À lire les pages des réseaux sociaux des partisans de Kaïs Saïed, Brahim Bouderbala serait sur un siège éjectable et ses jours seraient comptés au perchoir. Mercredi 7 mai 2025, le président Kaïs Saïed signe la fin des hostilités et lui renouvelle sa confiance. Les laudateurs ne devraient pas bien se sentir avec autant de mépris. Le président de l'Assemblée devrait être le plus heureux des Tunisiens et celui qui a passé la meilleure nuit entre le mercredi 7 et jeudi 8 mai 2025. Après plusieurs semaines de harcèlement numérique par les partisans de Kaïs Saïed, le président de la République vient de lui renouveler toute sa confiance. Quel meilleur pied de nez à ces partisans de Kaïs Saïed qui pensaient détenir la météo politique du pays. La campagne hostile à Brahim Bouderbala est unilatérale. Il n'y a eu aucun mot défavorable contre lui de l'opposition, seuls les partisans du régime semblent lui en vouloir.
Une offensive partisane coordonnée Tout commence le jeudi 27 février 2025, six députés, présidents de commissions, signent un communiqué incendiaire contre le président du Parlement. Une première quand on sait que le Parlement est monochrome. Est-ce une dissidence ou un ordre venu d'en haut ? Personne n'a de réponse officielle et formelle, mais ce communiqué signe comme le coup d'envoi d'une campagne numérique hostile à M. Bouderbala et qui a duré tout au long du mois de ramadan (mars), du mois d'avril et de cette première semaine du mois de mai. Tout au long de ces neuf semaines, ce sont des dizaines de pages et d'influenceurs parmi les partisans hystériques de Kaïs Saïed qui publient des posts dénigrant M. Bouderbala et son travail.
Certaines pages diffusent périodiquement des sortes de compteurs de suivi du nombre de signatures appelant au retrait de confiance du président du Parlement. Telle cette page aux 37 mille abonnés qui affirmait le week-end dernier que la pétition pour le retrait de confiance de Brahim Bouderbala a atteint les 2.257 signatures. D'après eux, le président du Parlement serait complice des milieux corrompus des affaires et travaillerait avec eux pour l'élaboration du nouveau code du travail, actuellement en examen.
L'Isie entre par la fenêtre Vers le 28 avril, l'Instance supérieure indépendante pour les élections leur offre du grain à moudre. Elle envoie des SMS collectifs aux Tunisiens expliquant ce que signifie le retrait de confiance à un membre d'un conseil élu. Le message est accompagné d'un lien dirigeant vers une note explicative publiée par l'instance. Officiellement, l'opération s'inscrit dans une démarche de sensibilisation civique. Sauf que l'envoi de SMS coïncide avec le dépôt d'une proposition de loi controversée — récemment retirée — concernant la Cour constitutionnelle et qui prévoit le retrait de confiance du président de la République. Cinq députés ont d'ailleurs refusé de retirer leurs signatures du projet, marquant ainsi leur désaccord avec la ligne dominante. C'est considéré un crime de lèse-majesté ! La concomitance de l'envoi de SMS par l'Isie avec la pétition contre Brahim Bouderbala et le dépôt de la proposition de loi est analysée comme étant le feu vert des autorités pour préparer le départ des députés insolents et de leur président. À aucun moment, on ne dit que cela peut être une simple coïncidence. « Il n'y a pas de coïncidence en politique », jurent confiants les partisans du régime. « Brahim Bouderbala est fini, concentrons-nous sur son ou sa successeure ».
Silence gêné chez les figures du régime Ce qu'il y a cependant à relever, c'est que les « stars » parmi les partisans de Kaïs Saïed, ceux qui occupent les médias mainstream en tant que chroniqueurs, ont observé un silence prudent. Ils ont refusé de s'associer aux hostilités des réseaux sociaux, alors que d'habitude ils agissaient en toute symbiose. Et ils avaient raison dans leur retenue.
Le démenti présidentiel en images Mercredi 7 mai 2025, Kaïs Saïed signe la fin des hostilités et dément ses partisans sur les réseaux sociaux. Il reçoit Brahim Bouderbala — en compagnie de Imed Derbali, président du Conseil national des régions et des districts — et lui renouvelle toute sa confiance.
Le chef de l'Etat a estimé que « les divergences d'opinions et d'approches étaient légitimes, à condition qu'elles convergent vers un objectif commun : franchir ensemble cette étape décisive en vue de bâtir un édifice national solide, durable sans retour en arrière. » Décryptage : Brahim Bouderbala peut avoir un avis différent sur le code du travail ou la Cour constitutionnelle ou autre, ce n'est nullement un problème tant il est loyal et a les mêmes objectifs que le président de la République. Pour mieux souligner l'appui du chef de l'Etat, la présidence de la République ne diffuse pas une photo de la rencontre, comme de coutume, mais quatre, dont l'une où l'on voit les deux hommes debout se serrant la main et une autre montrant Kaïs Saïed parler à Brahim Bouderbala.
Une leçon magistrale servie aux faux stratèges Les partisans de Kaïs Saïed, ces analystes autoproclamés qui confondent likes et légitimité politique, viennent de recevoir une magistrale leçon de realpolitik. Non seulement leurs prédictions se sont effondrées, mais elles ont surtout révélé leur superficialité et leur ignorance crasse des codes du pouvoir présidentiel. Le président ne dément pas, il insinue. Il ne déclare pas la guerre, il la fait taire en recevant. Sa communication n'est jamais frontale, elle est feutrée, distillée à travers les détails : quatre photos au lieu d'une, une poignée de main au bon moment, un regard appuyé sous l'objectif officiel. Rien n'est laissé au hasard.
Pendant que ses partisans s'égosillaient en ligne avec des hashtags et des pétitions stériles, Kaïs Saïed tranchait dans le marbre : Bouderbala reste. Et avec les honneurs, s'il vous plaît.