Dans un communiqué publié aujourd'hui, vendredi 28 novembre 2013, Reporters sans frontières a demandé le retrait du décret donnant naissance à l'ATT (Agence technique des télécommunications) et a condamné cette « initiative contraire au respect des standards internationaux et aux recommandations présentées par Frank La Rue, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, lors du dernier Conseil des droits de l'homme ». RSF souligne, à cet effet, que « la création d'un nouveau dispositif requiert une réflexion approfondie sur l'ensemble de la législation encadrant le système de surveillance, des discussions à l'Assemblée nationale constituante (ANC), ainsi que la mise en place de mécanismes de concertation avec la société civile ». L'association précise, par ailleurs, que « Ce texte est en contradiction avec les principes devant gouverner les mécanismes de surveillance de l'Internet, au premier rang desquels le contrôle par une autorité judiciaire indépendante, les principes de nécessité, pertinence et proportionnalité des mesures de surveillance ainsi que la transparence et le contrôle du public ». « Ce décret met en place un système de surveillance géré par l'Agence technique des télécommunications, qui ravive le souvenir des activités menées dans le passé par l'Agence Tunisienne de l'Internet (ATI), ancien centre technique de la censure sous Zine el-Abine Ben Ali. Les articles 15 et 17 prévoient que l'ATT peut recevoir des dons et que les agents en activité continuent à bénéficier des primes et avantages, ce qui laisse craindre que les ressources humaines des ministères et les biens matériels de l'ATI soient incorporés dans l'ATT », s'inquiète Reporters sans frontières. Dans ce communiqué, RSF s'indigne également contre les lacunes et les imprécisions du décret, jugées «extrêmement dangereuses ». « Au regard de l'histoire récente de la Tunisie, du contexte politique et du scandale sur les services de surveillance de la NSA, elles pourraient laisser libre cours à des interprétations permettant d'étendre le champ de la surveillance des communications sans garde-fous et contrôles véritables. L'article 2 donne à l'ATT la mission d'assurer un appui technique aux investigations judiciaires dans “ les crimes d'information et de la communication”, sans que cette notion, qui ne fait référence à aucune incrimination du code pénal, ne soit définie. De même, le décret renvoie plus de six fois à la "législation en vigueur", sans préciser les dispositions en question alors que l'ensemble de l'arsenal juridique relatif à la surveillance et aux données personnelles doit faire l'objet d'une profonde réforme globale ». « Elément d'inquiétude également : le texte ne mentionne à aucun moment l'intervention de l'autorité judiciaire, pourtant seule autorité compétente pour autoriser et contrôler les mesures de surveillance. Le décret ne précise pas quelle autorité pourra saisir l'ATT, ni laquelle sera à l'origine de ces “ ordres d'investigation”, dont aucune définition n'est apportée. Quelles seront les modalités de demandes d'investigation ? S'agit-il seulement de l'accompagnement de l'instruction dans le cadre des affaires judiciaires sur saisine d'un juge d'instruction ou de mesures prises dans le cadre administratif ou d'enquêtes menées par le parquet ? »