La semaine a été extraordinairement riche en bassesses. C'est fou ce que nos gouvernants ont de talent pour se concurrencer à qui mieux-mieux et descendre plus bas, encore plus bas, toujours plus bas. Cela a commencé avec « le coup de génie » de Hamadi Jebali, dimanche, tombé malade juste la veille de la commémoration du deuxième anniversaire de la révolution. Une maladie de deux jours seulement, pas un de plus, et on est prié de le croire. Hamadi Jebali n'est pas tombé malade pour la fête du Qatar qu'il est allé célébrer à leur chancellerie en prenant soin de se draper d'une écharpe portant les couleurs de leur drapeau (une première !). Il n'est pas tombé malade pour aller présenter à l'ANC le budget 2013 sans avoir analysé les réalisations de 2012 et, surtout, sans détail pour chaque département (une autre première !). Il n'est pas tombé malade le jour où il allé visiter le « musée » des biens confisqués appartenant à la famille Ben Ali, qu'on présente indécemment, comme étant des biens volés (encore une première !). Non, Hamadi Jebali n'est tombé malade que le jour où l'on devait célébrer à Sidi Bouzid le déclenchement d'une révolution, à laquelle il n'a jamais participé, ni lui ni les membres de sa famille politique. Y a-t-il plus bas que ça ? Oui, il y a ! Nous allons devenir spécialistes en la matière en Tunisie et, dans le lot, M. Jebali est loin d'être le pire. La situation étant fort tendue, et alors que nos gouvernants n'ont de cesse d'utiliser la violence politique contre leurs adversaires (en utilisant les LPR et les salafistes entre autres), il fallait bien que cela leur revienne sur le visage un jour ou l'autre. C'était lundi dernier, à Sidi Bouzid, à l'occasion de cette fameuse cérémonie marquée par l'absence de Hamadi Jebali. Les deux autres présidents Moncef Marzouki et Mustapha Ben Jaâfar ont été la cible d'insultes et de jets de pierres et différents objets. N'assumant jamais rien, M. Ben Jaâfar nia en bloc affirmant qu'il n'a pas été question de jets de pierres. Il n'était même pas capable d'accorder son violon avec la présidence de la République qui admit le jet de pierres tout en soulignant l'exagération de l'incident par les médias. En voyant des citoyens traiter de cette manière les plus forts symboles de la République, on peut dire que la Tunisie est tombée bien bas. Mais en voyant la façon avec laquelle ont réagi les présidences de la République et de l'ANC, on constate qu'ils ont été encore plus bas. Mais il y a pire. La Cour de cassation a donné l'ordre de libérer le producteur télé Sami Fehri. Mais par on ne sait quelle entourloupe judiciaire, on a donné l'ordre de le maintenir en détention. Les juges, les avocats, les médias, la société civile ont beau crier en chœur au scandale, le ministre islamiste de la Justice demeura imperturbable. « C'est ainsi et pas autrement », dit-il. Exactement comme au temps de Ben Ali, Human Rights Watch (HRW) s'est mis de la partie pour demander la libération de Sami Fehri. « Refuser d'exécuter un jugement de la plus haute autorité judiciaire porte atteinte à l'Etat de droit en Tunisie », a déclaré Eric Goldstein, directeur à HRW. Rien à faire, M. Bhiri est aussi sûr de son bon droit que Ben Ali. Il est aussi sûr qu'il vit dans une démocratie que l'a été Ben Ali. Il est aussi certain que nous vivons dans un printemps que lorsque Ben Ali nous disait que l'on vivait dans une ère nouvelle. Y a-t-il plus bas que ça ? Oui, il y a ! Dans la Tunisie de la Révolution, la palme d'or de la bassesse est détenue, depuis le début, par le CPR, parti du président de la République, qui multiplie les efforts pour se maintenir en position. Il n'y a que le parti Wafa, de Abderraouf Ayadi, qui peut réussir à le déloger de cette basse position. Vous vous rappelez de la théorie de la chaussure et de la chaussette de Moncef Marzouki ? C'était en mars dernier lorsque le président de la République voulait expliquer à des habitants de Siliana qu'il était impossible d'offrir à la fois à tous ses enfants chaussures et chaussettes. Neuf mois après, sa « préférée » du gouvernement, Sihem Badi en l'occurrence, est toujours bloquée à ce niveau des pieds. Elle s'élèverait un peu qu'on ne dirait pas non… Samedi dernier, la ministre posait devant les photographes avec des chaussures de Leïla Ben Ali (ou celles de ses filles), toute fière de son butin. Ridicule comme tout, Sihem Badi ne ressemblait même pas à une fillette qu'on emmène dans un magasin de jouets, non ! Elle évoquait, tout simplement, une vieille adolescente entrant, pour la première fois, dans un sex-shop ! Là, on est dans le bien-bas ! Son seul concurrent demeure son collègue Mohamed Abbou qui, au même moment, discourait et théorisait devant ses milices de protection de la Révolution. Pendant ce temps-là, Béji Caïd Essebsi était à Djerba devant quelques milliers de militants et sympathisants de Nidaa Tounes, retenus en otages, par des milices. Naïvement, M. Caïd Essebsi pensait que l'on pouvait construire une démocratie, qu'il pouvait assurer tranquillement des meetings, qu'il pouvait compter sur les forces de sécurité pour protéger les lieux. On est à un tel niveau de bassesse que les règles du jeu ne sont pas et ne seront pas respectés par les gouvernants. Quand on a une ministre qui pose fièrement avec des chaussures, un SG de parti qui encourage la violence, un chef du gouvernement qui met une écharpe portant les couleurs d'un autre pays ou un ministre de la Justice qui nie la Justice, on ne peut pas s'attendre à ce que tout ce beau monde respecte le droit et la démocratie. Nidaa Tounes n'a pas encore garanti sa position qu'on lui envoie régulièrement des milices. Que se passera-t-il alors si des élections ont lieu et que ce parti devient sûr de sa victoire ? Ne vous attendez surtout pas à ce que les perdants acceptent leur défaite, quittent le pouvoir et saluent les vainqueurs. Il suffit de voir les bassesses de cette semaine pour fixer son idée. Contrairement à tout ce qu'ils disent, nos gouvernants actuels ne semblent pas choisir la voie démocratique. Pour le salut de la Tunisie, et s'ils ne rectifient pas le tir d'ici les élections, il ne faudrait pas compter sur eux pour un scrutin démocratique et civilisé. La solution est ailleurs. N.B 1 : Pensée à Sami Fehri, Nabil Chettaoui, les salafistes et beaucoup d'autres, sous les verrous depuis des mois, en attente de leurs procès... N.B 2 : Fêtes de fin d'année obligent, la chronique de la semaine prochaine saute. Rendez-vous dimanche 6 janvier 2013. Meilleurs vœux à tous les lecteurs.