Le professeur et chef du département du droit public à la Faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis, Sghaier Zakraoui, a affirmé que l'état d'exception permettait au président de la République de jouer le rôle de législateur à travers la promulgation de décrets. « Le chef de l'Etat a, donc, le droit de suspendre les primes et avantages octroyés aux membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Je pense qu'il se prépare à le dissoudre », a-t-il expliqué. Invité le 21 janvier 2022 par Wassim Ben Larbi sur les ondes de la radio Express FM, Sghaier Zakraoui a affirmé que le CSM a prouvé son incapacité à entamer une réforme de la justice. « La justice a été exploitée et infiltrée par les différentes coalitions ayant gouverné le pays ! Le terme « pouvoir » est fort ! Même Montesquieu ne considérait pas qu'il s'agissait d'un pouvoir. Il faut distinguer entre pouvoir et autorité… Kaïs Saïed a le droit de rompre avec l'ordre constitutionnel établi. Nous ne devons pas nous limiter au débat purement juridique… La singularité de la Tunisie réside en l'absence de contre-pouvoirs. Ceux qui criaient au coup d'Etat sont responsables de cela », a-t-il ajouté. Le professeur de droit a affirmé qu'il ne pouvait pas cautionner l'ensemble des décisions émanant de la présidence de la République. Il a précisé qu'il s'opposera à tout pouvoir en place même en temps d'utopie. Il a nié être consulté par le chef de l'Etat ou par les professeurs de droit avec lesquels s'entretenait Kaïs Saïed régulièrement (Sadok Belaïd, Amine Mahfoudh et Mohamed Salah Ben Issa). Sghaier Zakraoui a expliqué qu'il soutenait l'annonce des mesures du 25 juillet 2021, mais qu'il n'était pas d'accord avec l'approche du président de la République et la prise de décision de façon unilatérale. Sghaier Zakraoui a considéré que la justice a échoué dans la poursuite des corrompus et criminels. Cet échec est celui du CSM. « Plusieurs magistrats parlent du Conseil supérieur des juges… L'échec résulte du corporatisme du CSM ! Le procureur de la République a dissimulé plusieurs dossiers dont ceux relatifs à la sécurité nationale. Le CSM a choisi de ne pas intervenir… Malheureusement, ceci a conduit à la diabolisation de la magistrature… Le président doit dissoudre le conseil et résoudre le problème… Nous devons entamer une consultation nationale au sujet de la justice », a-t-il ajouté. Sghaier Zakraoui a souligné l'importance de l'entame d'un dialogue national. « Je pense que le président a compris cela. C'est pour cela qu'il s'était entretenu avec le secrétaire général de l'Union générale tunisienne du travail, Noureddine Tabboubi… L'état d'exception doit seulement porter sur les raisons de sa mise en place… Permet-elle d'adopter un nouveau modèle sociétal ? Personnellement, je suis contre la gouvernance par les bases… Le président doit prendre en considération ces questions », a-t-il expliqué.