Après la démission fracassante de Sébastien Lecornu, Emmanuel Macron se retrouve au pied du mur, avec peu d'options et peu de visibilité, dans un climat d'incrédulité générale. Le chef de l'Etat a donné lundi soir 6 octobre 2025, 48 heures au Premier ministre démissionnaire pour tenter de sortir de l'ornière et recomposer une majorité, fût-elle relative. Avec, à la clé, s'il échoue, la menace d'une nouvelle dissolution — la deuxième en seize mois. Voire, pour certains, le spectre d'une démission du président. Et avant cela, un énième Premier ministre, le quatrième en un an ? « Dans la situation actuelle, aucune force politique ne peut négocier sans risquer de se compromettre vis-à-vis de son électorat », anticipe Delphine Dulong, professeure de science politique à l'université Paris-1. Quoi qu'il en soit, « le président va être bien obligé de nommer à un moment un nouveau Premier ministre », avance un proche de la première heure, en soulignant un des rares avantages de la situation actuelle : « un gouvernement démissionnaire n'est pas censurable ». Car l'urgence reste la même : présenter et faire adopter au plus vite un budget pour 2026, premier gage de stabilité d'un pays alors que la démission de Sébastien Lecornu a jeté un froid sur les marchés et chez les partenaires européens de la France. Après trois Premiers ministres issus de la droite et du centre depuis la dissolution ratée de 2024, Emmanuel Macron pourrait choisir de se tourner vers la gauche, même si ce scénario n'a jamais eu sa faveur.
« Plus de majorité » « Soit le président donne sa chance à la gauche, pour montrer que ça ne marche pas. Soit il nomme un gouvernement vraiment technique, quelqu'un sans mandat, avec des ministres techniciens, en assumant une forme de dépolitisation », esquisse un cadre du camp présidentiel. Pour Mathilde Philip, constitutionnaliste à l'université Lyon-3, le chef de l'Etat, toujours très actif en coulisses, comme les responsables de partis déjà tendus vers la présidentielle de 2027, doivent changer de logiciel et laisser le dernier mot au Parlement. « Ce qui a changé, c'est qu'il n'y a plus de majorité au Parlement. Il n'y a plus de parti dominant », observe-t-elle. « Il faut donc davantage laisser la mainmise aux parlementaires pour trouver un accord de coalition. C'est la dernière chance pour éviter une crise de régime », avertit-elle. Pour d'autres, en revanche, l'heure de la dissolution a déjà sonné. Aux deux bouts de l'échiquier, Rassemblement national et Insoumis la réclament haut et fort. « En cas de nouvelles élections, ce serait une victoire du RN. Le front républicain est mort », avertit toutefois un cadre du camp présidentiel.
« Qu'il parle ! » Et si Emmanuel Macron perd deux fois les élections, « il sera obligé de démissionner », affirme un conseiller de l'exécutif, même si l'intéressé rejette avec force cette issue extrême. En attendant, responsables politiques et observateurs ont perdu toute boussole. « C'est le brouillard absolu », concède un cadre macroniste. « Personne ne comprend rien. On est dans une incertitude très forte », renchérit Delphine Dulong. D'autres somment le chef de l'Etat de s'expliquer. « Mais qu'il parle, bon sang ! », lance le président LR des Hauts-de-France, Xavier Bertrand. « La politique internationale, c'est important (…) mais l'intérêt des Français, c'est encore plus important », martèle-t-il.
Depuis la nomination de Sébastien Lecornu, le 9 septembre, le chef de l'Etat s'est surtout illustré sur la scène internationale, prenant la tête du camp pour la reconnaissance d'un Etat palestinien à l'ONU ou celle de la lutte contre la flotte pétrolière russe fantôme en Europe. « Son aptitude à prendre des initiatives sur la scène internationale risque toutefois d'être affectée » par la nouvelle crise, relève Célia Belin, du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR) à Paris. À Berlin comme ailleurs, l'inquiétude est palpable. La stabilité de la France est « importante pour l'Europe », a rappelé avec force le porte-parole du gouvernement allemand, Stefan Kornelius.