La tension est montée d'un cran, ce vendredi 10 octobre 2025, à Gabès. Plusieurs citoyens sont descendus dans la rue pour dénoncer la dégradation continue de la situation environnementale dans la région. En colère, ils ont marché en direction du Groupe chimique tunisien (GCT) pour exiger le démantèlement des unités polluantes responsables de la multiplication des fuites de gaz et des cas d'asphyxie. Les manifestants, parmi lesquels de nombreux habitants de Chatt Essalem, la zone la plus touchée, ont brandi des pancartes dénonçant un « crime environnemental » et réclamant le droit à un air sain. Certains ont réussi à pénétrer dans l'enceinte du complexe chimique, symbole, pour eux, d'un Etat absent face à la détresse d'une population sacrifiée depuis des décennies. Plusieurs habitants ont affirmé que leurs enfants souffraient de maux de tête, de toux ou de difficultés respiratoires, particulièrement après chaque épisode de fuite ou d'émanation de gaz.
Face à la colère grandissante, l'armée est intervenue pour sécuriser les lieux. L'intervention s'est déroulée dans le calme, sans heurts ni affrontements, permettant de rétablir l'ordre autour du site tout en évitant l'escalade.
Cette mobilisation fait suite à un nouvel incident survenu plus tôt dans la journée : plusieurs élèves du collège Chatt Essalem ont été victimes d'asphyxie à la suite d'émissions de gaz provenant du GCT. La protection civile a dû intervenir d'urgence pour les évacuer et leur prodiguer les premiers soins. Ces scènes, désormais récurrentes, ont suscité une vague d'indignation dans toute la région. Dans un communiqué, la section régionale de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) a dénoncé la vétusté des installations du Groupe chimique tunisien et la répétition quotidienne des cas d'asphyxie, qualifiant la situation de « bombe à retardement ». Le syndicat a mis en garde contre le risque d'une grève générale régionale, si les autorités ne prennent pas rapidement des mesures concrètes pour protéger les habitants et mettre fin aux fuites de gaz. L'UGTT a également rappelé que les infrastructures de santé locales ne sont pas en mesure de faire face aux urgences environnementales, notamment en matière de transport et de prise en charge des victimes. L'organisation syndicale considère que l'Etat porte une responsabilité directe dans cette crise, parlant d'un « crime d'Etat » commis depuis des décennies contre la population de Gabès.
En réaction à la montée de la colère, le président de la République, Kaïs Saïed, a promis la mise en œuvre de mesures concrètes pour restaurer un environnement sûr et préserver la santé publique. Mais sur le terrain, la méfiance reste profonde : à Gabès, les habitants affirment qu'ils ne croient plus aux promesses et qu'ils n'attendront plus pour faire entendre leur droit à la vie.