On ne sait plus sur quel pied danser dans ce pays. Les institutions nationales présentant parfois des bilans antagonistes. Mieux, les bilans nationaux ne coïncident pas avec la réalité internationale. Où est aujourd'hui la Tunisie, selon les chiffres officiels ? La Tunisian Investment Authority (Tia) vient de publier un bilan édulcoré sur les investissements déclarés au-dessus de 15 millions de dinars pour le premier semestre 2022. Ainsi, l'institution a recensé la déclaration de quinze projets pour une enveloppe d'investissement cumulé de 2231,1 millions de dinars permettant la création de 4.295 postes d'emploi, enregistrant ainsi une hausse importante de 280% en termes de d'investissement qui s'explique par la déclaration d'un projet de cimenterie pour un coût d'investissement conséquent de 950 millions de dinars (MD) durant le mois de mars 2022. Abstraction faite de cette opération d'investissement, les investissements enregistrés jusqu'au mois de mai 2022 auraient enregistré une hausse de 118%.
En parallèle, l'Agence de promotion de l'industrie et de l'innovation (Apii) vient de publier son bilan pour les cinq mois 2022 pour les investissements déclarés dans le secteur industriel et fait ressortir une baisse de 8,1 %, les investissements passant de 987,7 MD à 907,5 MD. Le nombre de projets déclarés est aussi en baisse de 9,3% passant de 1.424 à 1.292 projets pour cette même période, permettant la création de 19.883 postes d'emplois, contre 19.731 postes d'emplois un an auparavant (+0,8%).
L'agence spécifie aussi que les investissements relatifs aux projets dont le coût est supérieur à 5 MD, ont enregistré une baisse de 12,4% passant de 595,2 MD à 521,4 MD durant la même période susmentionné.
Silence radio de la part de l'Agence de Promotion de l'Investissement Extérieur (Fipa), le dernier bilan publié étant du premier trimestre 2022, mais qui est pour sa part très flatteur avec une hausse de 73% des investissements étrangers qui atteignent 596 MD contre 344,6 MD.
Bilan investissements étrangers pour le premier trimestre 2022 en MD
Côté inflation, l'indice des prix à la consommation connait partout des hausses importantes, atteignant des sommets jamais atteint depuis 20, 30 ou même 40 ans.
Aux Etats-Unis, l'inflation a atteint 9,1% en juin sur un an, une hausse des prix la plus forte depuis 1981. Idem pour la Royaume-Uni, où l'inflation a aussi atteint 9,1% au mois de mai sur un an pour atteindre son niveau le plus élevé depuis mars 1982. Pour l'ensemble de a Zone Euro, l'institut statistique européen Eurostat recense une inflation de 8,6 % en juin, sur les douze derniers mois. Un niveau jamais vu depuis le début de la publication de l'indicateur en janvier 1997.
Aperçu des taux d'inflation internationaux, selon le site Global-rates
En Tunisie, l'Institut national de la statistique (INS) estime, quant à lui, que l'inflation a atteint 8,1% en juin 2022, un taux jamais atteint depuis plus de trente ans. Le hic, c'est que les experts s'accordent sur le fait que le panier ne correspond plus à la consommation réelle des Tunisiens, la dernière mise à jour datant de 2015 (sept ans alors que la norme est de cinq ans).
Inflation en Tunisie depuis 1984 à juin 2022 Côté commerce extérieur, au mois de mai 2022, l'INS s'est contenté d'un petit résumé alors qu'elle habitué depuis plusieurs mois à faire un rapport détaillé en prix courant et un rapport détaillé en prix constant à chaque fin de mois. Pire, nous sommes le 14 juillet et l'institut n'a pas encore publié les chiffres de juin alors qu'en général, ses services ne dépassent pas la date du 9 du mois. Il faut dire que les derniers chiffres étaient troublants avec une aggravation du déficit commercial de 67,13%. Le solde commercial s'établissant à un niveau de -9.929,4 MD contre -5941,1 MD durant les cinq mois de l'année 2021. Le taux de couverture a perdu 5,7 points par rapport à la même période de l'année 2021 pour s'établir à 70,1%.
Or et depuis deux jours, l'euro est à parité égale avec le dollar, une première depuis la mise en circulation de la monnaie européenne, il y a vingt ans. Chose qui va impacter davantage, la situation en Tunisien vu que les importations se font généralement en dollars alors que ses exportations se font en euros. La chute de l'euro face au dollar creusera surement davantage le déficit commercial du pays.
En corrélant tous ces facteurs avec les difficultés budgétaires du pays, l'absence d'accord avec le Fonds monétaire international (FMI) et les répercussions de la guerre en Ukraine (inflation importée, hausse des prix de la matière première, hausse des prix de l'énergie, hausse des céréales, des huiles végétales et de plusieurs produits alimentaire), la situation en Tunisie risque d'empirer. Mais, vu le manque de viabilité à cause des informations publiées au compte-gouttes, personne n'a une idée précise sur la situation réelle de la Tunisie.
Les institutions nationales essayent elles d'embellir les chiffres de l'économie tunisienne ? Face au manque d'information, aux chiffres contradictoires entre elles et avec la conjoncture internationale, il devient aujourd'hui légitime de s'interroger sur la fiabilité des indicateurs présentés.