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Que dire, sinon que Sonia souffre
Publié dans Business News le 15 - 04 - 2025


Je n'ai pas écrit de statut lundi dernier.
Depuis que Sonia a été arrêtée, depuis qu'elle est derrière ces murs sales et froids, je n'ai jamais raté un lundi sans mots pour elle. Pour la faire exister, pour la protéger du silence, pour que vous ne l'oubliiez pas.
Mais la semaine dernière, rien.
Et ce ne sont ni les insultes, ni les menaces, ni les vidéos sordides qui m'ont arrêtée. Qu'ils nous traînent dans la boue, Sonia ou moi. Qu'ils s'épuisent. Je ne tombe pas pour si peu.

L'épuisement intérieur
Je n'ai pas écrit parce que, pour la première fois, j'ai découvert que j'étais vide. Que je n'avais plus un mot en moi. Que je ne savais plus comment dire.
Pour la première fois en un an, ma peine et ma douleur ont dépassé ma capacité à parler, à raconter, à me tenir debout pour Sonia.
Pour la première fois, je me suis sentie incapable. Incapable de dire une horreur de plus, de mettre à nu une blessure de plus.
Mille fois j'ai commencé à écrire. Mille fois j'ai effacé.
À l'intérieur, tout s'est figé. Plus rien.
Plus de mots. Plus de voix. Juste une douleur sourde, épaisse, impossible à décortiquer.

La machine répressive
Ils ont réussi ce que je croyais impossible : me vider.
Ils m'ont creusée. Lentement, méthodiquement.
Un an à me battre contre une machine qui écrase tout : les lois, les corps, les vérités. Un an à me battre contre une machine qui m'a broyée, qui a broyé ma famille, qui a broyé Sonia.
Un an à tenir tête pendant que Sonia, ma sœur, mon pilier, mon miroir, est piétinée, isolée, humiliée, sans qu'aucune règle, aucune dignité humaine ne vienne l'épargner.
Un an à exposer nos cicatrices, à les rendre visibles, à refuser le silence qu'ils voulaient nous imposer. Parce qu'on a refusé que Sonia souffre seule, qu'elle soit juste un nom de plus dans la longue liste de celles et ceux qu'on enferme, qu'on fait taire, qu'on enterre vivants.
Un an à nous exposer, à mettre nos plaies à nu, à crier qu'elle est là, vivante, qu'elle résiste, pour qu'on ne la jette pas aux oubliettes.

Le point de rupture
Et puis là, je me suis arrêtée. Pas par choix. Par épuisement.
La machine m'avait rattrapée.
Et puis cette semaine, alors que je touchais le fond, une nouvelle injustice.
Une nouvelle gifle.
Une nouvelle opération contre le droit.

Un affront à la justice
La cour d'appel qui ignore un arrêt de la Cour de cassation.
Pour le dire avec des mots simples : la plus haute autorité judiciaire du pays a parlé, et des juges de rang inférieur ont décidé de faire comme si elle n'existait pas.
Imaginez le PDG d'une entreprise qui donne une instruction, et des stagiaires qui décident de l'ignorer.
C'est absurde. C'est grotesque.
Et pourtant, c'est ce qui s'est passé. En vrai. En Tunisie. Aujourd'hui.

Colère salvatrice
Ça me fait peur.
Et ça me met en colère.
Parce que là, ce n'est pas seulement Sonia qu'ils veulent enterrer, c'est le droit lui-même.
Ce droit qui protège les peuples, les faibles, les oubliés.
Ils l'écrasent. Ils le déchirent. Et ils nous regardent dans les yeux pendant qu'ils le font.
Mais cette colère, au moins, m'a fait quelque chose, elle a écrasé le désespoir. Elle a balayé le vide. Elle a réveillé mes muscles. Mes nerfs. Ma voix.
Parce que je n'ai pas le luxe du silence. Parce que Sonia est toujours là-bas. Parce qu'elle n'a pas le droit, elle, à la lassitude.

Le cri malgré tout
Et pourtant… malgré cette colère qui bouillonne en moi, malgré l'injustice révoltante de cette semaine – qu'il s'agisse du traitement de la chambre d'accusation dans le dossier de Sonia, ou du procès à distance, ou encore de l'interdiction faite aux associations de présenter leur procès équitable – eh bien j'en suis toujours au même point.
Que dire ?
Que dire, sinon que Sonia souffre.
Encore et toujours.
Que Sonia est enfermée. Encore et toujours.
Que Sonia est privée de ses droits, de sa dignité, de sa liberté. Encore et toujours.
Que Sonia vit dans des conditions de détention terribles, humiliantes, inhumaines. Encore et toujours.

La victoire dérisoire
Ah oui… mais non.
On nous a donné un petit calmant.
Un petit quelque chose pour atténuer, momentanément – très momentanément – la douleur.
Désormais, Sonia a le droit de chauffer ses repas.
Et c'est vrai, c'est une satisfaction. On l'a ressentie comme une victoire contre l'adversité, une vraie.
Mais on ne devrait pas.
On ne devrait pas ressentir de la joie pour une chose aussi élémentaire.
On ne devrait pas avoir les larmes aux yeux en apprenant qu'après un an de privation, Sonia peut enfin manger chaud.
Et pourtant, on les a eues, ces larmes de joie.

Refuser les miettes
Parce que voilà où ils veulent nous amener.
À nous réjouir de retrouver un minimum d'humanité.
À nous contenter de miettes.
À transformer les évidences en privilèges.
Et malgré tout, on continue.
Parce qu'on n'a pas le choix. Parce qu'elle est toujours là.
Et que tant qu'elle sera là-bas, moi je serai ici.
À écrire. À crier.
À ne pas les laisser gagner.

- Ramla Dahmani Accent est la sœur de la prisonnière politique Sonia Dahmani, en détention depuis le 11 mai 2024.
- Titres et intertitres sont de la rédaction.


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