des manifestations nocturnes dans les quartiers populaires de la capitale, les policiers se sont donnés à cœur de joie à exercer leur brutalité, allant jusqu'à déverser leurs bombes lacrymogènes à l'intérieur des habitations. Environ mille cinq cents jeunes ont été interpellés. Parmi eux, des centaines d'enfants qui ont eu droit à leur lot de grossièretés et de violences. Lors de la manifestation qui a eu lieu à l'avenue Bourguiba au début de l'année, le sang a coulé à flot sur le macadam à cause de la brutalité policière exercée sous les fenêtres du ministère de l'Intérieur. Il ya quelques jours, à Sidi Hassine, un enfant de seize ans à peine, a été dénudé par des policiers et humilié devant les jeunes de son quartier pour en faire un exemple. Des centaines de Tunisiens anonymes sont maltraités et humiliés tous les jours dans les locaux de la police sans avoir le courage de parler ou la chance de devenir un sujet de débat public. Et combien même une enquête est ouverte, elle n'aboutit strictement à rien à cause du soutien tacite mais réel des chefs de la police, de la sainte alliance entre les syndicats de la police et la lâcheté de certains magistrats. Aux dernières nouvelles, une pétition de censure contre le chef du gouvernement est entrain d'être signée. Malheureusement, elle a peu de chance d'aboutir tant que les islamistes et leurs acolytes continuent de soutenir le gouvernement actuel pour de petits intérêts sectaires, et tant que l'opposition continue à avancer en rangs dispersés. Pourtant, tous les partis politiques modernistes, toutes les forces républicaines et démocratiques devraient s'unir dans l'urgence et constituer un front, solide et actif sur le terrain, contre le retour de la dictature rampante. Ils peuvent, à l'occasion s'adosser sur les dernières positions du président de la république. Quant au parti destourien, au vu de son dernier communiqué dédié exclusivement aux violences policières subies par ses militants au Bardo le 5 juin dernier, il est évident qu'il ne faut plus compter avec lui dans toute action en faveur de la démocratie dans le pays. En effet, pour ce parti, tout événement qui ne met pas le PDL et surtout sa présidente dans une position centrale est un événement insignifiant.