Le vrai clivage n'est pas celui qu'on croit ou qu'on nous laisse croire. Le vrai clivage est celui entre ceux qui veulent réformer le pays et ceux qui ne le veulent pas. Il est entre ceux qui veulent s'attaquer aux causes profondes des inégalités, de l'injustice et du clientélisme et ceux qui ne pensent qu'à garder leurs privilèges ou aux nouveaux opportunistes qui veulent en prendre part. Le vrai clivage est entre les dépositaires de rentes de situation et ceux qui veulent libérer le pays et ses richesses et permettre de libérer toutes les énergies du pays pour un meilleur partage de la richesse. Il est aussi entre ceux qui vont résister a tout changement et ceux qui croient qu'il est grand temps de s'attaquer aux réformes profondes dont le pays a besoin et il est enfin entre ceux qui pensent au pays et ceux qui ne pensent qu'à eux mêmes. Notre pays n'appartient pas à tous ses citoyens, et le sentiment de citoyenneté est enfoui sous des couches de misère, de pauvreté, d'ignorance, d'inégalité et d'un manque cruel de perspectives d'avenir. Et bien entendu ça touche principalement la population la plus nombreuse de notre société qui est la jeunesse de ce pays. J'ai croisé plein de gens qui peuvent porter un authentique "projet national" partout dans la société civile et dans tous les partis politiques, ainsi on peut penser que nous sommes en droit d'être optimistes; Mais toutes ces bonnes volontés sont trop divisées aujourd'hui pour devenir un vrai moteur de progrès. Notre pays a besoin d'un leadership fort qui tarde à se faire voir et à se faire reconnaître, un leadership qui saura rassembler toutes les forces pour redonner la confiance et combattre le clientélisme, l'opportunisme, la corruption, l'impunité et toutes les malversations et faire que la Tunisie devienne un pays de droit. Le vrai clivage est entre ceux qui vont se battre pour un vrai "Projet National" et ceux qui ne le sont pas. La résistance au changement dans notre pays est culturelle, nous sommes un pays sclérosé par des archaïsmes que nous avons inventés et dont nous avons grand mal a nous en défaire. Dans notre histoire récente, nous avons été acculés à engager des réformes structurelles mitigés au début des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt dix a chaque fois ou le pays était au bord de la faillite. Aujourd'hui, nous sommes au bord d'une nouvelle faillite, tous nos indicateurs sont au rouge et les perspectives sur les quelques prochaines années ne sont pas reluisantes. Faut-il attendre qu'on le soit et être sous le dictat du FMI pour en prendre conscience ? En tout cas, ces campagnes électorales législatives et présidentielles ne montrent vraiment pas que nous en sommes conscients et que le peuple Tunisien l'est. La liste des réformes à entreprendre est longue et elle pourrait s'articuler autour de quatre grands axes : - La réappropriation de notre citoyenneté - La reconstruction de notre cohésion sociale - La reconstruction de l'état - La ré fondation de notre économie La liste des réformes profondes est longue, certaines sont prioritaires comme celle du système éducatif ou des systèmes de sécurité sociale ou du système financier ou du système fiscal, de la compensation, de notre sécurité intérieure, de nos forces armées et de notre justice. Certaines sont tout aussi importantes comme la réforme de l'état, de la décentralisation et certaines nécessitent une vraie révolution comme notre système foncier, notre politique agricole, nos politiques de l'aménagement du territoire, de l'économie extra-légale, du passage d'une économie de privilèges a une économie de l'égalité des chances, une économie de production et d'innovation. Les chantiers à entreprendre sont immenses, et nos ressources humaines toutes réunies ne sont pas de trop pour entreprendre ce que nous avons trop tardé a faire. Le bateau Tunisie est en rade et prend de l'eau de toutes parts ... Il coulera si ses passagers actuels ne prennent pas conscience qu'il est de leur responsabilité de sauver le pays et son modèle démocratique. Voilà le vrai clivage! *Faouzi Ben Abderrahman est membre du Bureau Politique de Afek Tounes