A ceux qui s'opposaient à lui, Zine El Abidine Ben Ali collait des procès et envoyait des « mercenaires » pour les insulter. Une révolution après, l'Instance dite de vérité et dignité (IVD) perpétue la tradition. Et on parle bien de l'IVD et non de sa présidente Sihem Ben Sedrine, vu que c'est son directeur de la communication qui prend la parole. Nous nous tiendrons aux faits.
Lundi 10 août, Violette Dagher, grande militante depuis des décennies et présidente de la Ligue arabe des droits de l'Homme, critique sévèrement l'IVD et sa présidente. Elle n'est ni la première, ni la dernière à le faire, plusieurs médias l'ont précédée ainsi que des membres démissionnaires de cette instance. Vu la notoriété et le sérieux de Mme Dagher, la critique a rapidement fait le tour des médias et des réseaux sociaux, d'autant plus que la critique était mesurée répondant aux standards ordinaires en la matière. Hier tard dans la soirée, le directeur de la communication de l'IVD, Anouar Moalla, la traite dans un post FB de « mercenaire de la plume ». Ses critiques sont qualifiées d'insanités et de « diarrhée verbale » et M. Moalla de préciser que l'IVD ne répondra pas. « L'IVD a pris la décision la plus sage : ignorer les mercenaires de toutes les nationalités. Nous ne nous abaisserons donc pas jusqu'à répondre à cette personne dont le seul prénom évoque une ère révolue, honnie par l'ensemble des Tunisiens », écrit M. Moalla. Face au tollé évoqué par sa réponse, le directeur de la communication revient aujourd'hui, mercredi 12 août 2015, avec un long article dans lequel il répond à Violette Dagher. Anouar Moalla commence par s'excuser d'avoir moqué le prénom de Mme Dagher, et de préciser qu'il répond en son nom propre et non au nom de l'IVD. Dans cette réponse, il dit aussi que Violette Dagher est connue pour avoir « soutenu les opposant au régime de Ben Ali ». Toutefois, cela ne l'empêche pas de maintenir le mot « mercenaire ». Un mot, dit-il, utilisé par « certaines parties opposées farouches et aveugles à l'IVD ». Quant à sa réponse, personnelle comme il dit, elle reprend point par point les critiques de Mme Dagher, comme l'aurait fait tout responsable de communication d'une quelconque institution. Mais puisque M. Moalla dit que l'IVD a décidé de ne pas répondre…
A titre de rappel, Sihem Ben Sedrine a intenté deux procès contre Nizar Bahloul, directeur de Business News, à qui elle reproche, parmi d'autres points, d'avoir utilisé le mot « mercenaire ». Le mot, pourtant, était justifié par une série d'éléments prouvant que Mme Ben Sedrine recevait de l'argent pour mener son militantisme. En traitant Violette Dagher de mercenaire, Anoaur Moalla n'a accompagné son texte de rien du tout et il lui sera difficile d'en apporter, vu que la militante est reconnue pour sa droiture, contrairement à sa présidente. Par ses deux posts FB, Anouar Moalla perpétue hélas une vieille tradition « violette » consistant à dénigrer et insulter systématiquement toute personne qui s'oppose aux idées du chef. De la cheffe dans ce cas précis. Pire, on crée volontairement l'amalgame chef et institution pour décrédibiliser l'auteur des critiques. Ben Ali considérait toute critique contre lui comme étant une attaque contre la Tunisie par des personnes jalouses et aveugles. C'est exactement le même verbiage utilisé par M. Moalla qui crée là l'amalgame, dans la tête de son auditoire, entre l'IVD et sa présidente.
Il n'en demeure pas moins que le stratagème ne passe pas et, rien qu'en se référant aux propos des démissionnaires de l'instance, la justice transitionnelle en Tunisie souffre de deux problèmes majeurs : la crédibilité de sa présidente très controversée au vu de son historique, et la loi la régissant votée à l'époque dans l'urgence et la précipitation. Que M. Moalla traite de violet ou de mercenaire toute personne qui dit cette vérité ne changera rien aux faits et n'entamera en rien leur crédibilité et leur véritable historique militant et non rémunéré !