La militante et professeure de droit, Sana Ben Achour, a affirmé que les décisions d'assignation à résidence, basées sur le décret n° 78-50 du 26 janvier 1978 réglementant l'Etat d'urgence, étaient anticonstitutionnelles. Dans une publication Facebook, la professeure de droit a expliqué que le décret en question a été promulgué par le pouvoir exécutif. Ce dernier n'est pas compétent pour fixer des restrictions aux droits et libertés garantis par la Constitution tunisienne, conformément aux dispositions de l'article 49 de celle-ci. En effet, la Constitution tunisienne, dans son article 49, énonce : « Sans porter atteinte à leur substance, la loi fixe les restrictions relatives aux droits et libertés garantis par la Constitution et à leur exercice. Ces restrictions ne peuvent être établies que pour répondre aux exigences d'un Etat civil et démocratique, et en vue de sauvegarder les droits d'autrui ou les impératifs de la sûreté publique, de la défense nationale, de la santé publique ou de la moralité publique tout en respectant la proportionnalité entre ces restrictions et leurs justifications. Les instances juridictionnelles assurent la protection des droits et libertés contre toute atteinte ». Sana Ben Achour a argumenté la chose par les décisions de la chambre de première instance du tribunal administratif dans les affaires numéro 150168 et 146676 à la date du 2 juillet 2018, portant sur des recours pour excès de pouvoir à l'encontre du ministre de l'Intérieur. Les demandeurs dans ces deux affaires avaient été assignés à résidence en vertu de l'article 5 du décret n° 78-50 du 26 janvier 1978 réglementant l'Etat d'urgence. Reprenant l'article 49 ici cité, le tribunal administratif avait affirmé la nullité de décisions portant atteinte et restreignant les droits et libertés garantis par la constitution. « Considérant que le droit à la libre circulation et de quitter le territoire du pays est considéré comme l'un des droits fondamentaux garanti à chaque citoyen par l'article 24 de la Constitution, qui ne peut être limité que par une loi, afin de préserver l'intérêt général, dont l'interprétation doit être stricte. Considérant que le pouvoir exécutif et les instances étatiques sont munis d'un pouvoir réglementaire qui leur permet de promulguer des décrets et des circulaires afin de servir l'intérêt général ou de sauvegarder la sûreté publique sans que celles-ci n'apportent des restrictions aux droits et libertés sauf celles fixées par la loi. Il convient d'attester que le décret n° 78-50 du 26 janvier 1978 réglementant l'Etat d'urgence comporte des restrictions, sur le droit à la libre circulation et de choisir sa résidence, qui n'ont pas été établies par une loi conformément aux dispositions de l'article 49 de la Constitution du 27 janvier 2014 », a écrit Sana Ben Achour.
La professeure de droit a précisé que ces raisons ont poussé le tribunal administratif à affirmer l'anti-constitutionnalité des assignations à résidence puisqu'elles s'opposent aux conditions de restriction citées dans la Constitution de 2014. « La prise en considération de l'annonce des mesures exceptionnelles en vertu de l'article 80 de la Constitution nous amène à nous poser la question suivante : L'Etat d'exception ôte-t-il cette anti-constitutionnalité du décret du 26 janvier 1978 ? », s'est par la suite interrogée Sana Ben Achour. Selon elle, la réponse à cette question engage l'étude de deux scénarios : Dans le premier, et si on suppose qu'il y a toujours application de la Constitution, il est clair que le décret se heurte directement à la disposition de celle-ci. Dans le second, et si on suppose qu'il y a suspension de l'application de la Constitution, l'anti-constitutionnalité peut encore être affirmée à travers la jurisprudence de la Cour d'appel de Tunis dans sa décision du 5 février 2013, ainsi que par la jurisprudence du tribunal administratif dans sa décision n°122722 du 8 mai 2013. Celles-ci considèrent que la Constitution, malgré sa suspension, reste en vigueur en matière de droits et libertés fondamentales puisqu'elles ne sont pas susceptibles d'être annulées. Enfin, Sana Ben Achour a insisté sur le fait que le pouvoir exécutif n'est pas compétent pour limiter ou restreindre les droits et les libertés.