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Migration clandestine : la misère ou la mort !
Publié dans Business News le 20 - 10 - 2022

Photo Rai 3 - Mardi 18 octobre - Une fillette tunisienne de quatre ans, arrivée à l'île de Lampedusa seule sur une embarcation de migration clandestine. Ses parents n'ont pas pu embarquer à temps et sont restés en Tunisie.
Qu'est-ce qui pousse le citoyen d'un pays à vendre tout ce qu'il a pour sauter dans une embarcation clandestine et fuir vers un autre continent au risque d'y laisser la vie ? Qu'est-ce qui pousse des parents à jeter leurs enfants en mer les condamnant à une mort quasi certaine ? Qu'est-ce qui pousse des gens « ordinaires » avec des situations professionnelles « stables » à décider de tout plaquer pour partir ? Et surtout comment une personne sensée peut-elle envisager d'émigrer dans la clandestinité après avoir vu de ses propres yeux les tragédies que cela engendre et les cadavres en décomposition qui jonchent les plages ? Comment et pourquoi ? La Tunisie n'est pas un pays en guerre et pourtant…

Deux drames humains ont récemment secoué la Tunisie. Deux naufrages d'embarcations clandestines ont tué des dizaines de migrants. Certains corps ont été repêchés, d'autres sont encore portés disparus. A Zarzis et à Monastir, les familles des victimes sont effondrées, des mères pleurent leurs enfants, d'autres en sont à espérer qu'on leur ramène la dépouille de leur progéniture. Les cadavres sont dans un tel état de décomposition qu'ils sont impossibles à identifier sans indices et sans test ADN, ils échouent sur les plages ou sont retrouvés par la garde maritime ou les pêcheurs.

La migration clandestine n'a plus de profil, ni de sexe ni d'âge. Ils sont des adolescents, des hommes, des femmes et des enfants à se jeter en mer. Ils ne sont pas tous chômeurs, certains avaient une « situation » et leur geste a mis leur entourage dans l'incompréhension la plus totale. Il n'est plus rare d'entendre parler de toute une famille portée disparue en mer, cela devient même tristement courant.

La migration clandestine en chiffres
15.430 migrants Tunisiens ont, selon le ministère italien de l'Intérieur rejoint les côtes italiennes en 2022.
Depuis le mois de janvier et jusqu'à septembre la Tunisie a compté 507 morts et disparus selon le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES).
Toujours selon le FTDES, 23.517 migrants ont été interceptés. 2424 mineurs ont rejoint l'Italie (316 en 2019) et 525 femmes (moins de cinquante en 2019), entre janvier et septembre 2022.

L'Etat cherche encore les « raisons »

Le président de la République, Kaïs Saïed, a ordonné d'approfondir les enquêtes dans l'incident du naufrage de l'embarcation à Zarzis, ainsi que les autres incidents ayant coûté la vie à de nombreux migrants. Il a évoqué des preuves concordantes prouvant l'implication de « parties bien déterminées » dans la traite des personnes.
Le chef de l'Etat a souligné l'impératif de poursuivre toute personne impliquée dans ces drames en collaboration avec le ministère public afin d'éviter l'impunité.
Le chef de l'Etat, qui ne s'est exprimé que tardivement sur l'affaire de Zarzis, a déclaré que « le devoir exige une étude sur les causes ayant conduit, même des enfants, à penser à se jeter dans des embarcations, désormais connues, sous la dénomination des embarcations de la mort ».
Il a souligné que mettre fin à ces drames ne peut se faire que dans le cadre d'une approche globale à la fois nationale et internationale.
Les déclarations de Kaïs Saïed ont suscité une vague d'indignation. D'abord pour leur retard et ensuite par leur inconsistance. Le président de la République qui devrait être la voix de l'apaisement et le porteur d'espoir et de solutions en est à se demander encore, alors que le phénomène ne cesse de prendre de l'ampleur depuis des années, ce qui a bien pu le causer… les citoyens n'en reviennent pas, les politiques ne ratent pas l'occasion de récupérer les drames à des fins politiciennes pour encore plus de populisme creux qui ne convainc plus personne et surtout qui ne retient plus personne.

La misère généralisée
La Tunisie est un pays en crise ou plutôt en crises. Sans rentrer dans les méandres de l'analyse économique, il est simple de comprendre l'impact de la crise sur le portefeuille des citoyens grâce à un chiffre, celui relatif au taux d'inflation.
L'indice des prix à la consommation familiale en Tunisie a atteint un nouveau record jamais égalé depuis une quarantaine d'années. En 1984, la Tunisie avait atteint la moyenne annuelle de 8,9%, selon les données référencées par la Banque mondiale.
L'inflation a augmenté passant à 9,1% au mois de septembre 2022, après 8,6% au mois d'août, 8,2% au mois juillet 2022, 8,1% au mois de juin 2022, 7,8% au mois de mai 2022 alors qu'il n'était que de 6,7% au mois de janvier.
Cette progression est expliquée essentiellement par l'accélération du rythme des hausses des prix des produits alimentaires à un taux de 13% contre 11,9% en août, des prix du groupe « logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles » à 6,4% contre 6,2% en août ainsi que les prix des biens et services de transport à 8,3% contre 8,1% en août.
En septembre 2022, les prix de l'alimentation augmentent de 13% sur un an. Cette hausse provient principalement de l'augmentation des prix des volailles de 27,4%, des œufs de 25%, des huiles alimentaires de 21,8% et des fruits frais de 18,2%.
Le pouvoir d'achat du Tunisien s'est effondré, avec un salaire minimum d'un peu plus de 400 dinars, il est impossible de joindre les deux bouts. Manger, payer ses factures et son loyer, éduquer ses enfants et espérer avoir accès à un minimum de loisirs est devenu quasi impossible même pour un fonctionnaire.

Ajouter à cela, le pays vit dans l'instabilité politique avec un président qui s'est octroyé les pleins pouvoirs et dont la légitimité est mise en cause par tous ses opposants, tous courants confondus. Lors de récentes manifestations des milliers de citoyens sont descendus dans les rues pour appeler à sa destitution et au renversement du régime en place.
Le gouvernement est dépassé, noyé dans la crise il semble naviguer à vue et se contenter de politiques de rafistolage tant les chantiers sont colossaux et les moyens inexistants. Aucun indice, pas le moindre, ne présage une sortie imminente de la crise que traverse le pays, tous les indicateurs sont au rouge et personne ne veut porter la responsabilité d'informer les Tunisiens sur la situation réelle de leur pays. La cheffe du gouvernement, Najla Bouden, n'a pas pris la parole depuis un an, rien ne filtre de la Kasbah, et Carthage se contente d'accuser à tout va, de mener sa guerre politique loin de toutes les vraies préoccupations des citoyens. Les pénuries se succèdent, les médicaments, certaines denrées alimentaires de base puis le carburant. On se décarcasse, on piétine, on promet, on nie, on trouve des solutions jusqu'à la prochaine crise, inéluctable.
En Tunisie, la santé est devenue un luxe, l'éducation de qualité inaccessible, l'éducation publique est bloquée depuis la rentrée à cause notamment du boycott des enseignants remplaçants, les retraités vivent dans la peur du lendemain, craignent pour leur maigre pension. Les fonctionnaires ont des salaires qui ne suffisent pas à boucler le mois, la plupart des employés du privé ont le même problème en plus d'être privés de leurs augmentations, les entreprises qui les emploient subissent aussi la crise. Les départs des sociétés étrangères se succèdent. Les libertés sont menacées. Les jeunes sont aux abois. La bureaucratie est étouffante, elle ligote les potentiels, elle tue toute ambition. Dans la rue les mines sont déconfites, les épaules ploient sous le poids du quotidien. Les jeunes diplômés sont de plus en plus nombreux à quitter le navire, d'autres nourrissent ce projet, d'autres encore en rêvent sans en avoir les moyens et d'autres prennent le risque et osent braver l'interdit et le danger pour un espoir, pas certain, d'une vie meilleure.

« L'espoir fait vivre » dit le célèbre adage, mais que faire quand il semble n'y avoir aucun ? Les Tunisiens qui partent ou qui veulent partir ont souvent la même raison, celle de ne plus avoir rien à espérer de leur pays, celle de n'avoir aucune perspective, aucun moyen de réaliser leurs ambitions, celle d'être dans l'incapacité de planifier leur avenir ou même de le rêver. Il n'y a qu'à regarder un peu plus loin que le bout de son nez pour le voir, il n'y a qu'à ouvrir un tantinet les oreilles pour l'entendre si toutefois l'horreur des images ne suffit pas…


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