Jeudi 7 août 2014, la loi de Finances complémentaire 2014 a été enfin adoptée dans son intégralité avec 100 voix pour, 4 voix contre et 5 abstentions, soit en la présence de 109 députés, à peine de quoi atteindre le quorum. Une adoption accomplie dans la douleur et les contractions et marquée par la présence du chef du gouvernement, Mehdi Jomâa et une équipe gouvernementale pilotée par le ministre des Finances et de l'Economie, Hakim Ben Hammouda. Une adoption bien trop tardive aussi : que de retards accusés jusqu'ici dans la tenue des séances plénières en raison de l'absence de quorum (certains élus sont encore en vacances) ou encore de discordes sur les textes de la loi. Retour sur les articles controversés et adoptés de la loi de Finances complémentaire. C'est sans doute l'article le plus sujet à controverses de tout le projet de la LFC 2014 : l'article 12 relatif à la levée du secret bancaire. Un véritable bras de fer entre les députés du bloc parlementaire Ennahdha et l'équipe gouvernementale. Cette dernière insistait, de son côté, à jouer la carte de la transparence en imposant une formule renforcée par la mise en place de garanties jugées, toutefois, irrecevables pour le groupe parlementaire Ennahdha. Le ministère des Finances a voulu, dans un souci de consacrer la transparence, donner carte blanche aux services fiscaux d'accéder aux documents du contribuable (personne physique ou morale) en possession des institutions financières (banques, intermédiaires en bourse et poste). Ces dernières ne s'affranchissent, de ce fait, pas du droit de refuser la demande des services fiscaux. Les élus d'Ennahdha ont considéré qu'il n'est pas tolérable de mettre en place un système de transparence au dépend de la protection des données privées du contribuable. Mongi Rahoui, député du parti des patriotes démocrates unifié (Watad) au sein de l'Assemblée nationale constituante a exprimé, dans une déclaration à la presse, son exaspération à propos du comportement de certains élus du boc parlementaire Ennahdha et ce, au cours de la session des présidents des blocs et des membres de la commission des Finances, de planification et de développement avec le ministre des Finances, Hakim Ben Hammouda. Mongi Rahoui a dû, à ce titre, quitter la réunion dont l'objet était de discuter du projet de loi de Finances complémentaire, et ce, en raison du blocage que faisait Ennahdha quant à l'adoption de l'article 12 relatif à la levée du secret bancaire. Le député de gauche a déclaré, à cet effet : « Il s'agit là d'une complaisance de la part des nahdhaouis avec les corrompus, » signalant que cet article est de la plus haute importance pour lutter contre l'évasion fiscale. La position adoptée par le bloc d'Ennahdha concernant l'article 12 a étonné plus d'un élu au sein de l'hémicycle car il y a, à ce niveau, un semblant de tentative d'entraver les efforts du gouvernement Jomâa pour instaurer le principe de la transparence. En revanche, comme le soutient le bloc des islamistes, la levée du secret bancaire installée sans l'autorisation judiciaire pourrait donner suite à un abus de pouvoir et de procédures de la part des services fiscaux. Instaurer le principe de la transparence nécessite, à priori, une restructuration de l'administration fiscale. Après d'infinies tractations, l'article 12 a fini par être adopté avec 103 voix dans une formule consensuelle, trouvée à l'issue d'interminables heures de discussions. La levée du secret bancaire est accordée pour les personnes physiques et morales qui sont soumises à une révision fiscale approfondie, la personne concernée doit être prévenue de l'obligation de présenter ses comptes et des relevés bancaires détaillés. C'est seulement en cas de refus que le secret bancaire pourra être levé. Autre point d'orgue du projet de loi de Finances complémentaire : Le nouveau timbre fiscal d'une valeur de 30 dinars, à partir du deuxième semestre 2014. Cette disposition permettra la mobilisation de ressources supplémentaires de l'ordre d'un million de dinars (MD). Une nouvelle disposition qui a fait lieu de la risée de tous mais encore provoqué l'ire de certaines parties se demandant si le gouvernement ne cherche pas à enfoncer davantage le contribuable moyen au profit des caisses de l'Etat. Le ministère des Finances a insisté, en dépit de toutes les critiques acerbes, à faire passer l'article en question face au rejet du bloc majoritaire Ennahdha. La nouvelle mesure finira par ne pas être adoptée dans la LFC 2014. Faut croire que le souci majeur dans la confection de la loi de Finances complémentaire a été vraisemblablement de combler les trous dans les caisses de l'Etat en réajustant certaines dispositions et en rajoutant d'autres dont l'objet premier est de renflouer les bourses. Seulement voilà, l'équipe gouvernementale chargée de ce projet a fait recours à des propositions de mesures dont l'intérêt ne sert pas la bonne cause. La taxe de l'ordre de 30 dinars à payer au moment de quitter le territoire au lieu des 2 dinars par nuitée initialement prévus, pour une mobilisation de ressources de 75 MD, a été adoptée dans l'article 35 avec 105 voix. Au moment où le projet de loi de Finances au titre de l'année 2015 devra être discuté au sein de l'Assemblée nationale constituante, la LFC 2014 vient à peine d'être adoptée sans toutefois qu'il y ait un texte de loi plus équilibré ou encore consacrant davantage de justice fiscale et donc sociale. Les dispositions de réajustement inscrites et adoptées dans la loi de Finances complémentaire nécessitent une restructuration du texte de la loi fiscale ainsi que celui relatif aux investissements. Il y a tel un défaut d'harmonisation entre les trois Codes créant, par ricochet, des brèches dont les conséquences auront raison de la bourse du contribuable et des caisses de l'Etat. La polémique et les discussions autour de l'article 12 sur la levée du secret bancaire, engageant Ennahdha et le gouvernement de technocrates ont prouvé, qu'une pondération bien plus que nécessaire à la mise en place de lois justes et équilibres, est inscrite aux abonnés absents.