L'audience du 4 mars 2025, relative à l'affaire de complot contre la sûreté de l'Etat, se tiendra en l'absence physique des détenus, qui y participeront à distance. Cette décision survient alors que le comité de défense des prévenus a insisté pour que le procès se déroule de manière publique, face à une affaire dont les détails sont largement ignorés du grand public et dont il est d'ailleurs interdit de débattre. Noureddine Ben Ticha, ancien conseiller à la présidence de la République, a exprimé son profond mécontentement, qualifiant la décision du ministère de la Justice de « véritable insulte » envers ceux qui assurent la responsabilité sécuritaire du pays. Il a en effet soulevé la question suivante : « Si nos dispositifs de sécurité ne sont pas capables d'assurer la sécurité d'une simple audience judiciaire, comment pourraient-ils garantir la sécurité de tout un pays ? ». Il a toutefois précisé, soulignant la compétence de nos forces de sécurité, qu'elles seraient capables de gérer la sécurité de trente audiences simultanément. Selon lui, cette décision ne trouve son origine que dans la crainte de la révélation prochaine d'une vérité cachée, celle qui dévoilera les mensonges et les manipulations entourant cette affaire. Il a ajouté : « Ce régime, par cette rétention de vérité, a fait des Tunisiens des otages dans un climat de peur et de terreur. Il n'y a pas de complot, et tout cela est une invention. Nous continuerons à exposer cette vérité devant l'opinion publique, car elle finit toujours par triompher ».
Le journaliste Walid Ferchichi, de son côté, a qualifié cette procédure de nouvelle aberration dans une série déjà bien entamée. Selon lui, un tel choix prive les détenus de leur droit fondamental à la défense, à la confrontation des témoins, des experts, ainsi qu'à celle des autres parties impliquées. L'absence de procès public empêche également le peuple tunisien de découvrir la vérité sur cette affaire, imposant ainsi un seul récit, celui des autorités, ce qui constitue selon lui une injustice manifeste.
La juriste Sana Ben Achour a, quant à elle, exprimé sa consternation sur les réseaux sociaux, évoquant l'absurdité de la situation à travers une référence à Kafka : « Arrêtés un soir sans avoir commis de faute, accusés d'un crime qu'ils ignorent, par des juges invisibles. Le procès kafkaïen. » Bassem Trifi, président de la Ligue tunisienne de défense des Droits de l'Homme, dans un message similaire, a déploré que la cinquième chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis ait décidé de tenir l'audience dans cette affaire sans la présence des détenus devant le tribunal. Il a dénoncé la volonté de la justice de tenir un procès secret, dans une salle militarisée, fermée à tout public, à la presse, aux familles des détenus et à toute forme de transparence. Selon lui, le pouvoir judiciaire semble fuir la confrontation avec les prisonniers politiques, redoutant de voir invalider la version officielle de l'enquête, qu'il juge manipulée par un juge défaillant dans ses responsabilités. « Ils ont peur de l'atmosphère des procès politiques, de la révélation de la vérité. »
L'avocate Dalila Ben Mbarek, sœur de Jaouher Ben Mbarek, détenu dans le cadre de cette affaire, a condamné la décision de tenir le procès à distance. « Des lâches, » a-t-elle écrit, « honteux devant le scandale... Vous avez dit que le peuple devait connaître l'ampleur des trahisons ? Alors, pourquoi avoir reculé et cédé à la peur ? Le peuple tunisien a droit à la vérité ».
L'affaire de complot contre l'Etat implique plusieurs personnalités. Les accusés, qui ont été incarcérés suite à des mandats de dépôt émis le 25 février 2023, incluent Khayam Turki, Ridha Belhadj, Ghazi Chaouachi, Jaouhar Ben Mbarek, Issam Chebbi, Abdelhamid Jelassi et Kamel Letaïef. Lazhar Akremi et Chayma Issa ont été déténus puis libérés le 13 juillet 2023. La période de détention provisoire devait théoriquement se terminer entre le 18 et le 19 avril 2024, mais aucune décision de libération n'a été rendue par les autorités. En outre, des fuites concernant le document d'instruction ont entraîné des critiques et des moqueries. Plusieurs détenus ont mené des grèves de la faim pour protester contre leur incarcération, sans obtenir de résultats. À ce jour, après plus de 700 jours de détention, ils restent toujours emprisonnés.