Et de cinq ! Avec le plébiscite, le Président Zine El Abidine Ben Ali est reconduit pour cinq ans. Le résultat n'est pas surprenant et a été accueilli avec grande joie par les uns, avec grand agacement par les autres. Les uns y voient une démocratie qui s'exprime, les autres y voient une population qu'on étouffe. Les uns ne cessent de mettre en exergue ce qui a été réalisé, les autres n'arrêtent pas de montrer ce qui ne l'est pas encore. Les uns parlent de démocratie responsable, les autres parlent d'opposition de façade. Au milieu de cette cacophonie médiatique, le Chef de l'Etat continue son chemin. La Tunisie émerge du lot et c'est indéniable. La Tunisie est généralement (voire souvent) bien notée et c'est incontestable. Mais la Tunisie n'est pas encore la Suède. « Nous entendons, aussi, faire entrer notre pays dans une nouvelle ère démocratique encore plus avancée », a déclaré récemment le Président Ben Ali dans l'interview accordée à Zyed Limam, directeur d'Afrique Magazine après avoir indiqué que, s'il est réélu, il se fera un « devoir d'enrichir les acquis accumulés au cours des deux décennies écoulées et de progresser résolument vers l'objectif que nous nous sommes fixé, à savoir préparer la Tunisie à accéder rapidement au rang de nation développée ». Le Président Ben Ali est réélu et il progressera résolument vers l'objectif fixé. Oui, la Tunisie accèdera (et rapidement) au rang de nation développée. En attendant, certains crient sur tous les toits que la Tunisie n'est pas la "Suède". Mais on le sait ! Le Chef de l'Etat est le premier à le savoir et à en être conscient. Et si la Tunisie n'est pas encore la "Suède", c'est parce que la majorité des Tunisiens ne ressemblent en rien aux Suédois. Entre Tunisiens, on ne le sait que trop. Sortez un dimanche après-midi devant un stade et comptez le nombre de quadragénaires, enveloppés dans le drapeau de leur équipe, en train de klaxonner la victoire de onze footballeurs. Comptez le nombre de Tunisiens qui prennent les désirs des Amrou Khaled et Youssef Qaradhaoui pour des ordres divins. Ceux qui aimeraient voir la chariâa instaurée et imposer à leurs concitoyens leur vision rétrograde de la religion. Ceux pour qui Saddam était un héros. Comptez le nombre de Tunisiens pour qui le mot citoyenneté n'a pas beaucoup de sens. Pour qui la fraude fiscale est un sport favori. Pour qui le code de la route n'est valable que pour les autres. Comptez le nombre de Tunisiens qui font peu de cas de leurs voisins avec leurs fêtes nocturnes et haut parleurs assourdissants. Comptez ceux pour qui le trottoir et la chaussée représentent une poubelle géante. Comptez le nombre de Tunisiens qui font les 400 coups pendant leur célibat et qui cherchent un conjoint vierge pour le mariage. Comptez le nombre de Tunisiens qui prennent le Nord pour modèle, mais demeurent attirés par l'Orient. La Tunisie n'est pas encore la Suède et les Tunisiens ne sont pas Suédois. Pour une nation déchirée entre ses cultures arabo-musulmane d'un côté et occidentalo-laïque de l'autre, tout peut basculer à tout moment. Et il n'est pas du tout certain que l'on basculera du bon côté. Pour une nation trois fois millénaire, qui revendique une identité arabo-musulmane depuis quelques siècles et qui vit sous un régime républicain depuis 52 ans, tout peut basculer à tout moment. Et il n'est pas du tout certain que l'on basculera du bon côté. Maintenir cette nation en équilibre exige des sacrifices. Impose que l'on casse des ufs. En 52 ans, la Tunisie a parcouru énormément de chemin. Moins que beaucoup d'autres, c'est certain. Mais plus que beaucoup d'autres, c'est évident. En tout cas, quand on la compare aux pays "arabo-musulmans" qui lui ressemblent, et dans tous les domaines, elle occupe une très, très bonne place. La meilleure. Un exemple pour la région. Les Tunisiens savent bien cela et ils le ressentent au quotidien. Il est plus agréable de vivre à Tunis qu'à Paris. Et nettement plus agréable qu'à Stockholm. La Tunisie n'est pas encore la Suède, mais elle ne tardera pas à l'être. Elle progresse résolument vers cet objectif fixé par Ben Ali, que tout Tunisien sensé ne peut que partager et applaudir : accéder rapidement au rang de nation développée.