La fermeture du camp Choucha, situé à la frontière tuniso-libyenne ne cesse d'alimenter les débats. C'est que la situation des migrants en Tunisie inquiète les organisations humanitaires. Morts, disparitions, violations des droits des migrants sont dénoncées par le Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux (FTDES), l'Union Générale Tunisienne du travail (UGTT), le Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l'Homme et la Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté de deux rives (FTCR). Ces organisations rappellent que « depuis 2011 et suite à de nombreuses disparitions d'émigrants tunisiens, plusieurs centaines de familles restent mobilisées pour connaître le sort de leurs proches. Or ni les commissions gouvernementales, ni les gouvernements eux-mêmes n'ont point donné à ce jour de réponses aux familles. Les 10 corps retrouvés après le naufrage des 6 et 7 septembre 2012 à Lampedusa n'ont toujours pas tous étés identifiés ». Quant au camp de Choucha officiellement fermé le 30 juin 2013 par le Haut Comité des Réfugiés (HCR) des Nations-Unies, il est toujours habité. Plusieurs centaines de réfugiés y survivent dans des conditions inhumaines, sans eau, ni électricité… « Sans papiers, ils sont toujours interdits de circuler sur le territoire, et sont donc condamnés à survivre dans le désert. D'autres réfugiés se sont installés à Ben Guerdane ou à Médenine, dans l'attente de projets d'intégration, sans qu'aucune mesure concrète ne soit prise pour leur octroyer des permis de séjour et de travail qui garantiraient leurs droits », déplore-t-on. Nombreux réfugiés installés à Ben Guerdane et à Médenine attendent des projets d'intégration. Sans carte de séjour, certains mendient. Certains repartent en Libye où ils peuvent subir de mauvais traitements. En Tunisie, il n'y a pas de loi sur l'asile. Les organisations humanitaires déplorent que les citoyens étrangers ne soient pas bien traités. Ces organisations humanitaires relèvent la multiplication des agressions racistes qui ont eu lieu sans que les victimes ne puissent porter plainte car elles n'avaient pas de carte de séjour. Les organisations humanitaires dénoncent cette situation. Elles ont publié un communiqué où elles s'élèvent contre « le silence coupable du gouvernement tunisien et les politiques violentes de l'Union européenne et ses Etats membres ». Elles appellent toutes les composantes de la société tunisienne à se mobiliser pour revendiquer des mesures urgentes. Elles exigent une réponse immédiate des gouvernements tunisien et italien sur le sort des disparus en pleine mer depuis 2011. Les réfugiés doivent être réinstallés dans des pays dotés de systèmes d'asile. Pour les réfugiés se trouvant encore en Tunisie, des cartes de séjour devront leur être délivrées. Une procédure de régularisation devra être engagée. Ces ONG demandent la suspension des négociations de la Tunisie avec l'Union européenne concernant les accords migratoires tant que la Tunisie n'a pas ratifié les conventions internationales sur les droits des migrants. Le camp de réfugiés de Choucha est situé dans le gouvernorat de Médenine à sept kilomètres du poste frontière de Ras Jedir et à 25 kilomètres de la ville de Ben Gardane. Il fut créé le 24 février 2011. Plusieurs centaines de milliers de réfugiés y ont transité durant la guerre civile libyenne de 2011 ainsi qu'à travers les camps de Remada, d'El Hayet et de Tataouine. Alors que les réfugiés libyens étaient accueillis au sein des familles tunisiennes ou s'établissaient momentanément dans la capitale, les réfugiés subsahariens, notamment de Somalie, d'Erythrée et du Soudan, demeuraient dans les camps de réfugiés. En mars 2012, le camp de Choucha accueillait entre 3 000 et 4 000 réfugiés de différentes nationalités, principalement subsahariennes mais aussi asiatiques, ainsi que des Palestiniens. Après plusieurs tentatives d'intégration et de réinstallation dans des pays étrangers, le camp a dû fermer ses portes en juillet dernier. Par ailleurs, rappelons que le Forum des Droits Economiques et Sociaux n'a jamais cessé d'attirer l'attention des autorités tunisiennes et européennes sur la situation fort délicate des migrants. Ses experts proposent une nouvelle politique migratoire. Ils précisent que les deux derniers naufrages près des côtes italiennes ont « ouvert le débat sur les politiques européennes d'asile et d'immigration ». Ils déplorent l'approche répressive et inhumaine de la migration en Europe. En effet, depuis plus de dix ans, la fermeture des voies légales d'accès au territoire européen s'est accompagnée de la mise en place de mesures répressives visant à empêcher les migrants, réfugiés et demandeurs d'asile d'accéder au sol européen. On dénombre, entre janvier 1993 et Mars 2012, plus de 16 mille personnes sont décédées aux frontières de l'Union européenne. Les Tunisiens qui reprochent aux Européens de mal accueillir les étrangers, vont-ils à leur tour les imiter ?