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Mourir à vingt ans aux frontières de l'Europe : quand la solidarité est criminalisée
Publié dans Business News le 20 - 06 - 2025

Qui se souvient encore de Fati Dosso, 30 ans, et de sa fille Marie, 6 ans, mortes de soif dans le désert entre la Tunisie et la Libye ? Mère et fille sont mortes enlacées. Une photo poignante, prise par le journaliste libyen Ahmad Khalifa, a brièvement ému les réseaux sociaux avant de sombrer dans l'oubli.
Qui se rappelle de François, Awa et de leur enfant, abandonnés près de la frontière algérienne, errant pendant neuf jours sans eau ni nourriture, avant d'être recueillis par des habitants de Tajerouine ? Ou de ces 25 corps desséchés, retrouvés en juillet 2023 dans les zones désertiques du sud tunisien — silencieux témoins d'une politique d'abandon ?
Dans les zones désertiques frontalières, des familles entières sont abandonnées sans eau ni secours, livrées à une mort lente et sans témoin.

Un lourd tribut sur les plages tunisiennes
À l'approche de cette Journée mondiale des réfugiés, la Méditerranée centrale reste un cimetière à ciel ouvert. Depuis le début du mois, les plages tunisiennes, notamment entre Sfax et Mahdia, voient s'échouer les corps sans vie de dizaines de migrants, victimes de naufrages répétés.

Migrants, réfugiés économiques mais certainement pas envahisseurs
La majorité de ces migrants n'avaient pas vocation à rester en Tunisie. Il s'agissait essentiellement de réfugiés économiques en transit, tentant de rejoindre l'Europe. Mais ce passage éphémère s'est trop souvent mué en calvaire.
Paradoxalement, bien que criminalisés, ces migrants rendent de précieux services à l'économie tunisienne. Ils sauvent des récoltes, remplacent une main-d'œuvre absente dans l'agriculture, la construction, l'hôtellerie. Plutôt que de les pourchasser, l'intelligence politique aurait été de régulariser temporairement leur présence.

Quand le pouvoir souffle sur les braises de la haine
Le 21 février 2023, le président Kaïs Saïed évoquait un prétendu « complot démographique », dénonçant une migration orchestrée pour déstabiliser le pays. Ce discours a nourri une vague d'agressions, de rafles, d'expulsions, sans pour autant endiguer les réseaux mafieux. La rhétorique du rejet des migrants ne pouvait en aucun cas tarir la traite humaine. Elle l'a simplement déplacée, tout en aggravant la répression.

Et Quand aider devient un délit
En Tunisie, la solidarité avec les migrants a été criminalisée. En 2024, la militante associative Sherifa Riahi a été arrêtée pour avoir hébergé des migrants. Saadia Mosbah et d'autres citoyens solidaires sont poursuivis pour « aide à l'immigration illégale », une accusation floue, politisée, et profondément injuste, là aussi silence radio. Les Européens qui financent cette lutte contre l'immigration dite clandestine ne s'en offusquent pas outre mesure, ils se vantent même d'avoir réduit le flux de migrants.

L'externalisation de la répression : un marché mortifère
En 2023, l'Union européenne a signé avec Tunis un protocole d'accord de plus de 100 millions d'euros, destiné à freiner les départs depuis les côtes tunisiennes. Une politique d'externalisation des frontières, où la répression est sous-traitée à des pays tiers, est honteuse.
Privés de voies légales, les migrants se retrouvent alors livrés aux passeurs, contraints de payer jusqu'à 5 000 ou 8 000 euros pour une traversée incertaine. Cette externalisation des frontières n'a pas empêché les morts — 1 600 décès recensés en 2024 par l'Organisation internationale pour les migrations, près de 30 000 depuis 2014.

Une impunité organisée
Les autorités tunisiennes observent un silence glaçant. Aucun chiffre officiel n'est publié sur les naufrages, les morts, les expulsions.
Des sommes colossales circulent et il faudrait un jour démasquer ceux qui en profitent.
Cette opacité complice, alimentée par un partenariat cynique entre Tunis et Bruxelles, ne semble pas poser de problème aux chantres des droits humains et autres donneurs de leçons. Ils n'ont qu'un seul but : réduire le nombre d'arrivées.

L'accueil dans nos traditions
Et pourtant, nos traditions, notre foi sont d'accueillir celui qui est en détresse. L'hospitalité a de tous temps été un pilier de notre culture, de notre histoire et de l'Islam. Le Coran le souligne, dans plusieurs sourates, notamment sourate Al-Hashr (59, verset 9)
« Ceux qui, avant eux, se sont installés dans le pays et dans la foi aiment ceux qui émigrent vers eux [...] et les préfèrent à eux-mêmes, même s'ils sont dans le besoin. »
وَالَّذِينَ تَبَوَّءُوا الدَّارَ وَالْإِيمَانَ مِن قَبْلِهِمْ يُحِبُّونَ مَنْ هَاجَرَ إِلَيْهِمْ وَلَا يَجِدُونَ فِي صُدُورِهِمْ حَاجَةً مِّمَّا أُوتُوا وَيُؤْثِرُونَ عَلَىٰ أَنفُسِهِمْ وَلَوْ كَانَ بِهِمْ خَصَاصَةٌ
صدق الله العظيم
Accueillir les migrants n'est pas une faiblesse, c'est une force morale, un devoir. C'est un acte de foi, un honneur, pas une menace.

Pour une politique digne et humaine
Il est temps de rompre avec la politique de l'aveuglement et du mépris. Mourir de soif dans le désert ou se noyer en Méditerranée ne sont pas des fatalités. Ce sont les conséquences directes de choix politiques cyniques qui font de la souffrance humaine un outil de dissuasion. Face à cela, il ne suffit plus de s'indigner : il faut agir.
Au lieu de construire des murs, dressons des ponts. Au lieu de financer la répression, investissons dans la dignité. Une politique migratoire fondée sur les droits humains, la coopération et la responsabilité partagée est non seulement possible, mais nécessaire.
Les pays du Nord doivent cesser d'externaliser la violence migratoire vers les pays du Sud. Ils doivent créer des voies légales et sûres pour l'asile et la migration, renforcer la coopération pour le développement des régions d'origine, et soutenir les sociétés d'accueil sans instrumentalisation sécuritaire.
Les pays du Sud, quant à eux doivent cesser de traiter les migrants comme des marchandises diplomatiques ou des menaces intérieures. Ils doivent refuser de jouer les gendarmes de l'Europe et réaffirmer leur humanité, leur histoire d'accueil, et s'opposer à la haine orchestrée par le pouvoir ou les démagogues.

Des pistes concrètes pour un changement
1. Mettre fin à la criminalisation de la solidarité, en abrogeant les lois qui poursuivent les citoyens pour aide humanitaire.
2. Rendre des comptes sur les naufrages, les expulsions et les violences commises par les forces de sécurité, avec des enquêtes indépendantes.
3. Créer un mécanisme national d'accueil et d'orientation, pour assurer un minimum de dignité aux personnes en transit.
4. Renforcer la coopération régionale fondée sur la protection et non sur la répression.
5. Adopter une législation sur le droit d'asile, absente dans plusieurs pays du Maghreb, malgré leurs engagements internationaux.
6. Impliquer les sociétés civiles et les diasporas africaines, en reconnaissant leur rôle moteur dans l'accueil, la médiation et le plaidoyer.
7. Briser le silence et l'impunité, en publiant des données transparentes sur les disparitions, les expulsions et les morts aux frontières.
8. Encadrer les politiques européennes d'externalisation, en conditionnant tout financement au respect strict des droits fondamentaux.

L'hospitalité, un des piliers de notre culture
Accueillir est une seconde nature dans notre culture. C'est une boussole morale. Une société qui laisse mourir des enfants aux portes de son territoire est une société qui va mal. La mémoire de Fati, de Marie, de François, d'Awa et de tant d'autres ne doit pas sombrer dans les sables ou dans l'oubli numérique.

* Pr Mohamed Salah Ben Ammar MD - MBA


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