La situation économique de la Tunisie est grave. Nous n'avons épargné aucun effort depuis des mois maintenant pour le dire et pour avertir des conséquences et surtout des mesures douloureuses que nous avons tant voulu éviter à travers les alertes lancées il y'a plus de deux ans même, quand il y avait encore des marges de manœuvre. Mais hélas, le mal est fait et le meilleur des gouvernements aujourd'hui n'aura pas assez de possibilités pour éviter l'austérité et la rigueur. Une rigueur qui pourrait impacter négativement la croissance mais qui aura tendance surtout à brider encore plus le pouvoir d'achat du Tunisien et à détériorer ses conditions de vie. Certes les équilibres financiers du pays sont primordiaux, mais en même temps, il faut savoir « doser » et prendre en compte l'ensemble des paramètres avant de passer aux décisions et à leurs exécutions. Le gouvernement Jomâa a été bien soutenu depuis son accession au pouvoir, j'étais parmi les premiers à le faire dans l'intérêt général mais surtout en constatant que sa composition est relativement meilleure en termes de compétence et d'expérience, et que sa vocation est apolitique. L'idée du dialogue national économique, nous l'avons applaudi et souhaité même avant son annonce. C'était, pour nous, une bonne manière pour sortir des querelles de chapelles, pour placer l'intérêt de la Tunisie avant tout et pour engager une réflexion profonde à travers un enrichissement mutuel et des échanges fructueux, même entre rivaux. Mais hélas encore une fois, le dialogue national économique engagé par le gouvernement Jomâa s'avère « boiteux » et s'est construit autour d'un esprit de « clanisme », de « réseaucratie » et d'exclusion ! Le pire, c'est que ce sont toujours les mêmes qui continuent à tirer les ficelles. Les mêmes qui ont conseillé les gouvernements Jebali et Laârayedh et qui ont conduit le pays au désastre économique avec cette trouvaille et ce concept « nobélisable » du Go and Stop ! Un Go qui a abouti à un cumul des déficits et un Stop qui n'a pas été actionné à temps et qui, en tout état de cause, ne pourra avoir que des effets néfastes sur le rythme de l'activité économique et sur les conditions de vie du citoyen. Aujourd'hui, c'est malheureux de le dire, mais nous ne croyons plus en ce dialogue économique ! L'UGTT ne s'est pas explicitement engagée dès le départ, le Front populaire vient de se retirer/ La liste des « exclus » reste le seul succès en termes de consensus entre ceux qui croient que le pays leur appartient, que les tractations et les intérêts politiques et partisans doivent passer avant tout et que le gouvernement Jomâa ne doit pas « trop » briller économiquement de peur d' « enfoncer » encore plus les précédents. Malheureusement, Mehdi Jomâa et ses ministres concernés se laissent encore influencer et n'arrivent pas vraiment à se défaire complètement de toute tutelle politique et du diktat de certaines parties. In fine, on pourrait même se demander : un dialogue économique pourquoi ?! Notamment avec cet environnement politique nauséabonds où les intérêts partisans et les petits calculs dominent et ne laissent aucune marge de manœuvre pour bien réfléchir et adopter un vrai plan de sauvetage économique basé sur les réformes utiles et nécessaires, sur les décisions porteuses et sur une refonte du modèle de développement tunisien. Sans oublier les quicks wins qui ne doivent pas verser uniquement dans la facilité en cherchant à réduire en priorité les dépenses ou en augmentant les prix. Nous continuerons à soutenir le gouvernement Jomâa pour le bien de ce pays mais nous l'appelons encore une fois à se défaire de toute tutelle, intérieure ou extérieure, et à agir uniquement pour l'intérêt de la patrie. Même si Mehdi Jomâa l'a affirmé lui-même à plusieurs reprises, chaque jour il y a des indices qui montrent le contraire. Le dialogue national économique en est, d'ailleurs, une parfaite illustration ! * Président de l'Association Tunisienne de Gouvernance (ATG)