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Pourquoi l'appareil de l'Etat n'exécute pas les ordres de Kaïs Saïed
Publié dans Business News le 22 - 08 - 2023

Kaïs Saïed est furieux contre l'appareil de l'Etat qui n'applique pas sa politique et n'exécute pas ses ordres. Il l'a fait savoir à plusieurs reprises, ces dernières semaines, jusqu'à hier devant un panel de ministres. S'agit-il d'une désobéissance collective des fonctionnaires ou plutôt d'ordres présidentiels insensés et contraires à la loi ?

Dans les pays normalement constitués, y compris en Tunisie avant et après la révolution, quand le président ordonne, l'administration exécute. C'est la relation étroite, naturelle et ordinaire entre le supérieur hiérarchique et le subalterne.
Sous le régime putschiste de Kaïs Saïed, les choses semblent avoir changé. Kaïs Saïed dit et répète la même chose des dizaines de fois et l'exécution ne vient pas.
Ce qu'on relève là n'est pas un secret d'Etat, ni même un secret de Polichinelle, c'est le président lui-même qui l'avoue dans ses rencontres avec ses ministres. On le voit dans ses communiqués relatant sa guerre éternelle contre les spéculateurs, les cartels et les corrompus ou encore ceux épinglant l'administration.
Lundi 21 août 2023, lors de sa réunion avec son chef du gouvernement, il a une nouvelle fois souligné le rôle de l'administration dans la mise en œuvre de la politique de l'Etat et a insisté sur la nécessité d'accélérer l'assainissement de l'administration de toute personne qui entrave les services publics. « Ce phénomène s'est aggravé au cours des dernières semaines, que ce soit au niveau central ou aux niveaux régional et local », a relevé le président de la République.
Ce même lundi 21 août, le chef de de l'Etat a présidé une réunion avec son ministre-conseiller Mustapha Ferjani, son conseiller chargé de la sécurité nationale, Abderraouf Atallah, le chef du gouvernement, Ahmed Hachani, le ministre de la Santé, Ali Mrabet, la ministre de l'Equipement, Sarra Zaâfrani Zanzri, le gouverneur de Kairouan, Mahmoud Bourguiba et le PDG de l'Agence Foncière d'Habitation, Rejab Aroud pour parler du projet de l'hôpital universitaire Roi Salman à Kairouan, annoncé la première fois en 2015 et financé par les Saoudiens. Un projet cher à Kaïs Saïed et faisant partie de toute une ville médicale de quelque 550 hectares. Kaïs Saïed est penché sur ce projet depuis 2020, il a nommé une commission ad-hoc, il l'a évoqué à plusieurs reprises dans ses réunions interministérielles et avec son ministre de la Santé, mais il n'a jamais vu le jour, à l'exception d'une devanture, d'une porte et d'une peinture. Ce projet a été la risée des réseaux sociaux et des médias, jusqu'au 5 août courant avec ces plaisantins qui ont célébré son anniversaire.
Il n'y a pas que ce projet ordonné par le chef de l'Etat et qui dort dans les tiroirs de l'administration, il y a également celui du TGV avec l'étude commandée depuis janvier 2022, le nouveau pont de Bizerte dont il a donné le coup d'envoi des travaux en juillet 2022, le sauvetage des maisons de presse La Presse qu'il a visité en mars dernier et Assabah qu'il a visité en juin dernier ou encore la simple fondation Fidaa, toujours fermée, alors que le président l'a inaugurée officiellement en juin 2022.

Dans tous ces projets qui attendent de voir le jour, il y a un seul point commun, l'administration et c'est elle qui bloque tout.
Derrière cette administration, il y aurait des groupes de pression (ou lobbys), des infiltrés au sein des institutions de l'Etat, des pseudos études et des questions techniques qui empêchent la réalisation de ces projets. Ça, c'est la version que Kaïs Saïed a donnée lundi 21 août devant ses ministres et conseillers. Précédemment, dans d'autres réunions au sujet des projets, le président a évoqué les textes de loi et les procédures entravantes. « Le financement est disponible, mais ceux qui ne veulent pas la réalisation de ce projet prennent les textes et les procédures comme prétexte pour empêcher le lancement des travaux. Se cacher derrière des textes n'est pas une situation normale, mais une situation pathologique qui doit être traitée et la responsabilité doit être entièrement attribuée à ceux qui en sont à l'origine », a déclaré le chef de l'Etat en février dernier. Dans d'autres réunions, avec Najla Bouden notamment, il a évoqué une énième fois les procédures administratives et ce personnel de l'Etat qui refuse de suivre la politique qu'il a tracée, appelant carrément au limogeage de ces fonctionnaires.
Le chef de l'Etat a beau changer les excuses et les accusés, il a beau évoquer la théorie du complot si chère à son cœur, il a beau sermonner ses ministres devant les caméras, la constante reste la même, l'administration n'exécute pas les ordres et est lente, très lente, à la détente.

S'agit-il d'une désobéissance de l'administration et d'un acte de résistance au régime putschiste ?
Loin de là. Ceux qui connaissent l'administration tunisienne et son fonctionnement (à la française), savent parfaitement que celle-ci est très procédurale et n'agit pas avec les ordres verbaux.
Elle se réfère systématiquement aux textes de loi dans chacun de ses actes. C'est là à la fois le point fort et le point faible de cette administration. Car si cela garantit théoriquement l'équité et le respect de la loi, cela entraîne aussi des retards dans tout le pays. 100% des citoyens tunisiens qui ont eu affaire à elle savent comment cette administration a empoisonné leur existence et retardé leurs projets avec de longues procédures parfois très complexes. Outre cette question procédurale et légale, l'administration tunisienne a du mal à se moderniser et vivre son époque. À l'heure de l'internet, des réseaux sociaux et de l'intelligence artificielle, il y a encore des administrations qui fonctionnent en 2023 avec les fax et le papier carbone.
Non originaire de l'administration, sans aucune expérience managériale, Kaïs Saïed ignorait tout cela. Très marqué par les histoires des califes de l'épopée arabo-islamique, totalement vertical dans sa tête, l'ex enseignant de droit pensait naïvement qu'il allait donner des ordres à cette administration et que celle-ci allait exécuter. Un peu comme il le faisait avec ses étudiants, comme il l'a fait avec l'armée le 25 juillet 2021 et comme il le fait souvent avec les forces sécuritaires.

Sauf que l'administration ne marche pas avec ce type d'ordres verbaux. L'administration ne fonctionne qu'avec des textes et des procédures et le donneur d'ordres se doit de se soumettre à ces textes législatifs et ces procédures.
Tous les dirigeants, avant et après la révolution, savent cela. D'après un de ses ministres, le défunt Zine El Abidine Ben Ali disait qu'il avait un seul et unique opposant, l'administration.
À quelques exceptions près, Ben Ali respectait ces procédures pour faire passer ses projets, y compris ceux qu'il a donnés à sa famille. Il lui est même arrivé de pondre des lois spécifiques, pour contourner celles existantes, pour imposer à l'administration certains de ses choix.
Il y a quand même eu des exceptions, plusieurs hauts fonctionnaires sous Ben Ali n'ont pas respecté la loi et les procédures et ont exécuté les ordres verbaux de Ben Ali.
Ces hauts fonctionnaires (dont plusieurs ministres) ont chèrement payé ces violations après la révolution et ont été tous traduits en justice sur la base du célèbre article 96 du code pénal. Celui-ci mentionne qu'il « Est puni de dix ans d'emprisonnement et d'une amende égale à l'avantage reçu ou le préjudice subi par l'administration tout fonctionnaire public ou assimilé, tout directeur, membre ou employé d'une collectivité publique locale, d'une association d'intérêt national, d'un établissement public à caractère industriel et commercial, d'une société dans laquelle l'Etat détient directement ou indirectement une part quelconque du capital, ou d'une société appartenant à une collectivité publique locale, chargé de par sa fonction de la vente, l'achat, la fabrication, l'administration ou la garde de biens quelconques, qui use de sa qualité et de ce fait se procure à lui-même ou procure à un tiers un avantage injustifié, cause un préjudice à l'administration ou contrevient aux règlements régissant ces opérations en vue de la réalisation de l'avantage ou de préjudice précités. ».
À cause de cet article 96, plusieurs hauts fonctionnaires se sont retrouvés en prison ou en exil forcé après la révolution.
Depuis, les fonctionnaires renoncent à prendre n'importe quelle décision contraire à la loi ou aux procédures de peur qu'elle n'engendre des sanctions, ce qui place l'administration dans l'incapacité d'appliquer certaines décisions politiques.

Ignorant totalement les arcanes de l'administration et non familier des lois qui régissent ses propres projets, Kaïs Saïed se trouve du coup face à l'amère réalité. Il ordonne, mais l'administration ne répond pas. Furieux, il procède aux réprimandes et aux limogeages pensant ainsi intimider les fonctionnaires. Sa stratégie du bâton ne marche pas et pour cause, l'administration préfère être sanctionnée administrativement par des jours de mise à pied ou des limogeages plutôt que de se trouver demain face à la justice. Chaque fonctionnaire pense à sa propre pomme et, quitte à sacrifier sa carrière, il refuse de se mettre dans l'illégalité.
Si Kaïs Saïed veut que ses ordres soient exécutés et que ses projets soient réalisés, il se doit d'abord d'étudier les lois régulant ses projets. Mais ça, il ne sait pas faire.


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