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Le possible effondrement de l'Etat tunisien !
Publié dans Business News le 04 - 06 - 2022

Il n'y a pas de plus pénible à un amoureux de la Tunisie que d'admettre l'évidence d'un possible effondrement de l'Etat tunisien, et ce en dépit de toutes les tentatives de faire diversion et de s'accrocher à des chimères. L'histoire pullule d'exemples attestant de l'inévitable effondrement des Etats quand toutes les conditions sont réunies.

Quand est-ce qu'un Etat s'effondre ?
Si l'on se réfère à la théorie de William Zartman, l'Etat s'effondre quand il ne peut plus remplir ses fonctions essentielles à savoir la sécurité pour la population, quand il ne peut plus mobiliser des ressources suffisantes pour subvenir aux besoins, et finalement quand la seule réponse aux exigences de ladite population devient l'utilisation de la force dite légitime.
L'épuisement des ressources internes et externes engendre nécessairement un mécontentement social et renforce les oppositions. Un Etat en mal d'apporter des réponses concrètes aux demandes légitimes de sa population perd sa raison d'être, dès lors qu'il ne peut plus contrôler l'espace géo-économique et socio-politique.
L'effondrement de l'Etat est un processus relativement long pendant lequel on observe ce que Zartman appelle « une maladie dégénérative » de l'Etat. Pendant cette période qui varie d'un cas à un autre, il existe des possibilités d'éviter cette chute, ou du moins la rendre plus lente et moins destructrice. Pour cela il faudrait l'intervention de la société civile pour restaurer les structures de l'Etat soit selon l'ancien modèle ou selon un modèle inventé.

Quels sont les signes indiquant l'imminence de l'effondrement de l'Etat ?
Toujours selon W. Zartman[1] et dans une certaine mesure, selon Samuel Huntington, les signes avant-coureurs de l'effondrement de l'Etat sont au nombre de cinq, à savoir :
1- Quand le pouvoir central trop occupé à se défendre contre ses opposants, délaisse le reste du pays entre les mains des « mafias » locales qui saisissent l'occasion pour avoir le contrôle sur leur territoire.
2- Quand le pouvoir régresse de l'intérieur et perd sa base car il n'est plus capable de répondre aux besoins de cette base. Cette dernière retire alors son soutien. Le pouvoir central se concentre alors sur son cercle le plus intime auquel il fait confiance pour se maintenir. Il devient alors important de satisfaire les besoins de ce cercle intime au détriment du reste de la population.
3- Les gouvernements ne fonctionnent plus correctement quand ils persistent à éviter les mesures difficiles, mais néanmoins nécessaires. Il en résulte l'aggravation de la situation. L'incapacité de prendre les bonnes mesures est due soit à l'inadéquation structurelle des institutions, soit au manque de courage politique.
4- Le pouvoir se cantonne dans une position défensive contre l'opposition, évitant de relever le défi, cherchant à réduire les menaces sur son pouvoir, soit par la concession soit par la répression. Ce qui est absent, c'est un agenda politique et un programme socio-économique.
5- Le dernier signe est celui de la perte de contrôle sur les agents de l'Etat y compris la police et l'armée. Ces derniers fonctionneront alors, selon leurs propres logiques internes à leur corporation.
Quand tous ces signes sont réunis l'Etat cesse d'exister et laisse la place à un chaos général où seule la survie des uns contre (et non pas à côté) des autres compte.

La logique de l'entonnoir
On peut dire sans risque de se tromper qu'en Tunisie la logique de l'entonnoir est bien amorcée depuis plusieurs années et a connu une accélération depuis le 25 juillet 2021. Il n'est pas question ici de faire porter la responsabilité à une quelconque partie prenante, mais de faire tout simplement le constat de la situation sans porter de jugement.
Les signes identifiés par Zartman ont fait leur apparition de manière progressive au fil des années, au fur et à mesure que l'Etat perdait le contrôle sur la vie économique, sur les ressources nationales, et abandonnait ses prérogatives régaliennes en matière de contrôle et de reddition des comptes. Les systèmes mafieux ont pris le dessus sur le fonctionnement normal des institutions de l'Etat, l'informel et la corruption ont fait le reste.
L'effet entonnoir a atteint aujourd'hui le dernier goulot et l'Etat ne tient qu'à un fil, l'institution présidentielle, elle-même soutenue encore par les forces de l'ordre et une frange importante de la population. La Tunisie étant à présent sortie de l'ordre juridique et entrée dans l'Etat d'exception, il n'y a plus qu'un pas à franchir avant l'avènement du chaos.
Inverser l'entonnoir même à ce dernier stade avancé dans la maladie dégénérative de l'Etat reste encore possible c'est ce que nous verrons à la fin de cet article. En attendant, le risque de voir la Tunisie basculer dans la violence sous toutes ses formes est très élevé.

Entre violence légitime et violence illégitime
Quand les institutions sont fragilisées, et les contre-pouvoirs quasi-inexistants, la survie de l'Etat ne dépend plus que des personnes. Or, l'Histoire a démontré que les personnes ne peuvent en aucun cas garantir cette survie, étant elles-mêmes soumises à des pressions et des rapports de forces internes et externes. Se pose alors la fragile question de la « confiance » en la personne détentrice de tous les pouvoirs pour garantir cette survie. Or, la confiance est une valeur subjective et aléatoire car elle ne se mesure pas à l'aune des actions rationnelles uniquement, mais produite très souvent par l'émotion d'une part et l'ignorance de l'autre. La fragilité de cette valeur ne peut résister à l'épreuve de la réalité économique et sociale, elle-même tributaire de conjonctures externes et internes souvent non maîtrisables.
La situation actuelle en Tunisie, démontre que tous les ingrédients sont réunis pour déboucher sur la violence sous une forme ou sous une autre. Isolement diplomatique et pressions politiques (facteurs exogènes), récession économique et spirale inflationniste (facteurs exogènes et endogènes), blocage institutionnel et tension sociale sont autant de signes précurseurs d'une probable irruption de la violence. Cette violence mettra à l'épreuve le 5e point dans la théorie de Zartman à savoir, la manière dont les forces de l'ordre géreront cette violence, soit en se rangeant du côté du pouvoir politique, soit en fonctionnant selon leurs logiques internes propres à leurs corporations en se désolidarisant du pouvoir en place. Dans ce dernier cas de figure, il en résulte sinon l'effondrement de l'Etat du moins la prise de pouvoir par les forces de l'ordre elles-mêmes.
Plus concrètement, si l'on prend la première échéance politique à venir en Tunisie, à savoir le référendum du 25 juillet, quatre scénarii sont possibles. Nonobstant le respect ou non des procédures d'organisation du référendum, le fait qu'on soit dans un Etat d'exception, remet en question le résultat du référendum et ce dans tous les cas de figure. Le premier des scénarii : le référendum est un succès en termes de participation, et le « oui » ou le « non » l'emporte à une large majorité. Ce scénario ultra-optimiste reste théoriquement possible. Mais au vu des divergences politiques actuelles, il est peu probable qu'un tel scénario se réalise. En revanche, que se passera-t-il si le référendum du 25 juillet débouche sur une abstention massive comme ce fut le cas pour la consultation électronique ? Que se passera-t-il si le « oui » l'emporte avec un taux de participation très faible ? Que se passera-t-il si le «non» l'emporte avec un taux de participation très faible ? Dans quelle sorte d'impasse politique et institutionnelle la Tunisie s'engagera-t-elle ? Que restera-t-il alors de l'Etat ? Ces interrogations rhétoriques portent en elles-mêmes les prémices d'une catastrophe annoncée.
Et pourtant, il reste encore un infime espoir d'inverser l'entonnoir et d'envisager une sortie de crise qui sauverait ce qui reste de l'Etat. Revoir le calendrier politique, s'abstenir d'organiser le référendum, se contenter d'une réforme technique de la loi électorale et celle des partis et leurs financements, et laisser au prochain parlement élu le soin d'amender la Constitution et de mettre en place les institutions garantes des équilibres des pouvoirs.
Une telle sortie de crise nécessite trois conditions indispensables à sa réalisation à savoir, engager un véritable dialogue national inclusif. Œuvrer à la « réconciliation nationale » en adoptant un discours apaisant et rassembleur. Engager une action diplomatique à l'adresse des capitales les plus influentes visant à clarifier les objectifs et à rassurer quant à la stabilité du pays. Pour ce faire, il faut avoir une hauteur de vue, un dépassement des horizons personnels et un engagement indéfectible à œuvrer dans l'intérêt suprême de la Tunisie.


[1] W. Zartman, Collapsed State, Lynne Rienner Publishers, 1995.


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