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RNTA : ça fume de partout !
Publié dans Business News le 28 - 02 - 2025

Le Haut Comité de Contrôle Administratif et Financier (HCCAF) a rendu un rapport accablant sur la Régie Nationale du Tabac et des Allumettes (RNTA). Gouvernance défaillante, recrutements irréguliers, abus financiers et lien trouble avec le marché parallèle : l'institution est épinglée pour ses dérives, malgré quelques tentatives de réformes.

Le président de la République a reçu mardi 28 janvier 2025 Imed Hazgui, président du HCCAF, relevant de la présidence de la République, qui lui a remis le 29ᵉ rapport annuel du Comité.
Ce rapport est similaire aux autres des années précédentes, très riche en informations précises et utiles. Il épingle différentes institutions du pays, qu'elles soient publiques ou privées, avec force détails. Réputé pour son sérieux et son travail de fourmi, le HCCAF ne déroge pas à sa règle et ne se limite pas à révéler les irrégularités, il propose également des recommandations.
Pour son travail relatif à la RNTA, le HCCAF s'est basé sur un précédent contrôle de l'Instance de contrôle général relevant du ministère des Domaines de l'Etat datant de 2020 et immédiatement abordé par Business News à l'époque. Le HCCAF est revenu à la charge en 2023 pour voir si l'exécution des réformes a été appliquée ou pas. Il s'avère que la RNTA n'a avancé qu'à hauteur de 45%, malgré la gravité des faits reprochés. Le HCCAF dresse un tableau alarmant de la situation financière et administrative de cette entreprise publique. De nombreuses irrégularités persistent, laissant planer le doute sur la volonté réelle des responsables de redresser la barre.

Une gouvernance minée par les abus
La première critique formulée par le HCCAF porte sur l'absence totale de rigueur dans l'administration de la RNTA. Le Conseil d'Administration ne se réunit pas selon la fréquence réglementaire et 30 % des décisions ont été validées sans réunion effective. Pis encore, certains membres du conseil ont perçu des indemnités indues, alors que la loi l'interdit formellement.
Les dysfonctionnements s'étendent aux systèmes de gestion. L'absence d'outils numériques modernes empêche tout contrôle rigoureux des finances et des opérations commerciales. Conséquence : plus de cinq millions de dinars d'opérations bancaires non enregistrées ont été relevés, certaines remontant à 2005.

Des biens immobiliers spoliés et mal gérés
Le HCCAF met également en lumière une gestion désastreuse du patrimoine immobilier. Nombre de terrains et bâtiments appartenant à la RNTA n'ont pas de titres de propriété enregistrés. Certains ont été occupés illégalement sans qu'aucune action ne soit engagée. Plus préoccupant encore, l'absence de documentation détaillée rend impossible toute valorisation ou protection du patrimoine foncier.

Tous les « amis » doivent fumer !
Les ressources humaines ne sont pas épargnées par les critiques. Le rapport révèle des recrutements clientélistes en 2013 et 2014, souvent orchestrés sur recommandation des syndicats. De nombreux agents ont été embauchés sans respect des procédures, certains occupant des postes sans qualifications adéquates.
La RNTA est également pointée du doigt pour le versement de primes de productivité anticipées, une pratique qui va à l'encontre des règles de gestion des performances. Des avances sur salaires mal encadrées ont également conduit à une dette interne de 1,9 million de dinars, mettant en péril la trésorerie de l'entreprise. On relève également des irrégularités dans les primes de rendement octroyées, ainsi que les heures supplémentaires sans vérifier si ces heures ont été consacrées à du travail réel.
Là où le rapport s'attarde, c'est la question de la « dégustation » qui n'a aucune existence légale. Cette formule est employée pour désigner l'avantage en nature des paquets de cigarettes offerts au personnel.
D'après le rapport, cette « dégustation » n'est pas offerte uniquement au personnel titulaire, mais également aux vacataires, aux retraités et aux membres du conseil d'administration. Pire, la RNTA offre également des paquets de cigarettes à d'autres représentants d'administrations publiques, chargées du contrôle de la Régie (ce qui s'apparente clairement à de la corruption), comme les contrôleurs de la comptabilité publique, du recouvrement, des recettes de finances chargés de la gestion des produits, de trésoriers et même de médecins avec qui la RNTA a des contrats.
Tout ce beau monde reçoit mensuellement des paquets de cigarettes gratuitement, mais la RNTA ne s'arrête pas là. Elle offre également un 13e mois de « dégustation » parmi les produits de la Régie et des quantités saisies par la Douane, sous forme de 90 paquets de cigarettes chacun au mois de décembre. Le HCAAF relève que même les personnels qui ont arrêté de travailler avec la RNTA ont bénéficié de ce 13e mois !
Ces mêmes cadeaux de quantités de paquets de cigarettes sont offerts à certaines fêtes nationales comme le 7 novembre avant la révolution et le 14 janvier après la révolution et ce sur la base de simples notes de services signées par la direction.
Il arrive que la grande générosité de la RNTA touche d'autres personnels, comme les pompiers, les policiers, les serveurs de restaurants avec qui la régie est en contrats, etc.
Un cran au-dessus, les membres du conseil d'administration (anciens et nouveaux) ont également « droit » à la « dégustation » à raison de 35 paquets par membre et par mois. Idem pour le contrôleur de l'Etat. Le directeur général, ainsi que ses prédécesseurs, ont droit à 70 paquets mensuellement. Le HCCAF relève, plus d'une fois, que toute cette générosité se fait en l'absence de tout texte légal.

Des marchés publics hors de contrôle
Le rapport met par ailleurs en lumière de graves irrégularités dans l'octroi des marchés publics. Certains contrats ont été attribués sans appel d'offres, d'autres ont été renouvelés à des tarifs bien supérieurs à ceux du marché. De plus, des retards considérables ont été constatés dans l'exécution des contrats, certains dépassant une année.
Autre anomalie de taille : le stockage inefficace des produits finis. Des cigarettes prêtes à la vente sont restées en stock plus de six ans, forçant la RNTA à louer des entrepôts privés à des coûts prohibitifs.

Un marché parallèle alimenté par la RNTA ?

L'un des points les plus troublants du rapport concerne le rôle ambigu de la RNTA dans l'approvisionnement du marché parallèle. Selon le HCCAF, l'agence aurait réinjecté directement dans le circuit commercial des produits saisis, destinés à être détruits. Une pratique qui favorise la contrebande et pose de sérieuses questions sur la transparence de l'institution.
De plus, des écarts massifs entre les stocks théoriques et réels ont été relevés, laissant supposer des détournements internes. Malgré des alertes répétées, aucune mesure corrective d'envergure n'a été mise en place.

Une industrie du tabac en déclin
Le secteur agricole du tabac, sous le contrôle de la RNTA, souffre d'un manque flagrant de stratégie. L'encadrement réglementaire repose toujours sur un décret datant de 1922, totalement obsolète. La production locale étant insuffisante pour couvrir les besoins, la RNTA se trouve contrainte d'importer massivement, accentuant sa dépendance aux fournisseurs étrangers.
En parallèle, des équipements de séchage du tabac, achetés à prix fort, n'ont jamais été utilisés. Un gaspillage qui illustre une gestion approximative des investissements.

Des réformes timides et incomplètes
Face à ces dysfonctionnements, la RNTA a tenté de réagir en mettant en place quelques réformes, parmi lesquelles :
- La mise en place d'un système de suivi des stocks et des ventes.
- Le lancement d'un audit interne sur les transactions financières.
- La suppression des primes et indemnités indûment versées.
- La régularisation des recrutements frauduleux, avec transmission des dossiers à la justice.
Mais ces mesures restent insuffisantes. Avec seulement 45 % des recommandations mises en œuvre, la RNTA est encore loin d'un véritable redressement.

Ce que demande le HCCAF

Le rapport appelle à une refonte totale de la gouvernance de la RNTA et exige une accélération des réformes sur plusieurs fronts :
- Régulariser les biens immobiliers et évacuer les occupants illégaux.
- Mettre en conformité les recrutements et imposer un cadre rigoureux.
- Appliquer strictement les règles de passation des marchés publics.
- Lutter efficacement contre la contrebande, en sécurisant les produits saisis.
- Moderniser l'agriculture du tabac et mettre en place des incitations pour relancer la production locale.

Une réforme au point mort
Malgré ces injonctions, les avancées tardent à se concrétiser. La RNTA reste une institution gangrenée par les abus et l'inefficacité, voire même la corruption. Les réformes tardent à se concrétiser et la RNTA continue d'accumuler des défaillances structurelles. L'absence de suivi rigoureux des stocks et des transactions, les recrutements opaques, les primes injustifiées, et le stockage inefficace des produits sont autant de signaux alarmants qui témoignent d'une gestion anarchique.
L'enjeu est de taille : si rien n'est fait pour stopper la fuite des ressources et le laisser-aller dans l'attribution des marchés publics, la RNTA continuera d'être un gouffre financier. L'un des points les plus préoccupants reste le rôle trouble de l'agence dans l'alimentation du marché parallèle, avec la revente suspecte de produits saisis. Cette situation met en péril la crédibilité de l'institution et souligne un risque accru de collusion entre acteurs du marché officiel et contrebandiers.
L'avenir de la RNTA repose désormais sur une refonte totale de sa gouvernance. Sans un plan de restructuration ambitieux et une supervision rigoureuse, la situation risque d'empirer, compromettant encore davantage la stabilité financière de cette institution stratégique pour l'Etat.
Sous d'autres cieux, cela fait des décennies que les Etats ne vendent plus de cigarettes et ont privatisé leurs entreprises de tabac, jadis monopolistiques. En Tunisie, on refuse catégoriquement de privatiser la RNTA quitte à ce qu'elle soit un gouffre pour l'Etat. Ceux qui refusent le plus, ce sont les syndicats eux-mêmes et c'est tout à fait compréhensible au vu de tous les avantages qu'ils reçoivent. Une privatisation signifie pour eux la fin de tout ce manège et un professionnalisme managérial dont ils ne veulent pas du tout.

Maya Bouallégui
Cliquer ici pour lire la partie réservée à la RNTA dans le rapport du HCCAF


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