Le cœur a battu et ce n'était pas un bruit de couloir. La Tunisie et l'Algérie déclarent, depuis trois ans, leurs amours. La première visite d'Etat de Mehdi Jomâa à la suite de son investiture en était un signal fort. Cela peut même être considéré comme une réconciliation : des années durant, c'était la déchirure et les « je t'aime, moi non plus », la volonté politique faisait vraisemblablement défaut. Présentement, les deux voisins et amis ont compris les enjeux illustres qu'engagent leur partenariat à plus d'un titre et à cet effet, ils ont décidé de se retrouver avant la dernière heure. Ce faisant, les dispositifs sont mis en place des deux côtés, assortis, cette fois, d'une volonté politique bien plus que prononcée. Le ministère du Commerce algérien organise en collaboration avec la société algérienne des foires et exportations, un Salon des produits algériens au parc des expositions du Kram du 9 au 15 juin 2014. Un événement qui a été inauguré par la ministre du Commerce tunisien, Najla Harrouche, ainsi que l'ambassadeur d'Algérie en Tunisie, Abdelkader Hajar, ce lundi 9 juin 2014. Nous avons arpenté les couloirs du Salon et visité quelques stands dont l'essentiel exposait des produits industriels. Omar Allihoum, responsable commercial de la société Crin Blanc nous a expliqué que sa participation à la foire s'inscrit dans la stratégie de la prospection de nouveaux marchés, en l'occurrence, celui de la Tunisie. « Il existe beaucoup de produits algériens sur le marché tunisien, notamment, des produits agroalimentaires et de cosmétique, ce qui nous a encouragé à miser sur des partenariats » souligne M. Allihoum. Il a ajouté que les relations réunissant les deux pays voisins sont au beau fixe surtout sur le plan économique. Toutefois, il existe une entrave, plutôt de taille, qui empêche une meilleure progression des échanges commerciaux entre la Tunisie et l'Algérie, il s'agit de la procédure bureaucratique afférente à la douane. « A titre d'exemple, nous sommes venus mes collègues et moi en voiture depuis l'Algérie, nous avons été interpellés par des agents de la douane au niveau de deux postes frontaliers, nous avons été fouillés en détails et bien que nos papiers étaient tous en règle, les douaniers ont préféré nous laisser poiroter durant trois heures sans rien nous expliquer ou raison nous donner » se plaint Omar Allihoum. Ce dernier, dérangé par des procédures aussi lourdes et compliquées, s'est dit quelque part découragé en déclarant qu' « à la prochaine fois, il réfléchira deux fois avant de revenir». A son stand en train de mettre les dernières touches, Mohamed Lamine Khiter, directeur commercial de la société Tonic Industrie, entreprise leader sur le marché du papier et emballage, nous a déclaré en toute fierté que la Tunisie est un pays ami et voisin depuis bien longtemps. « Nous sommes présents sur le marché tunisien depuis une dizaine d'années déjà mais nous voulons développer davantage notre présence en profitant justement des occasions comme celles du salon des produits algériens » précise M. Khiter soulignant que le but de cet événement est économique et commercial avant tout. Sachant que le chiffre d'affaires réalisé par la Tonic Industrie sur le marché tunisien est de l'ordre de 500 millions d'euro l'année dernière, l'ambition est présentement de doubler ce chiffre à horizon 2014. « L'Algérie est un véritable gisement dans la région en matière de papier non utilisé, on en produit 800 mille tonnes et on en récupère avec d'autres sociétés privées seulement 15%. Le gap à récupérer est donc très important » clarifie Mohamed Lamine Khiter. Ce dernier nous a confié, toutefois, qu'il existe des produits qui sont encore soumis à une taxe douanière qu'il faudrait mieux alléger voir supprimer. Le directeur commercial de la Tonic Industrie s'est, de même, plaint d'une certaine lourdeur administrative qui entrave les échanges commerciaux entre la Tunisie et l'Algérie. Bien qu'une convention de démantèlement tarifaire ait été signée en l'an 2008 entre les deux pays voisins et mise en vigueur depuis trois ans, un forme de protectionnisme dite « déguisé » continue à avoir la vie dure. Une stratégie qui prévaut la défense de son pré carré, à laquelle tout pays recourt tout en s'engageant dans des conventions d'ouverture de frontières. Nous avons croisé dans les couloirs du Salon, le consul général de l'ambassade d'Algérie en Tunisie, Habbak Menad. Sur un ton très optimiste, il nous a déclaré que les relations entre les deux pays n'ont jamais été aussi florissantes et prometteuses. A dire vrai, la visite d'Etat en Algérie du chef du gouvernement, Mehdi Jomâa, la première tout de suite après son investiture, a eu des retombées fortement positives. « Le président Abdelaziz Bouteflika exprime une grande affection et estime à l'égard de Mehdi Jomâa, depuis sa visite chez nous, les échanges entre les deux pays ont repris de plus belle » nous livre M. Menad. Voilà de quoi tricoter la promesse d'un embryon déjà conçu. Au cours des 23 ans de règne de Ben Ali, les apparences étaient d'humeur à dépeindre une certaine complicité entre la Tunisie et l'Algérie, une histoire de partenariat, de collaboration et de voisinage. Néanmoins, selon Habbak Menad, ces apparences étaient bien trompeuses, Ben Ali maltraitait carrément les Algériens, en l'occurrence ceux qui vivaient en Tunisie, ils n'avaient pas le droit à l'accès au travail et bien d'autres commodités. « Certains étaient même maltraités physiquement et personne n'osait en parler » nous précise le consul général. L'Exposition spécifique de produits algériens à Tunis a été organisée par les autorités algériennes en vue de promouvoir l'industrie du pays sur le sol tunisien ainsi que de nouer de nouveaux partenariats. D'après les dires des participants et des diplomates algériens, depuis la révolution, les rouages des mécanismes de coopération entre les deux pays se sont bien huilés, ce qui est à même d'augurer d'une ascension économique dans la région. Tunisiens et Algériens s'accordent ainsi à dire que le meilleur reste à venir.