Le professeur en économie et analyste financier, Bassem Ennaifer, est revenu, mardi 9 janvier 2024, sur l'intégration de la Tunisie à la liste négative au Fonds monétaire international (FMI). L'expert a expliqué, dans une interview téléphonique accordée à Elyes Gharbi dans l'émission Midi Show sur Mosaïque Fm, que la décision d'intégrer la Tunisie à cette liste, n'est en aucun cas un complot visant la Tunisie, il s'agit d'une procédure standard décidée automatiquement, suite à un délai technique. Et de préciser qu'il y a un conflit de points de vue entre la Tunisie et le FMI et que la décision de la Tunisie de retarder la visite du FMI, qui est une décision politique, est derrière l'intégration à cette liste. Il a ajouté que les autorités tunisiennes savaient que le pays sera intégré à la liste négative du fonds suite à cette décision.
Selon lui, cela ne peut pas être considéré par le FMI comme un boycot de la part de la Tunisie. Plusieurs pays font en effet leur entrée dans cette liste et en sortent plus tard. Ainsi dans la récente mise à jour, six pays ont intégré cette liste alors que deux autres ont fait leur sortie, a-t-il noté. Le conflit entre la Tunisie et le FMI est relatif au programme de réformes, la Tunisie refusant de réaliser les réformes nécessaires, a-t-il souligné, en précisant que la politique du FMI avec les pays dans la même situation que la Tunisie n'est pas compatible avec les orientations politiques générales de notre pays.
En réponse à une interrogation de l'animateur de savoir ce qui a changé depuis la conclusion de l'accord technique, M. Ennaifer a indiqué que c'est la position politique de la Tunisie qui a changé. Au départ, c'était un accord technique : faire des réformes pour obtenir un prêt. Mais dès que la politique s'est immiscée dans l'équation, il n'y a pas eu d'accord final car la Tunisie n'est pas prête politiquement à mettre en place certaines réformes non conformes aux orientations de l'Etat favorisant un rôle social important. En ce qui concerne les éventuels blocages lors d'un recours aux emprunts extérieurs, l'analyste financier a spécifié que la Tunisie n'a pas programmé de sortie sur le marché international en 2024, affirmant que même si elle le désire, elle ne le pourra ni en 2024, ni en 2025, la notation du pays ne permettant pas d'avoir un crédit avec un taux d'intérêt acceptable. Et de préciser que le taux d'intérêt du dernier crédit reçu par l'Arabie saoudite était à deux chiffres. En outre, il a noté que le pays n'a pas aussi prévu d'emprunter auprès des institutions financières internationales, à l'exception de quelques-unes et pour des montants qui ne sont pas importants. « Ce n'est pas une classification mais une intégration à une liste, qui n'a aucun impact sur le recours à l'emprunt de la Tunisie, car tout le monde connaît la situation du pays qui demeure inchangé après l'entrée à cette liste », a martelé Bassem Ennaifer en réponse une interrogation de Elyes Gharbi. S'agissant des 10,3 milliards de dinars (soit environ 3,2 milliards de dollars) d'emprunt extérieur, dont les sources n'ont pas été spécifiées, l'expert a estimé qu'« avec la situation actuelle du pays, sa position politique et la manière dont a été bâti le budget de l'Etat de 2024, cet argent ne proviendra pas des institutions financières internationales ».
Rappelons que l'intégration de la Tunisie à la liste négative du Fonds monétaire international (FMI), et cela pour la première fois depuis son adhésion au FMI en 1958, avait fait couler beaucoup d'encre. Elle est due au retard de la visite du fonds au pays depuis l'accord technique d'octobre 2022 et la position de la présidence de la République en ce qui concerne ce qu'elle considère comme les directives du FMI. Notons dans ce cadre qu'une visite du FMI était prévue à partir du 5 décembre jusqu'au 17 décembre 2023, mais elle a été reportée à la demande du gouvernement tunisien (la visite devant être annuelle alors que la dernière évaluation publiée par le FMI sur la Tunisie date de février 2021, ndlr). La liste négative regroupe les pays où l'achèvement des consultations au titre de l'article IV avait été retardé de plus de 18 mois au 15 décembre 2023.