Il est logique que tout gouvernement tente d'édulcorer les données reflétant la situation économique du pays. Cela l'est d'autant plus lorsqu'il s'agit d'établir des prévisions. C'est bien sûr le cas chez nous. Peut être un peu plus chez nous qu'ailleurs dès lors que l'opinion publique dans sa grande majorité a une connaissance très relative des rouages de l'économie, de leur fonctionnement et des interactions qu'elles génèrent entre elles. C'est visiblement dans cette logique que le ministère des Finances a publié récemment un rapport sur « Le cadre budgétaire de moyen terme (2024-2026) » établissant les prévisions de ressources et de dépenses du budget général de l'Etat sur la période. L'initiative est louable. Elle marque en effet une volonté de transparence et cherche, autant que faire ce peut, à satisfaire le besoin de visibilité des opérateurs et éclaircir leurs horizons. Cependant, le document n'est pas exempt de critiques. Etait-il opportun de susciter d'ores et déjà un débat autour des prévisions budgétaires durant les prochaines années alors qu'on n'a pas finit d'expliquer, d'expliciter et de digérer les dispositions de la loi de finances de l'exercice en cours ? Est-ce que les contributions demandées au uns et les avantages accordés aux autres inscrits dans cette loi vont emporter l'adhésion du plus grand nombre ? Et, tout compte fait, concrétiser les objectifs budgétaires de l'année 2024 ? On ne demande qu'à le croire. Sauf que la réalité semble toute autre. Chaque année, en effet, c'est soit une baisse des ressources, soit une hausse des dépenses qui est constatée à la fin de l'exercice budgétaire amenant le gouvernement à élaborer une loi de finances complémentaire. En tout cas, chaque année, c'est le déficit budgétaire, donnée clef des finances publiques, qui est révisé à la hausse par rapport aux prévisions établies. En 2021, le déficit prévu était de 6,6% du PIB. Il atteindra 7,9% à la fin de l'année. Idem en 2022 puisqu'il affichera 7,6% du PIB contre un objectif initial de 6,6%. Et rebelote en 2023 avec un déficit de 7,7% du PIB contre 5,2% attendu. Ces écarts entre prévisions et réalisations ne sont pas minces s'évaluant en milliards de dinars. C'est en somme autant de dettes supplémentaires à contracter. Pour l'année en cours, le gouvernement table sur un déficit budgétaire de 6,6% du PIB. Et de 5,2% puis 3,9% respectivement en 2025 et 2026, selon de cadre budgétaire de moyen terme. Autrement dit, il s'agit de le réduire de moitié en trois ans. Ces estimations sont-elles ambitieuses ? Sur la base des résultats passés, cela est forcément le cas. Et même si un espoir demeure, le doute serait formellement permis. Il l'est d'autant plus que le cadre budgétaire 2024-2026 n'est pas accompagné ou plutôt soutenu par un cadre macroéconomique clairement établi c'est-à-dire un plan triennal de développement ou un budget économique s'étendant sur trois ans. Cela aurait permis de la sorte d'évaluer la pertinence et la cohérence du cadre budgétaire proprement dit. Pour le moment, on ne sait pas sur quels scénarios, hypothèses et paramètres reposerait ce cadre budgétaire ? Quel serait le taux de croissance prévu sur la période ? Quelle serait l'évolution sectorielle de l'activité économique ? Quelles seraient les prévisions d'investissements, d'exportations, d'importations ou d'emploi ou encore d'inflation ? Et d'autres aspects socioéconomiques dont l'impact sur le budget de l'Etat est implicite pour ne pas dire incontestable. Ce sont là autant de questions sans réponses ; pour le moment du moins. Le ministère des Finances gagnerait à les fournir à défaut du ministère de l'Economie et de la Planification qui, normalement, est le mieux à même à les apporter dans la mesure où il est chargé d'élaborer et de diffuser les budgets économiques et les plans de développement. En tout cas, tel qu'il est présenté, le cadre budgétaire 2024-2026 suscite nombre d'interrogations à défaut de critiques. Interrogations qu'on pourrait synthétiser en une seule : Quel serait le rôle de l'Etat dans l'économie au cours de l'étape à venir ? Le cadre macroéconomique aurait été d'un bon éclairage pour un débat sérieux et approfondi sur la question.