Dans l'indifférence générale, le membre de l'assemblée nationale constituante (et non l'ancien député comme décrit par les quelques journaux électroniques qui ont su lui consacrer un communiqué) Rafik Tlili est décédé à l'âge de 53 ans ce mardi 10 février. Sa disparition n'a malheureusement pas intéressé nos médias audio-visuels, le service publique et les chaînes privées n'ayant pas jugé "important" le faite de consacrer quelques secondes à cette nouvelle, encore moins quelques minutes pour un "flash back" sur le défunt afin de lui rendre un légitime hommage. Légitime, oui, légitime, car la reconnaissance de la mémoire de ce pays est une base incontournable pour sa "reconstruction" et son développement futur. Tout un chacun a bien dénoncé l'affront de l'absence de commémoration des fêtes nationales de 2012 et 2013. Tout un chacun a bien désapprouvé le "gommage" de tout ce qui pouvait rappeler Bourguiba pendant l'ère Ben Ali, et tout ce qui pouvait rappeler autre chose que Bourguiba sous le règne de celui-ci. Alors, allons-nous continuer à effacer les traces de nos prédécesseurs, usant de ce stratagème comme un faire-valoir de notre propre actualité ? Allons-nous continuer à accepter des déclarations telles celle de Mohamed Ennaceur qui, dès son investiture en tant que président de l'assemblée des députés du peuple, a promis de nous faire "oublier" l'ANC", reprenant, consciemment ou non, les mauvaises habitudes d'autrefois ? Rafik Tlili n'était pas une des "stars" ultra-médiatisées de l'ANC dont étaient friandes nos chaînes télévisées et nos radios. Il n'était ni un Gassas ni une Toumia et n'était pas non plus de ceux qui peuplaient de façon cyclique les plateaux pour porter haut et fort la "parole" de leurs tendances politiques respectives. Rafik était un intellectuel discret, un Zitounien convaincu et convaincant, un "travailleur de l'ombre" assidu et régulier, concerné au plus haut point par la "mission" de constituant qu'il avait endossé. Cette intervention ci-jointe (https://www.facebook.com/video.php?v=230760810404579&set=vb.155335127911401&type=2&theater) montre la profondeur de son analyse et l'apport qu'il a pu apporter à l'édifice constitutionnel, participant à déjouer les "pièges" disséminés ça et là par les tenants de la théocratie, se faisant régulièrement chahuter (comme dans cette vidéo) et même huer par les députés d'Ennahdha, déstabilisés par ses arguments percutants. Il était aussi un fervent défenseur de la cause palestinienne, allant jusqu'à refuser de voter pour la constitution du 26 janvier 2014 en raison de la non adoption par la majorité de la notion de "non-normalisation avec le sionisme". Un jour de 2012, il nous avait même surpris en ramenant en plénière une petite fille palestinienne, alors réfugiée du camp de "Choucha", et avait dénoncé vivement l'inertie des autorités tunisiennes face à la détresse de ses parents, contraints de rester dans le camp faute de papiers en règle, situation malheureusement habituelle, pénible et souvent dramatique des ressortissants palestiniens. Rafik Tlili était peut être inconnu de la majorité des tunisiens et des tunisiennes, mais il était apprécié de tous ses collègues quelque soit leur appartenance partisane. Son humour et sa gentillesse auraient fait fondre un iceberg, sa sincérité et sa foi profonde en les valeurs qu'il défendait forçaient le respect de tous. Tout aussi discrètement qu'il menait son combat, il taisait aussi la dégradation de son état de santé. Il était en effet diabétique et le rythme effréné (oui effréné quoiqu'en disent certains aujourd'hui) de l'assemblée et surtout la désorganisation permanente qui a sévit sur nôtre quotidien durant trois années accentuant certainement l'impact de sa maladie. Allah yarhmek, Rafik, et que Dieu donne le courage et la patience nécessaire à ta famille pour continuer le chemin de la vie. Rafik Tlili a honoré sa patrie par son combat sincère et son dévouement inébranlable. La Tunisie devrait lui en être reconnaissante.
*Selma Mabrouk est une ancienne députée d'Al Massar à l'ANC