La juge et présidente d'honneur de l'Association des magistrats tunisiens (AMT), Raoudha Karafi, a affirmé que l'annonce du président de la République de présider le ministère public a suscité la réaction de plusieurs organismes en raison de la sensibilité de la chose. « L'indépendance de la justice est une question primordiale… Nous devons garantir un procès équitable afin de garantir la sanction des coupables et d'éviter les dérapages. La justice doit fonctionner correctement et de façon continue quelles que soient les circonstances politiques », a-t-elle ajouté. « Nous avons réagi de peur que la présidence de la République, Kaïs Saïed, n'entame un processus de vengeance », a déclaré Raoudha Karafi lors de son passage sur les ondes de la radio Shems FM. Elle a, également, estimé que Kaïs Saïed a décidé de ne pas présider le ministère public afin de couper court à tous soupçons. Pour ce qui est de l'assignation à domicile du procureur de la République, Bèchir Akermi, Raoudha Karafi a expliqué que l'AMT pousse depuis huit mois à la sanction des juges coupables de dépassements. « Nous avons, aussi, condamné la demande de la ministre de la Justice, Hasna Ben Slimane, de récupérer le dossier de l'inspection générale de ce département. Ceci a facilité la prononciation de sentences disciplinaires concernant 13 juges telles que celle visant le procureur de la République », a-t-elle déclaré. « C'est au Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) de saisir le ministère public et de lever l'immunité lorsqu'un juge commet une infraction. Nous devons respecter ce processus afin de garantir le bon fonctionnement de la justice et j'appelle le CSM à poursuivre le processus qu'il a entamé », a-t-elle ajouté. Ainsi, Raoudha Karafi a considéré que le bon fonctionnement du CSM garantit aux juges un respect de leurs droits.
Pour ce qui est de la décision du CSM de mettre fin au détachement des juges au sein de la présidence de la République, la présidence du gouvernement, les ministères et autres instances, Raoudha Karafi a valorisé cette décision en affirmant qu'elle contribue à la séparation entre les pouvoirs. « Certains juges cherchent à se créer une carrière politique à travers ce mécanisme. Or, Après avoir travaillé au sein de ces structures, le juge pourrait se créer des relations et des amitiés présentant un risque pour son indépendance et son impartialité. Cette interdiction devrait être transcrite dans le loi sectorielle », a-t-elle estimé. « L'AMT ne cherche pas à se positionner au sein du CSM. Nos réactions s'inscrivent dans le cadre de la responsabilité sociale de l'association. Nous n'avons pas demandé l'ouverture des enquêtes, c'est le CSM qui l'a fait. Nous avons seulement demandé des résultats concrets. D'ailleurs, nous ne sommes pas majoritaires au sein du conseil », a déclaré la juge. Pour ce qui est des arrestations et enquêtes visant des députés, Raoudha Karafi a souligné l'importance de respecter les droits et libertés et les acquis de la démocratie. « Nous devons éviter les dépassements. Prenons l'exemple de l'affaire de l'aéroport de Tunis-Carthage. La justice martiale aurait dû réagir depuis mars. La semaine dernière le procureur général a ouvert une enquête à ce sujet. Les juridictions judiciaires se sont saisies de l'enquête, donc, la justice militaire doit demander à celles-ci de se désister », a-t-elle affirmé. Par ailleurs, Raoudha Karafi a révélé que la justice tunisienne a prononcé plusieurs sentences d'annulation sans renvoi. « Ces affaires concernent des hommes d'affaires influents et ayant financé des campagnes électorales », a-t-elle souligné. Enfin, la juge a appelé le président de la République à élaborer une feuille de route et à garantir les droits et libertés individuelles.