La proposition de Kamel Jendoubi, président de l'Instance supérieure indépendante des élections, de reporter les élections de l'Assemblée constituante au 16 octobre, a constitué le fait saillant de ce début de semaine politique. Cette proposition a certes coupé court, de manière inattendue, aux diverses suppositions et autres scénarios imaginés par les uns et les autres sur les étapes à venir du processus de transition démocratique en Tunisie. Mais elle a été à l'origine de nouvelles interrogations sur la manière de gouverner en cette phase transitoire supplémentaire et les garanties à fournir pour instaurer la stabilité et la quiétude parmi la population. Tout le monde politique a été surpris par cette proposition. Les plus contrariés ont été les partis politiques qui sont déjà partis en campagne électorale et à leur tête le Parti démocratique progressiste. Sa secrétaire générale, Maya Jribi, a même tenu une conférence de presse où elle a exprimé le désaccord du PDP avec cette décision. ‘L'Instance supérieure indépendante des élections a été élue pour réaliser une tâche bien déterminée dans les délais qui lui sont fixés. Si elle juge qu'elle est dans l'impossibilité de remplir la fonction pour laquelle elle a été élue, elle n'a qu'à s'en remettre au Président intérimaire et au gouvernement provisoire qui doivent trouver les solutions appropriées en concertation avec l'Instance supérieure de réalisation des objectifs de la révolution. Donc, face à une telle situation, le Parti démocratique progressiste refuse ce report et appelle le Premier ministre et le Président par intérim à entamer des consultations pour tracer une feuille de route claire en mesure de faire sortir le pays de cet impasse politico-économique', a-t-elle notamment dit. Les islamistes d'Ennahdha ont exprimé, eux-aussi, des réserves sur ce report. Le membre de bureau politique, Ali Laâridh, s'est exprimé sur Radio Mosaïque pour annoncer ‘son rejet de ce report' et sa crainte ‘des implications d'un tel contretemps sur le calendrier politique et économique de la transition en Tunisie'. Le clan de ceux qui s'opposent à ce report comprend également le Congrès pour la République et Afek Tounes. Marzouki (CPR) a insisté sur l'impératif de ‘couper court le plus rapidement possible avec cette situation d'illégitimité' alors qu'Emna Mnif (Afek Tounes) a mis l'accent sur ‘les risques d'aggraver l'instabilité dans le pays et d'approfondir la crise économique'. Dans le clan des défenseurs du report, la majorité est composée de partis politiques qui ne sont pas encore prêts pour la tenue des élections, comme la quasi-totalité des nouveaux partis. Ils avancent certes d'autres raisons. Mais les observateurs savent pertinemment que le report arrange le calendrier politique de ces partis. Ettajdid s'aligne toutefois sur un autre raisonnement. Jounaïdi Abdeljaoued s'est plutôt rabattu sur la souveraineté de l'Instance supérieure indépendante des élections. ‘Il est nécessaire de constater que, d'une part, c'est la première fois depuis l'indépendance qu'une instance indépendante s'occupe de l'opération électorale. D'autre part, personne n'a contesté l'indépendance de cette instance lorsqu'elle a déclaré la nécessité du report, aussi bien les favorables que les contestataires et c'est un aspect très positif. Donc, cette instance indépendante a jugé que les conditions ne sont pas réunies pour la tenue d'élections transparentes et démocratiques. Elle a proposé le report. Elle est souveraine dans sa décision', a-t-il expliqué. Fait notable, les réserves sont raisonnables concernant le report des élections. Le PDP veut rencontrer le Premier ministre et convoquer une réunion de l'Instance de réalisation des objectifs de la révolution. Afek Tounes s'inquiète des implications économiques de ce report. Marzouki veut rompre avec l'illégitimité. Tout le monde évoque les conséquences du report et essaie d'y pallier. Des observateurs indépendants s'interrogent sur la facture de ce report. Toutes les structures internationales attendent les élections et l'installation d'un gouvernement élu et légitime pour ouvrir les vannes de l'aide et, éventuellement, investir dans la transition économique. Comment survivra l'économie face à ce report ? D'autres observateurs insistent sur le devoir de communication et de transparence du gouvernement transitoire. Ils mettent l'accent sur ‘l'accélération des procédures dans les dossiers en rapport avec la corruption et les passe-droits' pour gagner la confiance du peuple. Donc, le report pourrait être digérable pourvu que le gouvernement améliore ses prestations et gagne davantage la confiance du peuple. Mounir Ben Mahmoud