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Le Tribunal administratif, juge constitutionnel?
Opinions


Par Amin MAHFOUDH
Dans un contexte de transition et d'absence d'institutions marqué par l'épuisement de la légitimité de l'Assemblée nationale constituante, quel rôle joue le Tribunal administratif ?
La loi n° 72-40 du 1er juin 1972, instituant le Tribunal administratif (ci-dénommé T.A), a fêté l'an dernier ses quarante ans d'existence.
La fête a été célébrée en l'absence de la Constitution du 1er juin 1959, mère biologique du TA et du Conseil constitutionnel. A ce titre, présenter une réflexion intitulée « Tribunal administratif, juge constitutionnel » peut paraître surprenant voire provoquant. Les raisons sont multiples :
D'abord, il est bien établi en droit que la règle « qui peut le plus peut le moins » est celle qui doit être appliquée en matière d'interprétation des lois. Or, ce titre pourrait insinuer l'inverse et, du coup, lui porter atteinte.
Ensuite, il est communément connu que la tâche principale du T.A est de contrôler l'administration ; le législateur devrait en principe lui échapper.
Enfin, il n'est possible d'évoquer « le juge constitutionnel » qu'en présence d'une constitution.
Or certes, de 1972 à 2011, le TA a fonctionné dans un environnement juridique dominé par la constitution du 1er juin 1959. Mais à partir du mois de mars 2011, deux textes normatifs relatifs à l'organisation provisoire des pouvoirs ont vu le jour. L'un appelé décret-loi en date du 23 mars 2011 ; l'autre dénommé loi constituante en date du 16 décembre 2011. Le premier texte a suspendu cette Constitution de 1959 ; le second lui a carrément mis un terme.
Si pour la première phase, la présence d'une norme constitutionnelle ne fait aucun doute, pour la période s'étalant du 23 mars 2011 jusqu'à ce jour, il est très difficile de l'affirmer d'une manière catégorique. Certes, on parle d'une « petite Constitution », mais on oublie que deux caractéristiques fondamentales manquent pour qualifier les deux textes normatifs en date du 23 mars 2011 et du 16 décembre 2011 de norme constitutionnelle. La première s'attache à leur caractère provisoire ; la seconde à l'absence de dispositions constitutionnelles garantissant les droits de l'Homme et les libertés publiques. Faudrait-il rappeler que l'article 16 de la Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen a prévu que « toute société dans laquelle la garantie des droits de l'Homme n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée n'a point de constitution ».
Alors, comment le TA s'est-il comporté dans un contexte normatif instable ?
Une lecture synthétique des contentieux principaux des juridictions constitutionnelles en Europe montre qu'ils sont axés essentiellement sur le contentieux des élections et des consultations populaires, le contentieux de la division horizontale du pouvoir, le contentieux de la division verticale des pouvoirs et le contentieux des droits et libertés fondamentaux. Durant ces 40 ans d'existence, le TA en a exercé certaines de ces compétences. En effet, le TA a bel et bien contrôlé la conformité des normes à la Constitution comme il a été le juge des institutions
I- Le tribunal administratif contrôle la conformité des normes à la Constitution
En 40 ans d'existence, la Constitution fertilisait les travaux du TA. Le TA assure, dans le cadre de son office, le respect de la hiérarchie des normes.
Ce faisant, il a d'une part procédé par un contrôle de la conformité des actes administratifs à la Constitution (§1) puis il a franchi un autre pas important puisqu'il s'est permis de contrôler carrément la constitutionnalité de la loi.
1- Le tribunal administratif contrôle la conformité des actes administratifs à la Constitution
Si le Tribunal administratif est appelé, selon l'article 5 de la loi relative au tribunal administratif, à contrôler la conformité des actes administratifs aux « lois, règlements et principes généraux » ; il n'a pas manqué d'étendre le bloc de la légalité aux normes constitutionnelles. Celles-ci, si elles s'imposent au législateur, elles s'imposent a fortiori à l'administration.
Il faut dire que le TA a commencé très tôt à considérer la Constitution comme une norme de référence. En effet, en 1976, il a jugé que « si l'article premier de la Constitution consacre la langue arabe comme la langue officielle de l'Etat tunisien, il n'y a, pourtant, aucune loi qui exige que le texte de la taxation d'office soit rédigé en langue arabe ».
En 2006, le TA a jugé, par ailleurs, que si l'administration est tenue, selon l'article 1er de la Constitution, à rédiger ses actes en langue arabe, langue officielle de l'Etat, néanmoins, la langue utilisée par l'administration ne constitue guère une formalité substantielle susceptible d'entacher l'acte administratif d'illégalité .
Mais d'un autre côté, le TA a jugé dans d'autres affaires que l'acte administratif rédigé en langue étrangère est entaché d'illégalité car il n'est pas conforme à l'article 1er de la Constitution.
Le tribunal annule, sur la base de la violation de l'article 10 de la Constitution du 1er juin 1959 relatif à la liberté de domicile, l'arrêté d'ouverture d'un concours imposant une obligation de résidence aux candidats. Pour motiver le rejet d'un recours en annulation, le Tribunal s'est référé explicitement à l'article 6 de la Constitution relatif à l'égalité des citoyen devant la loi pour en déduire le principe de non-discrimination entre les sexes dans l'accès aux emplois publics. L'œuvre du TA en matière de protection de la Constitution a consisté aussi au rejet de la coutume soutenue par l'administration et qui aurait selon elle complété la Constitution.
Mais en intégrant la constitution dans le bloc de la légalité, le juge administratif serait tenté d'aller plus loin dans la mise en œuvre du respect de la hiérarchie des normes.
2- Le Tribunal administratif contrôle la constitutionnalité des lois
Le Conseil d'Etat français, pour sensible qu'il ait été aux exigences inhérentes à sa mission, s'est refusé à contrôler la conformité des lois à la Constitution par ses arrêts Arrighi et Dame Coudert du 6 novembre 1936 (Rec.p. 966), qui ont consacré la théorie de la loi-écran. Pour lui, la logique implacable du respect de la hiérarchie des normes, la Constitution étant au-dessus de la loi, le juge doit écarter une loi non conforme à la Constitution — devait céder devant deux considérations supérieures étroitement liées : le respect de la souveraineté de la loi et le refus d'entrer en conflit avec le législateur. Il a confirmé fermement cette jurisprudence en 2005 (5 janvier 2005, Melle Deprez et M. Baillard, Rec. p. 1) pour une autre raison déterminante : l'existence depuis 1958 d'un contrôle de constitutionnalité exercé par le Conseil constitutionnel.
Comme juge, le Conseil d'Etat s'est en effet attaché à donner une valeur positive aux droits nouvellement proclamés par le Préambule de la Constitution de 1946: c'est ce qu'il a fait en particulier en 1950 par son arrêt Dehaene (7 juillet 1950, Rec. p. 426), qui a reconnu le droit de grève. Il a aussi tiré parti de la notion de « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », consacrés au premier alinéa du Préambule : en 1956, la liberté d'association est ainsi regardée comme un tel principe fondamental et s'est trouvée par conséquent élevée au rang de liberté constitutionnelle. Le Conseil ne s'est résolu à franchir ce pas qu'en considération de la décision du Conseil constitutionnel du 15 janvier 1975 : il a finalement regardé cette jurisprudence comme l'habilitant implicitement, comme le juge judiciaire, à assurer le respect de la hiérarchie des normes fixée par l'article 55 de la constitution française.
En Tunisie, le TA a ouvert le bal du contrôle de constitutionnalité des lois grâce au contrôle de la conventionnalité des lois. En effet, le contrôle de conventionalité s'analyse comme une modalité de contrôle de constitutionnalité. Néanmoins, il y a lieu de distinguer le parcours du TA en deux contextes différents : la présence d'une constitution ou son absence.
A- Le TA contrôle la constitutionnalité de la loi en présence d'une constitution
Le Tribunal administratif a d'abord apprécié la constitutionnalité de la loi lorsqu'un acte administratif est pris sur la base d'une loi contraire à une convention internationale. Le juge administratif a admis, dans l'affaire de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, qu'il lui revenait d'apprécier la conformité de la loi au traité international en vue de statuer sur la légalité de la décision administrative. Cette jurisprudence a été confirmée dans l'affaire Madani rendue en 2005. Le juge ne peut admettre dans ce cas l'illégalité de l'acte administratif qu'après le contrôle, par la voie d'exception, de la constitutionnalité de la loi sur la base de la lecture de l'article 32 de la Constitution de 1959. Mais si le TA a fondé ce type de contrôle sur un article de la Constitution, en l'occurrence l'article 32, qu'en est-il de son comportement en l'absence d'une constitution ?
B- Le TA contrôle la constitutionnalité de la loi en l'absence d'une constitution
En l'absence de caractéristiques fondamentales, on ne peut qualifier un texte normatif amoindri et provisoire comme une constitution. Le dénommer petite constitution ne lui permet pas de le hisser en une constitution. A la limite, il s'agit d'une norme à usage unique et par conséquent « jetable ». Malgré tout cette norme lie provisoirement le Tribunal.
Sur la base du décret-loi n°14 du 23 mars 2011, relatif à l'organisation provisoire des pouvoirs publics, le président de la République est devenu le législateur du pays ; il légifère par décret-loi.
Amené, grâce à la défense, de répondre à la question de la conventionnalité du fameux article 15 du décret-loi n° 35 en date du 10 mai 2011 relatif aux élections de l'Assemblée constituante, le Tribunal administratif a accepté de le faire dans trois affaires. Il a accepté donc d'être le juge du législateur. Hélas sur le fond, le Tribunal a trouvé que la non-conventionnalité de l'article 15 n'est pas fondée dans la mesure où les restrictions apportées aux conditions d'éligibilité sont raisonnables et du coup conformes à l'article 25 du Pacte relatif aux droits civils et politiques de 1966. En réalité, le Tribunal a repris le même considérant développé par le Tribunal de première instance de Sousse. Le tribunal de première instance de Sousse a même consacré la primauté du traité sur la loi alors que la Constitution de 1959 n'est plus en vigueur.
Mais on peut affirmer sans hésitation que le TA vient de poser tout récemment de par son arrêt du 07 novembre 2013 un considérant historique. Il affirme qu'il est du devoir du juge administratif, en l'absence d'une cour constitutionnelle de contrôler la conformité de la loi à la constitution, aux principes fondamentaux constitutionnels et aux conventions en vigueur. Il s'agit d'un jugement nuancé et très habile. Le message est clair : le juge administratif tunisien, représenté par l'assemblée plénière, est désormais le Marshall de la Tunisie. L'œuvre du TA a même ajouté à la doctrine Marshall une dose d'habilité puisque les principes fondamentaux constitutionnels existent même en l'absence d'une constitution écrite. En tout cas, une réaction à chaud montre qu'il y a de multiples enseignements à tirer.
Dorénavant, l'Assemblée nationale constituante doit respecter ledit considérant sinon ses lois entachées d'inconstitutionnalité seront sanctionnées. En outre, l'avantage de ce considérant est « de réveiller » le juge judiciaire souvent taxé de « juge au service du pouvoir » ; le juge pénal particulièrement doit veiller au respect du nouveau bloc de constitutionnalité tel que défini par l'instance suprême du TA. Ce n'est que par l'œuvre collective de tout le système judiciaire que l'Etat tunisien peut être en mesure de faire sa transition de l'Etat légal à l'Etat de droit. Il importe toutefois de rappeler que le juge civil a jugé, dans ce contexte particulier et bien avant le TA, que les articles de la constitution du 1er juin 1959 en rapport avec les libertés sont toujours en vigueur.
Dans le projet de Constitution du 1er juin 2013, le TA aura l'occasion de contribuer à faire respecter pleinement la hiérarchie des normes. Il aura la possibilité de saisir la future cour constitutionnelle afin de contrôler la constitutionnalité d'une loi.
De par son activité, le TA a été aussi le juge des institutions.


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