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Kaïs Saïed relance sa croisade contre la Ctaf et oublie le vrai problème de la BCT
Publié dans Business News le 07 - 10 - 2025

Kaïs Saïed dénonce encore la Ctaf, qu'il soupçonne d'inaction face aux flux suspects. Mais derrière cette énième diatribe, le véritable blocage se trouve ailleurs : la Banque centrale ne fonctionne plus normalement puisque son conseil d'administration est paralysé, faute de quorum.

Il se passe quelque chose d'incompréhensible entre la Banque centrale de Tunisie (BCT), la Ctaf et la présidence de la République. Régulièrement, le chef de l'Etat convoque le gouverneur de la BCT pour exprimer son mécontentement à l'égard de la Ctaf, qu'il accuse de ne pas remplir sa mission de surveillance des flux financiers.
C'était encore le cas lundi 6 octobre. Kaïs Saïed a reçu le gouverneur Fethi Zouhair Ennouri pour évoquer le rôle de la Ctaf dans la lutte contre le blanchiment et le transfert illicite de fonds. Selon la présidence, d'énormes sommes d'argent seraient acheminées depuis l'étranger sous couvert d'obscurité, puis blanchies et redistribuées à des individus ou des entités bancaires et non bancaires, sans contrôle ni supervision.
Le communiqué publié à l'issue de la rencontre est quasiment identique à celui diffusé six mois plus tôt : mêmes reproches, même lexique, presque mot pour mot. Rien de nouveau, donc. Le même discours se répétait déjà du temps de l'ancien gouverneur Marouane Abassi, en mai 2023. On compte une bonne dizaine de fois où le chef de l'Etat a répété les mêmes accusations, jusqu'à hier.

Un rôle mal compris
Qu'il y ait des transferts douteux, sous l'obscurité comme le soutient la présidence ou en plein jour, nul ne l'ignore. C'est un phénomène mondial. La véritable question est de savoir comment les identifier parmi les centaines de millions de dinars transférés chaque jour de et vers l'étranger.
À en croire Kaïs Saïed, ce serait à la Ctaf de vérifier chaque virement. Or cela est matériellement impossible. La commission n'a pas — et ne peut pas avoir — ce rôle.
Son travail commence lorsqu'elle reçoit des déclarations de soupçons (DS) émanant des banques, des juges d'instruction ou de l'administration fiscale.
Prenons un exemple. Un particulier reçoit pour la première fois 1.000 euros de l'étranger. Sa banque le convoque et lui demande des explications. S'il justifie le transfert (don familial, facture, prestation…), il est autorisé. S'il refuse ou fournit une réponse suspecte, la banque alerte la Ctaf. Même logique pour les juges ou l'administration fiscale.
À l'inverse, lorsqu'une entreprise reçoit dix millions d'euros par mois, aucune DS n'est émise si les transferts sont justifiés et documentés par le client auprès de sa banque, la première fois. Les banques connaissent leurs clients et ne peuvent pas suspecter chaque opération internationale. Elles doivent simplement identifier les comportements anormaux ou les clients suspects (un contrebandier par exemple) et alerter la Ctaf en cas de doute.

Des flux hors du radar de la Ctaf
Ce que Kaïs Saïed omet de mentionner, lors de ses nombreuses rencontres avec le gouverneur de la BCT, c'est que les flux suspects ne transitent pas tous par les banques.
Certains passent par les frontières terrestres ou aériennes, où seule la douane est compétente. D'autres circulent en pleine rue, sous les arcades de l'avenue de France à Tunis ou sur les étals de Ben Guerdane. Dans ces cas-là, c'est à la police d'agir, non à la Ctaf.
En clair, la Commission tunisienne des analyses financières n'a aucune autorité directe sur tous les flux et ne peut bloquer un transfert de sa propre initiative. Ce point, pourtant maintes fois répété dans les réunions entre Carthage et la BCT, demeure incompris.
Les prérogatives de la Ctaf sont clairement définies par la loi, et même si celle-ci venait à évoluer, il resterait impossible de contrôler chaque opération au vu du volume colossal des transactions quotidiennes. Les flux financiers ne passent d'ailleurs pas par la Banque centrale, contrairement à ce que croit Kaïs Saïed, mais directement d'une banque A à une banque B, quelles que soient les nationalités de ces banques et de leur clientèle.

Une institution fragilisée par la suspicion
Malgré ces règles universelles qui régissent le milieu financier, le président de la République continue de pointer du doigt la Ctaf, quitte à répéter les mêmes erreurs d'interprétation. Il part de bonnes intentions, sans aucun doute, mais malgré ses avertissements multiples, il y a toujours des transferts douteux et des financements suspects dans le pays. Et il y en aura toujours quoi qu'il fasse.
Depuis le départ de Lotfi Hachicha en septembre 2023, la Ctaf a connu des turbulences. En mars 2024, Neïla Fathallah a été nommée secrétaire générale. Compétente et respectée, selon ses pairs, elle a pourtant été arrêtée six jours en septembre 2024 avant de jeter l'éponge ne supportant pas l'affront.
Son successeur, Abdessalem Ben Hamouda nommé en avril 2025 est un juriste chevronné avec vingt ans d'expérience au service juridique de la BCT. Il est unanimement salué pour sa rigueur et sa compétence.
Force est donc de reconnaître que la Ctaf est aujourd'hui dirigée par des profils intègres de haut calibre, loin des querelles politiques. Pourtant, Kaïs Saïed continue de suspecter la commission de fermer les yeux sur d'hypothétiques transferts nocturnes.

Pendant ce temps, la BCT tourne au ralenti
La rencontre du 6 octobre donne un air de déjà-vu. Le président reprend les mêmes accusations, les mêmes termes, évoquant à nouveau « cartels » et « conspirations ».
Mais le communiqué nocturne, publié après 23 heures, passe sous silence un problème autrement plus grave : le conseil d'administration de la Banque centrale de Tunisie ne s'est pas réuni depuis le 30 juillet.
En principe, le conseil se réunit tous les deux mois. S'il ne peut plus le faire, c'est faute de quorum. Il manque deux membres : un représentant du secteur bancaire et un du Conseil du marché financier (CMF). Or ce dernier est cité dans le scandale de la société TSI, un montage de type Ponzi. Logiquement, le gendarme de la bourse ne peut siéger au conseil de la BCT tant qu'il est impliqué dans une affaire judiciaire de grande ampleur puisqu'on parle de quelque 400 millions de dinars.

Une diatribe de plus, sans solution de fond
Plutôt que de s'atteler à résoudre les blocages institutionnels, le président de la République a préféré, encore une fois, désigner un responsable commode. En accusant la Ctaf de laxisme, il détourne l'attention du véritable problème : la paralysie de la Banque centrale et l'absence de gouvernance au sommet de l'Etat.
Le chef de l'Etat ne cesse de dénoncer un système opaque, mais c'est paradoxalement lui qui entretient l'opacité institutionnelle. En privant la BCT de quorum, en s'en prenant à ses organes techniques et en ignorant les procédures prévues par la loi, il affaiblit les mécanismes de contrôle qu'il prétend défendre.
La Ctaf n'est pas une autorité politique, mais un outil d'alerte et d'analyse. Elle n'a pas vocation à traquer chaque dinar suspect, ni à agir sans saisine. L'attaquer sur ce terrain relève moins d'un souci de transparence que d'une méconnaissance des règles de la régulation financière.
Ce réflexe de dénonciation systématique, devenu un marqueur du discours présidentiel, traduit un rapport compliqué aux institutions : Kaïs Saïed ne leur fait pas confiance, mais il ne les réforme pas non plus. Il veut une administration exemplaire, sans lui donner les moyens d'agir. Il réclame la vigilance, tout en désorganisant les structures censées garantir cette vigilance.
À force de ressasser les mêmes accusations, le président s'isole dans une logique d'incantation où le verbe remplace l'action. Pendant ce temps, les institutions financières tournent au ralenti, les textes de loi dorment, et la Ctaf — pourtant indispensable à la crédibilité du pays sur le plan international — fonctionne sous pression permanente.
Les vrais défis, eux, restent entiers : la nomination des membres manquants du conseil de la BCT, la coordination avec le CMF, la lutte contre l'économie informelle et la fuite des devises hors des circuits officiels.
Au bout du compte, la Tunisie n'a pas besoin d'un procès d'intention contre ses institutions, mais d'un Etat qui assume la complexité du contrôle financier sans en faire un combat personnel. Tant que le pouvoir continuera à confondre surveillance et suspicion, le ciel restera orageux — non seulement sur les banques, mais sur l'ensemble de la gouvernance économique du pays.


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