La députée et présidente du PDL Abir Moussi a été physiquement agressée mercredi dernier par le député indépendant Sahbi Smara et le député islamiste radical Seïf Eddine Makhlouf. L'agression a été filmée et très largement partagée sur les médias et les réseaux sociaux et tombe donc sous le coup de la loi, puisque l'immunité parlementaire ne couvre pas les cas de flagrant délit. On apprend aujourd'hui que le parquet s'est refusé de saisir de l'affaire, alors que l'agression s'est déroulée dans une institution de l'Etat. La plus haute institution de l'Etat.
Mais là où le bât blesse, c'est que la victime n'a toujours pas déposé plainte. Qu'attend Abir Moussi pour réclamer justice et déclencher une procédure judiciaire, même s'il y a de faibles chances pour que celle-ci aboutisse à un quelconque résultat ?
Outre la forte polémique soulevée, sur les plans national et international, cette double-agression soulève plusieurs interrogations et théories. Il y a, tout d'abord, le président de la République lui-même qui affirme que l'agression a été préméditée depuis trois jours. Curieusement, le président de la République n'a pas averti les autorités compétentes de la chose. Et, en supposant qu'il a été informé par la suite, il n'a donné aucun signalement au parquet, ni au public, quant à la partie qui a planifié l'agression. Les autres théories circulant dans les milieux politiques affirment que cette double-agression est une diversion pour détourner l'opinion publique sur les révélations du comité de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.Le comité a révélé, le matin même de la double-agression, que 6823 dossiers terroristes ont été étouffés par l'ancien procureur de la République Béchir Akremi. A lire également Samia Abbou : L'agression de Abir Moussi est une diversion suite aux révélations de l'affaire Akremi
Une deuxième théorie circule affirmant que la double-agression est une diversion pour que l'opinion publique ne s'occupe pas du contenu du projet de loi sur le fonds qatari, discuté le même jour, au parlement. Enfin, et cette théorie est notamment retenue par les islamistes, on affirme que c'est Abir Moussi qui a elle-même planifié sa propre agression, puisque sa popularité a grimpé d'un coup et que c'est à elle que l'agression profite le plus. Les islamistes rappellent, pour étayer leurs propos, que l'agresseur Sahbi Smara est une des figures de l'ancien régime à qui il a rendu plusieurs services de mercenariat. La théorie a cependant ses limites, puisque le même Sahbi Smara a rejoint les rangs du parti islamiste radical El Karama, présidé par Seïf Eddine Makhlouf, le deuxième agresseur de Abir Moussi. Il est également bon de rappeler qu'une bonne partie des figures de l'ancien régime ont rejoint, depuis la révolution, les rangs des partis islamistes, à commencer par l'ancien secrétaire général du RCD, Mohamed Ghariani, aujourd'hui conseiller du président du parlement Rached Ghannouchi. A lire également Qui est Sahbi Smara, l'agresseur de Abir Moussi ?
Quoi qu'il en soit, il y a un pas que Abir Moussi aurait dû faire dès le premier jour : déposer une plainte judiciaire en bonne et due forme et prendre l'opinion publique pour témoin, comme elle le fait toujours. Ne pas déposer plainte n'a aucun sens et alimente la théorie de ses propres adversaires.
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