L'ancien magistrat Ahmed Souab a commenté, dans une interview accordée au journal Acharaa Al Magharibi dans son édition du mardi 30 novembre 2021, la décision du chef de l'Etat, Kaïs Saïed, de pallier les lenteurs juridiques en publiant des décrets présidentiels. Le juge administratif a manifesté son pessimisme estimant que si, par une telle décision, Kaïs Saïed s'attaquait aux infractions électorales signalées dans le rapport de la Cour des comptes sur les élections législatives, cela pourrait avoir des répercussions désastreuses. Le président de la République a discuté, lundi, avec le doyen Sadok Belaid et le professeur de droit constitutionnel à la Faculté de droit et des sciences politiques de Sousse, Amine Mahfoudh de plusieurs questions constitutionnelles et juridiques ainsi que du rapport de la Cour des comptes relatif aux élections législatives et à la présidentielle de 2019. Il a souligné, à l'occasion, l'importance de concrétiser les effets juridiques découlant des abus contenus dans ce rapport. Ahmed Souab a épinglé le président de la République pointant du doigt ses interprétations en lien avec le rapport de la Cour des comptes et les délais de prescription de ses décisions. Il a précisé que le rapport de la Cour des comptes ne pouvait être considéré comme une décision de justice rappelant que cet organe a le statut d'un simple service administratif d'inspection au sein d'un ministère donné dont le rôle est de transférer les dossiers de corruption au ministère public. « Ce qu'a avancé Kaïs Saïed comme prétexte ne peut être la source d'un acte juridique, même par décret, car cela porte atteinte aux principes juridiques », a-t-il signalé. Le magistrat a expliqué, par ailleurs, que les délais de prescription – de trois ans – que Kaïs Saïed ressort à chaque fois comme argument pour justifier ses décisions, n'avaient plus lieu d'être étant donné que la Cour des comptes a déjà ouvert les dossiers en lien avec les infractions électorales commises en 2019. Ahmed Souab a ajouté que plusieurs listes électorales pourraient tomber si le rapport de la Cour des comptes venait à être acté comme une décision de justice, ce qui pourrait déclencher un conflit entre le président de la République et Ennahdha. « Je crains que des actes de violence n'éclatent… Ennahda ne laissera jamais faire… Son noyau de près de 200.000 personnes ne se taira pas… j'en suis certain », a-t-il déclaré. « Je m'attends à des catastrophes (…) Ils ne se sont pas tu face à Bourguiba et Ben Ali. Il est difficile qu'ils gardent el silence face à Kaïs Saïed. Le scénario algérien de 1988 n'est pas à exclure. Je suis terrorisé. Ce décret est signer l'arrêt de mort de la IIe République. Quelle que soit la démarche, Kaïs Saïed va droit vers la violation du pouvoir judiciaire », a-t-il indiqué.