Instaurée officiellement par un décret beylical le 15 juin 1921, la séance unique trouve son origine dans les exigences climatiques de la Tunisie sous le protectorat français. Ce système, qui consistait à aménager la journée de travail autour des heures les plus chaudes, a été progressivement intégré dans les usages administratifs tunisiens, notamment à partir de 1956, à l'occasion du mois de Ramadan. Aujourd'hui encore, ce modèle de journée continue – débutant tôt le matin et se terminant en milieu ou fin d'après-midi – reste ancré dans la culture professionnelle du pays. Mais si la séance unique visait initialement à protéger la santé des travailleurs et à améliorer leur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, sa pertinence fait désormais débat. Intervenant le 1er juillet 2025 sur Express FM, l'expert en gouvernance et en lutte contre la corruption, Charfeddine Yakoubi, a soulevé plusieurs interrogations sur la viabilité de ce système dans le contexte actuel. Selon lui, « plusieurs services nécessitent un temps de travail plus long, et réduire ce temps impacte directement et logiquement le rendement ». Il déplore l'absence d'études rigoureuses permettant d'évaluer les effets concrets de la séance unique sur la productivité de l'administration. Les plaintes récurrentes des citoyens durant l'été, période où la séance unique coïncide avec les congés estivaux, illustrent ce malaise. Ils dénoncent notamment la dégradation de la qualité des services administratifs, les longues files d'attente et la surcharge des guichets. « Le temps de travail est réduit alors que la demande augmente, ce qui engendre des foules dans les administrations », observe Charfeddine Yakoubi. Il pointe également les embouteillages comme autre conséquence indirecte : les horaires uniformes concentrent les déplacements aux mêmes moments de la journée. Au-delà de la question des horaires, l'expert souligne un autre problème structurel : la faible digitalisation des services administratifs. Sur les quelque 3200 opérations administratives quotidiennes existantes, seules 120 seraient actuellement numérisées. « Une réforme globale de l'administration, fondée sur la digitalisation, pourrait même rendre le débat sur la séance unique secondaire. Mais la Tunisie reste très en retard sur ce sujet », regrette-t-il. Face à ces constats, Charfeddine Yakoubi appelle à une évaluation rigoureuse du système en place, qui demeure largement figé depuis des décennies. Il plaide pour une plus grande flexibilité horaire, adaptée aux spécificités de chaque secteur, et pour la mise en place d'indicateurs objectifs de performance dans l'administration publique, souvent réfractaire à toute évaluation.