Après une première mi-temps, qualifiée de la part de la majorité des analystes comme étant de piètre qualité, la seconde s'annonce sous de meilleurs auspices avec des indices prometteurs laissant entendre une sortie du tunnel sans avoir besoin des prolongations. Il ne s'agit pas là d'un compte-rendu de match de football, mais des péripéties ayant marqué et marquant encore les tractations de dernière minute pour former le premier gouvernement de la deuxième République, une formation qui s'avère être un accouchement dans la douleur. Avant de passer à une analyse des perspectives et des chances de réussite d'aboutir à un gouvernement fiable et viable, il est bon de connaître les raisons ayant conduit à des situations parfois abracadabrantes avec un cheminement sinueux, semé d'obstacles et d'embûches. Pourquoi en est-on arrivé là ? Il fallait suivre le raisonnement et les promesses du patron de Nidaa Tounes. Béji Caïd Essebsi disait : « Nous ne gouvernerons pas seuls car le peuple, par son vote, nous a adressé un message clair. Il nous a placés en première ligne, mais sans nous octroyer la majorité absolue de 51%. Donc, nous allons gouverner ensemble en nous alliant avec les parties qui nous ressemblent ». Des propos pareils laissaient entendre une alliance avec les forces progressistes, démocratiques et modernistes qui croient en un projet de société bien déterminé loin de tout esprit obscurantiste et sans référentiel religieux. Autrement dit, pas de participation du parti Ennahdha à l'équipe gouvernementale sans, toutefois, son exclusion de la vie politique dans la mesure où rien n'empêche l'existence de concertations lors des grandes décisions. Pour ce, il fallait, dès le départ au lendemain des résultats de l'élection présidentielle, former une commission composée d'experts économiques et sociaux entre les partis alliés à savoir Nidaa Tounes, Front populaire (Al Jabha), l'Union patriotique libre (UPL), Afek Tounes et Al Moubadara et le groupe de Touhami Abdouli, en vue de s'entendre sur un minimum de grandes lignes d'un programme pouvant obtenir l'aval de ces formations. En parallèle, le chef de gouvernement chargé devait s'occuper des tractations avec les partis et les personnalités de la même famille pour former le prochain staff devant siéger à La Kasbah. Et il n'y a, en cela, comme ont voulu le faire croire certains, aucun esprit d'exclusion. C'est la loi des règles du jeu démocratique qui prône l'alternance au pouvoir. En effet, certains veulent faire croire qu'il est illogique de laisser le deuxième classé aux législatives sur la touche. Or, être dans l'opposition ne veut nullement dire qu'on est en dehors de la vie politique. Au contraire, jouer son rôle dans l'opposition est une mission noble et contribue à l'instauration de véritables et solides traditions en la matière. D'ailleurs, dans des pays comme la France et l'Angleterre, aux valeurs démocratiques plus que centenaires, les partis classés premier et deuxième n'ont jamais gouverné ensemble, pour la simple raison qu'ils ont des idéologies ou des projets de société différents. Socialistes et UMP n'ont jamais été alliés dans un gouvernement français. Conservateurs et Travaillistes n'ont jamais formé de coalition dans un gouvernement anglais. Ceux qui défendent cette thèse d'un gouvernement incluant Ennahdha, voire tous les partis politiques, évoquent l'argument que le pays se trouve encore dans une phase transitoire ou presque, le processus démocratique étant, selon eux, assez fragile. C'est donc selon cette logique que le parti islamiste a voulu et veut encore, coûte que coûte, participer au gouvernement. Il est bien entendu, évident que certaines parties, même au sein de Nidaa optent pour cette solution, qualifiée de facilité, puisqu'elle permet d'avoir une majorité absolue confortable voire une majorité des deux tiers à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Mais Al Jabha et tous ceux ayant voté utile en faveur de Nidaa se considèreraient comme ayant été trahis si les islamistes faisaient leur entrée au pouvoir. Toujours est-il qu'après la tentative avortée d'Habib Essid, la leçon semble avoir été retenue dans le sens, où des discussions ont été engagées à propos des programmes économique et sociaux en vue d'obtenir un texte consensuel sur ce plan, et des consultations ont été engagées avec toutes les forces politiques qui se « ressemblent ». Ainsi, les indices se révèlent, désormais, être prometteurs et tout porte à croire qu'un accord va être rapidement mis au point comprenant les cinq partis et capable d'obtenir le fameux vote de confiance à l'ARP avec une majorité assez confortable avoisinant les 130 voix. Quant à la répartition des portefeuilles ministériels, elle ne poserait pas de grands problèmes dans la mesure où chaque parti recevrait le nombre et la qualité des postes qu'il mérite, l'essentiel étant de bien vérifier les CV des divers candidats, notamment pour les ministères de souveraineté dont les titulaires ne doivent pas traîner des « casseroles » ou même de simples soupçons comme cela a été le cas pour certains candidats après la présentation de la première copie gouvernementale. En tous les cas, les partis modernistes, qui avaient, par leur action au sein du Front du salut, permis un retournement de situation en faveur des forces démocratiques, semblent déterminés à entamer une nouvelle étape sur la voie du processus démocratique et du développement équilibré.