Le 31 décembre, nous avons fêté la Saint Sylvestre. L'alcool a coulé à flot, les gâteaux étaient partout et on a dansé jusqu'à l'aube. Le 24 décembre, nous avons fêté Noël. Des bûches, des sapins et un bon dîner autour d'un bon poulet arrosé d'un bon Mornag qui vaut tous les rouges de Bordeaux. Le 18 décembre, nous avons fêté le Nouvel An de l'Hégire. Couscous et lait caillé pour les uns. De la mloukhia et du pain pour les autres. Le 27 novembre, nous avons fêté l'Aïd el Idh'ha. Au menu, du mouton et du méchoui. Ces fêtes, qui se répètent, sont inévitables pour les uns et pour les autres et aussi indispensables les unes que les autres. On n'y peut rien, nous dit-on, il faut respecter les traditions ! Coûte que coûte. Durant la même période, les uns ont parlé de crise économique, les autres ont évoqué la multiplicité des dépenses et la cherté de la vie. Le Tunisien est ainsi fait. Il ne peut se priver ni des fêtes orientales, ni des fêtes occidentales et ne peut, non plus, cesser de rouspéter et d'être grincheux. Jeudi dernier, veille de la Saint Sylvestre, Khelil Laâjimi est allé faire un tour dans des hôtels de Gammarth. Pour un ministre du Tourisme, faire le tour des hôtels un soir de réveillon, c'est dans l'ordre normal des choses. Sauf que la balade du ministre du Tourisme n'avait pas des fins touristiques, mais des fins d'inspection. En des termes moins conventionnels, on appelle ça une ronde. Et si le ministre s'est senti obligé de faire une ronde, c'est que le respect des normes n'est pas la norme parmi nos hôteliers. Entre les restos trois fourchettes dirigés par des gargotiers à trois sous et les hôtels cinq étoiles dont les prestations ressemblent à une auberge d'un bourg perdu, le ministre avait l'embarras du choix. Certains de nos hôteliers et restaurateurs sont ainsi faits : quand la clientèle fuit, ils rouspètent, ne paient pas leurs crédits et demandent aux autorités de les secourir. Mais dès lors que cette clientèle se présente, on cherche à la plumer. Pour cause de grippe A H1N1, les services de la santé ont importé 330.000 doses de vaccin et prévoient d'importer près de 500.000 supplémentaires. Selon les médecins tunisiens, selon les médecins européens, selon les médecins de l'Organisation Mondiale de la Santé, il faut se faire vacciner. C'est nécessaire. C'est même indispensable pour les femmes enceintes et les enfants en bas âge. Une large campagne médiatique essaie, depuis des semaines, de sensibiliser la population sur cette nécessité. Comme le dit la pub, la santé des uns est l'affaire de tous. Mais il se trouve que cette population résiste et s'arrête aux deux cas de personnes décédées bien qu'elles soient vaccinées. Nous sommes ainsi faits : dès que le remède est là, on commence à négocier, à rouspéter, à donner son avis, à commenter. Si les services de santé n'avaient pas importé le vaccin requis, on aurait crié au scandale et accusé les services publics d'être à la traine. Mais maintenant que le vaccin est là, on boude. La solution ? Propager une rumeur signifiant l'épuisement des stocks de vaccins. En deux temps, trois mouvements, vous allez voir les files d'attente devant les pharmacies, dispensaires et cliniques ! Le Tunisien est ainsi fait ! *Ahna hakka signifie "nous sommes comme ça". C'est également le titre d'une émission de télévision à succès, animée par Nizar Chaâri, les mercredis soir sur Tunis 7.