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L'identité Tunisienne nous était-elle confisquée ? Et comment la (re) constituer ?
Débat
Publié dans Le Temps le 08 - 04 - 2011

Dossier instruit par Hajer AJROUDI - Aujourd'hui, le débat sur l'identité tunisienne bat son plein. On en parle, on argumente, et surtout on revendique ! Islam, arabes, berbères, Tunisie … Tous les éléments constituant une identité sont voqués et chacun essaye de convaincre de la dominance d'un élément aux dépends des autres. C'est comme s'il fallait qu'un seul fasse le poids, sinon, on n'est pas Tunisien. Certaines personnes se sentent menacées dans leur identité, d'autres essayent de l'imposer, de la crier fièrement et beaucoup la recherchent encore, sans préjugés, en essayant de ne pas se laisser manipuler…
Peut-on définir une identité tunisienne précise ? De quoi serait-elle alors constituée ? Et surtout pourquoi le débat a-t-il été entamé, passionné et animé, aujourd'hui plus ce que jamais ?
Afin de répondre à ces questions, nous avons contacté Dr. Houssem Louiz, psychiatre thérapeute et avons collecté quelques témoignages.
Dr. Houssem Louiz (psychiatre thérapeute) - « Cela procède d'une peur, d'un sentiment de menace… »
Il faut différencier l'identité individuelle ou celle qui définit un sujet par rapport à un autre de l'identité collective, celle du groupe. Dans l'identité individuelle, il est question de l'existence même du sujet qui ne peut se concevoir que par rapport à l'autre et généralement le premier autre d'un sujet est sa mère. C'est au moment où l'individu réalise qu'il est autre que sa mère qu'il commence à avoir ce sentiment d'identité.
Le sentiment de l'identité est un sentiment d'unité et de cohérence, mais aussi un sentiment d'appartenance organisée autour d'une volonté d'existence.
Quels sont les constituants d'une identité nationale ?
Le sentiment d'unité donne lieu à la notion de l'identité sociale, celle du groupe. L'appartenance à un groupe dépend, en effet, de plusieurs éléments qui peuvent réunir les individus qui appartiennent à un même groupe. Cela peut être une même appartenance ethnique, linguistique, religieuse ou territoriale.
Le facteur identitaire le plus solide ou constant d'un citoyen est le facteur territorial ; l'appartenance à la même terre. Qu'on le veuille ou pas, les éléments ethnique, linguistique et religieux ont été tout au long de l'histoire et dans presque toutes les nations, sujets à des variations. L'identité nationale dépend de plusieurs éléments majeurs, mais l'identité nationale la plus constante est l'appartenance à une même terre. Je suis Tunisien parce que j'ai des origines, des racines en Tunisie.
Que penses-tu du débat ouvert actuellement et pourquoi en parle-t-on maintenant ?
D'une manière générale l'identité apparaît aujourd'hui l'objet d'une revendication généralisée, des groupes ethniques, linguistiques, religieux revendiquent une identité propre comme s'il y avait une menace qui s'attaquait à leur identité et donc à leur existence.
L'effet de la mondialisation avec l'ouverture des canaux de communication et d'information implique une homogénéisation et un conformisme culturel et mental. Ainsi, les peuples du monde n'ont jamais été aussi proches depuis son existence. Revendiquer une identité revient alors à protéger et à défendre l'existence du groupe qui ressent donc une menace s'attaquant à son identité.
Pourquoi la revendication d'une identité arabo-musulmane plus qu'une autre ?
Le monde arabo-musulman se sent aujourd'hui envahi par la culture occidentale et se sent même persécuté, à tort ou à raison par la politique occidentale. Ce sentiment de menace et de persécution ne peut que favoriser les revendications identitaires
Pourquoi vouloir résumer une identité, constituée normalement de plusieurs éléments en une seule et notamment l'arabo-musulmane ?
Cette revendication identitaire arabo-musulmane est suspecte et devrait nous inviter à plusieurs interrogations. De telles revendications dénotent d'une une fragilité de cette identité car une identité affirmée ne chercherait pas à s'imposer et à lutter.
Normalement, « je suis arabe, je suis musulman » là où je suis en Amérique du Nord, en Europe ou en Asie (…). Limiter l'identité à une même appartenance linguistique et religieuse ne peut que renfermer et exclure.
L'identité ne doit en effet pas être figée mais doit s'inscrire dans l'avenir. Sinon elle n'aura qu'un seul rôle ; « celui de me démarquer ou démarquer un groupe de ce qui diffère de moi ou de mon groupe ».
A ce moment là, on peut parler quand il s'agit d'une nation de plusieurs identités : linguistiques, religieuses, territoriales et d'une identité citoyenne.
Y a-t-il un lien entre la révolution et l'ouverture du débat ? Le Tunisien avait-il « son identité confisquée » ?
La situation du Tunisien ou le vécu du Tunisien depuis les années 70, au sein d'un régime politique totalitaire avec l'image d'un père de la nation ne permettait pas au Tunisien de développer sa propre identité citoyenne. Il se retrouve aujourd'hui, après le 14 janvier, face à une grande interrogation qui est celle : qui suis-je ? Les slogans de la révolution et le drapeau tunisien réappropriés par le citoyen nous mènent à penser que le Tunisien se réapproprie son identité tunisienne.
On avait l'impression une fois la première phase bourguibienne patriotique terminée que le Tunisien avait l'impression d'être un locataire de son pays et ne faisait que subir ce qu'on décidait pour lui
En n'ayant plus cette possibilité d'action, le sentiment d'appartenance se dissout.
Est-ce que la fragilisation de l'identité citoyenne tunisienne est justement ce qui a détourné les Tunisiens vers une autre identité « disponible » en l'occurrence Arabo-musulmane ?
Le fait qu'on nous enlève, ou qu'on nous fragilise l'identité territoriale mène automatiquement à la recherche d'une autre identité parce qu'elle est essentielle, le Tunisien s'est alors retourné vers l'identité arabo-musulmane.
Les revendications peuvent se calmer si le citoyen tunisien se réconcilie avec son identité territoriale et citoyenne. Redevient un citoyen à part entière, qui agit et non pas subit et la citoyenneté ne peut exister que si elle se pratique. Insister sur l'identité arabo-musulmane et délaisser l'entité tunisienne dénote la fragilité du premier facteur car normalement, on ne devrait pas ressentir le besoin de le prouver.
Pourquoi est-elle fragile ?
Parce qu'il s'agit d'une identité conjoncturelle chronologiquement. Beaucoup de Tunisiens se sentent proches intellectuellement des Occidentaux sans qu'ils se sentent menacés dans leur identité arabo-musulmane par exemple.
Qu'est-ce qu'être Tunisien alors ?
Dire je suis Tunisien ne veut pas dire forcément dire je suis arabo-musulman. Il y a une minorité qui revendique sa « tunisianité » et qui est constituée de juifs, chrétiens et de musulmans « uniquement de naissance et ayant quitté ou s'étant éloignés de la religion ». Est-ce que le fait de revendiquer une identité arabo-musulmane de la Tunisie fait en sorte qu'on « accueille et tolère ces minorités » alors ou est-ce qu'ils sont « ici en tant que citoyen à part » ? D'où le danger d'une revendication puissante radicale arabo-musulmane : l'exclusion des minorités. Donc c'est pour cela que l'identité territoriale est plus intéressante et globale. D'un autre côté, Les courants islamistes utilisent les Tunisiens dans leur recherche identitaire. D'ailleurs, Ce sont les islamistes qui, une fois le débat sur la laïcité engagé dans la rue et sur les médias, ont rapidement mis sur la table la question de l'identité et ils ont fait croire que la notion de la laïcité, que je ne défends pas est-une menace pour l'identité. Tant que le Tunisien n'ait pas retrouvé son identité, l'extrémisme reste un danger…
La laïcité ne risque-t-elle pas de détruire le caractère arabo-musulman de l'identité tunisienne ?
La laïcité est un concept philosophique né dans des circonstances particulières dans un pays donné et qui s'est diffusée dans des pays ressemblant à ces pays. Il faudrait que nous mêmes nous nous interrogions et inventions notre propre concept qui sépare le politique du sacré et qui garantit la neutralité de l'Etat face à la relation des personnes avec leurs croyances. Inventer notre propre « laïcité » s'impose parce que les données sociologiques, politiques et chronologiques en Tunisie ne sont pas les mêmes qu'en Europe. D'ailleurs, la laïcité pose problème même dans les pays occidentaux, le débat continue en France. L'essentiel est qu'il soit inscrit dans notre constitution qu'être Tunisien c'est appartenir à ce territoire.

Témoignages
Lionel Sebag, Tunisien de confession juive
L'identité tunisienne est un ensemble riche mais complexe
Il est vrai que la majorité de la population tunisienne est arabo-musulmane, cela n'empêche qu'on ne peut résumer l'identité tunisienne dans ce caractère car cela mènera automatiquement à la marginalisation de beaucoup de Tunisiens. En ce qui me concerne, l'identité tunisienne est constituée de plusieurs éléments accumulés à travers une histoire riche et diversifiée. Toutes les populations ayant construis des civilisations ici, à commencer par les Berbères, originaux des terres ou les Israélites venus s'installer il y a 2000 ans, en passant par les Phéniciens, arabo-musulmans, turcs, andalous (…) ont participé à faire de la Tunisie ce qu'elle est aujourd'hui.
Ici, on trouve de tout, plusieurs confessions, croyances, ethnies, et même langues puisque certaines personnes en Tunisie continuent à utiliser des termes berbères ou alors sont ces personnes venues de l'Europe au 18ème siècle. Je me considère comme Tunisien, l'élément primordial pour moi dans ma définition de l'identité tunisienne est alors l'élément culturel, comme dans le détail culinaire : on aime tous le couscous et la salade Mechouia ! Un Tunisien musulman devrait se sentir plus proche de moi vu nos similitudes que d'un Koweïtien. Nous avons la même histoire, humour, culture, façon de voir la vie, cuisine, et surtout l'amour du pays. Ce sont là plusieurs éléments forgeant une identité.
Mais malgré cette richesse, les Tunisiens continuent à vouloir résumer leur identité en un élément qui, même s'il est important et qu'on se doit de respecter, marginalise les autres. Et malheureusement, ceux qui n'y adhèrent pas sont souvent attaqués. Ainsi, si j'ai des idées ou des visions qui sont différentes de ce qui appartient à la culture arabo-musulmane, je serai taxé de traité de traître ou de pas Tunisien. J'insiste à dire que souvent je ne suis pas traité comme Tunisien à part entière, simplement car ma perception de l'identité tunisienne est différente…
Sofiène : L'identité tunisienne est un ensemble d'affluents divers
Le concept d'identité même n'est qu'une illusion. Ce n'est pas quelque chose de concret ? C'est comme la religion, l'homme a inventée l'identité pour s'enfermer dedans et que cela devient un outil de manipulation, un argument de censure, de répression et de dictature.
L'identité n'est pas un produit du passé qui était créé une fois pour toute, définitif et qui ne change jamais. C'est plutôt un concept historique et un processus créatif qui se recrée continuellement. L'homme crée son identité qui n'est que son œuvre maîtresse.
Pour la Tunisie, parler d'une identité arabo-musulmane et l'imposer à tous les Tunisiens, est à mon avis absurde. D'abord, je trouve que l'identité tunisienne est un ensemble d'affluents divers tels que l'arabe, les caractères musulman, judaïque, amazigh, phénicien, méditerranéen, maghrébin, africain, francophone, andalou (...) et qui caractérisent la Tunisie par rapport aux autre pays, on ne peut pas imposer une identité ou une autre, quand on parle de démocratie on parle aussi de diversité y compris la diversité identitaire, ou chacun puisse construire la sienne par rapport à ce qu'il a hérité et ce qu'il a choisi comme culture.
Mehdi Ben Saâd, Tunisien de confession musulmane
Elle peut varier selon les individus, les régions, les croyances mais la culture sera toujours la même
C'est une question que je ne me suis jamais posée et qu'on ne m'a par ailleurs jamais posée. Vous me demandez de définir l'identité Tunisienne ? Indirectement vous m'avez déjà influencé car vous voulez savoir ce que pense le Tunisien de son identité après la révolution. Pour moi, le Tunisien d'avant ou d'après la révolution est le même avec juste un détail très important : la fierté d'appartenir à ce petit pays qui a donné l'exemple. Je me considère comme Tunisien-Arabe-Musulman civilisé et ouvert sur les autres cultures, ayant vécu dans mon pays et côtoyé des personnes de différentes confessions, pays, cultures…La Tunisie est un pays touristique c'est donc normal que vous trouviez des caractères différents suivant l'endroit où vous êtes. Le Tunisien est généreux, accueillant, sympathique, spontané, débrouillard, solidaire… Je ne saurais pas vraiment vous parler des origines carthaginoises et des anciennes civilisations tunisiennes, je préfère vous dire que le Tunisien n'est pas perçu de la même façon par un Italien que par un Américain par exemple. Il y a bien évidemment les clichés : le couscous, les gazelles tunisiennes. La Tunisie pour certains occidentaux est le Sahara, l'Harissa, La médina, les chameaux, Hammamet
Voilà donc pour résumer, l'identité tunisienne peut varier entre les individus, les régions, les croyances mais la culture sera toujours la même, la langue aussi et encore une fois la fierté d'avoir fait ce que nous avons fait ; avant j'étais fier d'être Tunisien mais je ne le disais pas trop maintenant je suis encore plus fier de ce peuple militant et mature qui a su libérer son pays par le courage, l'audace et la volonté. Une pieuse pensée aux victimes tunisiennes, puissent-elles reposer en paix.


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