Dans le cadre de la concrétisation de son projet politique, le président de la République, Kaïs Saïed, avait procédé à la création de la commission nationale consultative pour une nouvelle République. Celle-ci avait été chargée de présenter une proposition d'une nouvelle Constitution. Le décret-loi n° 2022-30 du 19 mai 2022 portant création de la commission explique qu'elle se compose de trois comités : un premier chargé des affaires économiques et sociales et un deuxième chargé des affaires juridiques. Le troisième regroupe l'ensemble des membres des deux comités. Le chef de l'Etat, Kaïs Saïed, avait chargé le professeur de droit, Sadok Belaïd, de présider la commission nationale consultative. Il devra présenter, aujourd'hui le 20 juin 2022, la proposition de la nouvelle constitution au président de la République Kaïs Saïed. Sadok Belaïd avait, aussi, indiqué qu'il procédera à la publication de cette proposition. Le président de l'Ordre national des avocats tunisiens, Brahim Bouderbala, a été chargé de présider le comité des affaires sociales et économiques. Le comité des affaires juridiques, chargé de rédiger le projet de la nouvelle constitution, n'a jamais vu le jour. Ses membres, les doyens des facultés de droit et des sciences juridiques et politiques, ont refusé de participer à cette initiative. D'après le décret-loi n° 2022-30 du 19 mai 2022, le comité des affaires juridiques devait présenter un rapport portant sur ses délibérations et les résultats de ses travaux après leur approbation au plus tard le 13 juin 2022. Or, aucune réunion de ce comité n'a été tenue. La chose n'a pas semblé déranger le président coordinateur de la commission et le reste de ses membres. A l'image du président de la République, ces derniers se sont illustrés dans la politique de la fuite en avant. Ils ont tenu trois réunions. La dernière avait duré tout un week-end ! Tout cela dans le but d'élaborer une constitution au service du président de la République et de son projet politique.
Pour ce qui est du nouveau régime politique, Sadok Belaïd avait révélé lors d'un passage médiatique qu'il n'y aura pas de pouvoir judiciaire et que la justice ne sera qu'un simple secteur sous le contrôle et la supervision de l'exécutif. Il a insinué que toutes les prérogatives de l'exécutif seront entre les mains du président de la République. C'est à lui que reviendrait, à titre d'exemple, la décision de nommer le Premier ministre et ceci sans obligation de prendre en considération les résultats des élections législatives. Il n'y aura pas de gouvernement dans le sens classique du terme, mais une instance de gouvernance chargée principalement des questions d'ordre économique et social. Le rôle du parlement, quant à lui, se limitera à la promulgation de lois aux questions d'ordre législatif. La nouvelle constitution supprimera plusieurs instances et institutions évoquées par celle de 2014. Le président de la commission consultative avait considéré que le principe de la séparation entre les pouvoirs était caduc. Il a expliqué que la nouvelle constitution allait réviser cette théorie et que Montesquieu avait élaboré une théorie de séparation des pouvoirs sans penser à leur fonctionnement. Sadok Belaïd avait expliqué dans une autre déclaration médiatique que le régime ne sera ni présidentiel ni parlementaire. « Nous avions un régime présidentiel corrompu. Je suis bourguibien dans l'âme, mais le régime bourguibien a échoué, le régime Ben Ali a échoué et c'est aussi le cas pour le régime actuel. Maintenant, nous ne voulons pas de régime présidentiel, ni parlementaire. Je veux mettre en place un régime capable d'impulser l'économie nationale. C'est un régime tunisien pur », avait-il ajouté.
Une partie de cette nouvelle constitution avait été rendue publique au cours de la semaine dernière. Quelque 27 articles avaient été fuités par le journal Al Maghreb. Ils portaient sur ce qui semble être un nouveau chapitre de la constitution consacré à la politique économique et sociale de la Tunisie. Un document qui avait suscité l'inquiétude et la stupéfaction de plusieurs citoyens, politiciens et professeurs de droit. Ils ont relevé le recours excessif aux termes « dans les limites de la loi » ou « conformément à la loi ». Ils ont considéré que la nouvelle constitution ouvrira la porte aux atteintes aux droits et aux libertés par la simple promulgation de lois. Ils ont, également, déploré l'inclusion de dispositions relevant plus du domaine fiscal ou encore devant être évoquées par la Loi de finances et non par la constitution. Certaines critiques ont, également, porté sur l'article deux de ce brouillon. Ils ont considéré que le recours à l'expression « qui permettra au pays de sortir de la profonde crise actuelle » était insensé. Ils ont considéré que la fin de cette crise nécessitera donc le recours à un référendum pour supprimer cette expression de la constitution.
Par ailleurs, les critiques ont été adressées à la forme du texte et à l'usage d'expressions sans aucun rapport avec le droit et n'ayant aucun sens juridique. La raison principale derrière les nombreux vices de ce texte serait l'absence d'experts et le manque de connaissances juridiques de la part des membres du comité des affaires économiques et sociales. Ceci a été récemment confirmé. Lors de la réunion de la commission nationale pour une nouvelle République du 18 juin 2022, le secrétaire général du parti des Conservateurs tunisiens, Sabri Hafnaoui s'est retrouvé à la porte sur décision du président coordinateur, Sadok Belaïd. Sabri Hafnaoui a expliqué qu'il avait été expulsé en raison d'un document qu'il voulait distribuer au reste des membres du comité. Le document en question est une lettre adressée au président de la République et une feuille contenant des propositions relatives à la loi électorale, à la nouvelle constitution et à la politique économique de l'Etat. Elle avait rapidement fait le tour de la toile. Il s'agissait d'un texte rédigé en dialecte tunisien. Le document a été qualifié de ridicule, populiste et absurde. La lettre était un ramassis de charabia et d'expressions insensées. La liste des propositions cumulait les fautes d'orthographe et n'avait aucune valeur juridique.
Par ailleurs, on notera que plusieurs personnalités politiques, partis et organisations avaient annoncé leur refus de participer aux travaux de la commission. En tête de cette liste, nous pouvons citer l'UGTT et Afek Tounes. D'un autre côté, on notera la participation de Imed Hammami, ancien dirigeant nahdhaoui ainsi que celle de Ahmed Friâa, ancien ministre de l'Intérieur en temps du règne de Ben Ali à l'élaboration de la constitution de la nouvelle Tunisie.