Le président de la République a fait cette semaine des visites inopinées très matinales aux côtes de Ksibet Madiouni et Lamta dans la région de Monastir et s'est promené sur les plages de Menzel Temime et de Kélibia dans le gouvernorat de Nabeul. Il a eu à constater de visu l'état lamentable de la plage et le degré de pollution avancé de la mer qui n'est plus un lieu de villégiature ou une source de vie pour les habitants pêcheurs de ces régions, mais un lieu de mort pour eux ainsi que pour les poissons qui se hasardent dans ces eaux. Face à ce tableau apocalyptique, le président a reconnu que ce qui se passe sur le littoral est un crime contre le peuple. En effet, Monsieur le Président, c'en est un, mais pas le seul crime commis contre ce pauvre peuple. Faites une visite inopinée dans une prison et vous constaterez des crimes non seulement contre les détenus, mais surtout contre la dignité humaine. Ou encore, faites un tour, véritablement inopiné, du côté d'un marché populaire et vous verrez vous-même la misère d'un peuple affamé qui continue à vous soutenir certes, mais qui commence à perdre patience.
Une APAL affaiblie par les lobbys Pour le président de la République, le responsable de ce grand gâchis est tout indiqué : l'Agence de protection et d'aménagement du littoral (APAL), qui succombe à l'influence des lobbies. Dans une large mesure, les affirmations du président de la République sont vraies. L'APAL est totalement défaillante et se trouve depuis de longues années déjà sous la pression des pesanteurs bureaucratiques et politiques, ainsi que sous les influences économiques et des lobbys. Ces derniers sont au nombre de deux. Il y a tout d'abord le lobby du tourisme, très influent sur le plan politique. Il s'est pratiquement approprié le littoral face aux hôtels et a fait des stations balnéaires des lieux privés, interdits ou presque, aux Tunisiens. Bien entendu, cette partie touristique du littoral est toujours bien entretenue et aucune source de pollution n'y vient perturber la quiétude des touristes languissant sous le soleil. Ensuite, il y a le lobby très influent des industries exportatrices, qui sont des activités très polluantes comme l'industrie textile. Pour des raisons économiques et sociales, les industriels peu respectueux des normes ne sont presque jamais gênés et peuvent polluer l'environnement à leur guise. L'option présidentielle de démanteler l'APAL et de charger les autorités locales de gérer le littoral serait une option improductive, du fait que les conseils municipaux ont été dissous depuis plus de deux ans et remplacés par des fonctionnaires qui se limitent à gérer le quotidien, sans grand succès d'ailleurs.
L'ONAS, un acteur clé de la catastrophe Mais l'APAL n'est pas le seul responsable de la pollution du littoral. L'Office national de l'assainissement (ONAS) est aussi un acteur de la pollution du littoral et un responsable direct de ce crime contre le peuple. Financé directement par les usagers, l'ONAS est un organisme totalement défaillant. Chargé de traiter les eaux usées, il continue de déverser ces eaux sans traitement directement dans la mer. Il est responsable de la pollution d'une grande partie des plages tunisiennes. Rien que dans la région du Grand Tunis, l'ONAS est responsable de la pollution des plages de toute la banlieue sud (Radès, Ezzahra, Hammam-Lif). Dans la banlieue nord, la situation n'est guère meilleure, de La Goulette à Raoued. Les saletés déversées par l'ONAS dans la mer ont rendu la baignade pour près de deux millions de Tunisiens impossible et dangereuse. Pour des raisons évidentes, seule une partie de ce littoral, allant de Carthage à Gammarth, a été épargnée de la pollution. S'il existe un organisme qu'il faut faire disparaître sans tarder, parce qu'il est coûteux et inefficace, c'est bien l'ONAS. Pour le contribuable, pollution pour pollution, autant ne pas la financer de sa poche.