Le Premier ministre Monsieur Béji Caied Essebsi s'est engagé devant la nation à «rendre» le pays à ses successeurs en meilleure situation qu'il ne l'avait trouvé. En matière de sécurité, la situation est en voie d'être maitrisée malgré quelques dérapages regrettables. La feuille de route politique est également définie avec un large consensus politique. Il ne reste plus qu'à la mettre en pratique et surtout réunir les conditions de la réussite de la transition démocratique mais quid de la feuille de route économique ? Il y a un réel besoin pour le pays de se remettre au travail ; c'est une évidence. Le recours à des technocrates qui ont dû abandonner des situations fort enviables à l'étranger pour répondre à l'appel du devoir est une bonne chose. Néanmoins, le pays peine à retrouver un rythme d'activité acceptable et le risque d'un chaos économique pointe à l'horizon si des solutions drastiques ne sont pas trouvées. La première des urgences concerne le tourisme qui emploie 450.000 personnes et contribue à 7% du PNB. Le constat est alarmant, à l'heure actuelle la saison est compromise puisque nous avons moins de 40% de réservations pour la haute saison par apport à l'année dernière. A cela s'ajoute les défections probables de nos frères Algériens et Libyens. De l'avis d'un hôtelier chevronné, «notre tourisme n'a jamais vécu une crise pareille. Elle est plus grave qu'en 1991 (guerre du Golfe) ou en 2003 après les attentats de Djerba». Que faire ? préserver le secteur en reportant les échéances bancaires et les paiements de la STEG et de la CNSS pour la fin de la saison et accorder des «crédits de campagne» aux hôteliers pour payer les salaires et les fournisseurs en vue de préserver les emplois. Ces décisions doivent être prises le plutôt possible en concertation avec tous les acteurs concernés. Bien évidemment, il faudra en parallèle mettre en place une stratégie commerciale adéquate pour attirer de nouveau les touristes et atténuer un tant soit peu la crise. Si nous évoquons le tourisme, nous sommes conscients qu'il n'est pas le seul secteur touché, d'autres le sont tout autant : L'industrie, les exportations manufacturières, l'investissement extérieur… Comment combler le déficit budgétaire estimé à 5 milliard de Dinars ? À l'instar de la mise en place de l'instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la Révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, il est vital pour la Tunisie de mettre en place une commission de sauvegarde de l'économie tunisienne et de la protection des emplois ; celle-ci devrait regrouper des experts en la matière, les administrations économiques, le patronat et la centrale syndicale. Sa mission : définir les priorités et constituer un «think tank» économique pour le gouvernement. Il est certainement utile de débattre à longueur de journée avec les notions de constitution, de scrutin, de régime parlementaire et autres arguties juridiques ; il est grand temps d'initier le Tunisien à des notions non moins utiles tels que le chômage, la balance des paiements, le climat d'investissement, et la fuite des capitaux… ************************************* La chute des hommes qui ont le plus symbolisé le régime Ben Ali est patente depuis un certain 14 janvier 2011 ; mais elle n'a pris une forme édifiante que depuis que la télévision tunisienne a fait le choix de filmer leur arrivée, mouvementée, au Palais de justice de Tunis pour y être entendus dans le cadre des plaintes dont ils font l'objet. Fallait-il que les caméras soient présentes ? Même dans les nations démocratiques, les procès des personnes publiques et notamment les anciens ministres bénéficient d'une couverture médiatique importante sans que nul ne s'en offusque. Il y a quelques années, le procès en correctionnelle de Berlusconi, président du Conseil italien, fut retransmis en direct sur une chaîne de télévision. Au surplus, les Tunisiens semblent favorables aux vertus d'exemplarité de telles images. Il faut que les dirigeants à l'avenir soient conscients que leurs méfaits les conduiront à subir un tel sort. Le message que véhicule ses images fortes doit être compris par tous ceux qui aspirent à gouverner ce pays. Il traduit également dans les faits la rupture avec le passé promise par Monsieur Béji Caied Essebsi. Mes réserves portent uniquement sur les commentaires et l'attitude de certains avocats présents sur les lieux. Les moqueries et les insultes dont furent abreuvés les anciens dirigeants en route vers le cabinet du juge d'instruction sont inacceptables de la part d'hommes de loi sensés défendre la dignité de tout justiciable. Un des avocats interrogé sur place par une journaliste a même stigmatisé son confrère en charge de la défense de Ben Dhia en l'accusant de «pratiquer ses convictions et pas de faire son boulot d'avocat» et d'ajouter qu'il s'agissait d'un dossier sale pour enfin conclure qu'il souhaitait que la télévision filme les inculpés dans leurs geôles. Je ne pense pas que le bâtonnier des avocats puisse approuver des propos si affligeants et devrait veiller à ce que ses outrances langagières ne se répètent plus. A cet égard, une déclaration publique du bâtonnier dans ce sens est plus que souhaitable. Le trio déchu ainsi que d'autres anciens responsables qui ont mené le pays à la dérive ne pouvaient pas échapper à des poursuites judiciaires ; ceci étant, il est dans l'intérêt de tous que toutes garanties d'un procès équitable et serein leur soient fournies. Tant les magistrats que les avocats ont le devoir de ne pas se laisser intimider par le chaos des médias ou de la rue ne serait-ce que pour redorer le blason d'une justice tunisienne qui en a bien besoin.