C'est le 1er février 2015 qu'a eu lieu l'ouverture de plis relatifs à l'appel d'offres à la 4G, au siège du ministère des Technologies de la communication et de l'Economie numérique. Présentée comme une avancée technologique majeure, l'introduction de la 4G en Tunisie a, cependant, un coût. Plusieurs s'accordent à dire qu'il est exorbitant en comparaison à la plus-value qu'elle apportera par rapport à la 3G. D'autres pensent que le ministre des TIC, Noômane Fehri, a réalisé un coup de maître en amenant les opérateurs à casquer. Lecture. Les trois opérateurs nationaux auront déboursé la bagatelle de 465 millions de dinars (155 MD chacun) pour pouvoir soumissionner à l'appel d'offres concernant l'introduction de la 4G en Tunisie. Ils devront encore débourser une fois et demi cette somme pour l'investir dans le réseau et dans l'acquisition d'équipements compatibles. Une somme non négligeable que les opérateurs devront payer cash.
Pour les opérateurs nationaux, la pilule est difficile à avaler. Pour eux, la taille du marché ne justifie pas un tel investissement, estimé exorbitant pour ce que peut représenter la 4G en Tunisie. Selon leurs études, le coût est estimé à seulement 30 millions de dinars. Ce chiffre provient des Business Plan déterminant le coût des investissements et le retour sur investissement plus tard. C'est justement cet investissement sur les infrastructures qui semble être extrêmement lourd pour les opérateurs. Ainsi, l'un des aspects de cet investissement en matériel est la nécessité de faire arriver la fibre optique là où sera déployée la 4G. Sachant que le kilomètre de fibre optique coûte, à peu près, 80.000 dinars, le calcul est vite fait. Par conséquent, pour les opérateurs nationaux, on parle d'un investissement total minimal de près de 450 millions de dinars chacun !
La question qui se pose à cette étape est de savoir si ce coût finira par se répercuter sur le consommateur final qui va devoir payer la note. En réalité, cela dépend de la stratégie commerciale de chaque opérateur. Toutefois, il est clair que la 4G ne pourra pas être proposée à des prix éloignés de ceux pratiqués pour la 3G. Le consommateur tunisien, actuellement, essaye de revenir vers l'ADSL et s'éloigne même de la clé 3G.
D'un autre côté, plusieurs observateurs s'interrogent sur la valeur ajoutée de la 4G par rapport au parc tunisien. En effet, la 4G n'a pas de réelle valeur ajoutée en elle-même, elle offre seulement un avantage en termes de rapidité par rapport à la 3G. Par exemple, le film qu'on téléchargeait en une demi-heure deviendra téléchargeable en 5 minutes. Par ailleurs, il existe un problème de maturité. Selon certains experts, la 3G en Tunisie n'est même pas exploitée à hauteur de 50% de son potentiel. Il existe aussi ce qu'on appelle des « trous noirs » dans la couverture 3G qui ne s'étend pas encore à l'ensemble du territoire tunisien. Pour chacun des opérateurs nationaux, la couverture 2G est meilleure que celle de la 3G. En effet, lorsqu'on quitte les grandes agglomérations tunisiennes, il est plus facile d'avoir une couverture 2G et de se connecter en Edge que d'avoir la 3G.
Il y a également une autre inquiétude par rapport à l'accès à la 4G. Si l'on prend en considération le lourd poids de l'investissement initial, les opérateurs nationaux font freiner le rythme de leurs recrutements pour amortir les sommes dépensées. Ainsi, le développement et le travail sur cette nouveauté se fera avec le minimum d'effectifs possibles pour ne pas alourdir encore plus la facture de la 4G.
Mais est-ce qu'un opérateur peut se permettre de ne pas avoir la 4G vu tous les défauts ? La réponse est négative d'après les marketeurs. En effet, en termes d'image de marque et vu la nature du marché tunisien qui souhaite, quand même, accéder à cette technologie, il est complètement exclu pour chacun des opérateurs de ne pas pouvoir proposer la 4G à ses clients. Toutefois, on parle d'un retour sur investissement à l'horizon des dix ans au moins.
Du côté du ministère des Technologies de l'information et de la communication, certains n'hésitent pas à parler d'un coup de maître du ministre, Noômane Fehri. Il a réussi à rapporter aux caisses de l'Etat la bagatelle de 465 millions de dinars en une après-midi. Il a surtout réussi à forcer les opérateurs à s'aligner sur la volonté de l'Etat, représenté par son ministère. Business News a posé des questions à Noômane Fehri à propos de la 4G le jour de l'ouverture des plis. A la question de savoir si le coût de soumission n'était pas exorbitant, le ministre a répondu que si ce coût avait été réellement trop cher, les opérateurs n'auraient pas participé à l'appel d'offres. Pour ce qui est de l'utilisation qui sera faite de la somme récoltée, le ministre a déclaré qu'elle sera destiné aux caisses de l'Etat et que ce n'est pas l'argent du ministère. Par ailleurs, Noômane Fehri a confirmé que le conseil des ministres avait refusé, par deux fois, que les opérateurs paient le coût de la licence en trois fois et que c'est le conseil des ministres qui a exigé que le paiement se fasse en une seule fois.
En ce qui concerne la maturité du parc tunisien, le ministre précise que la volonté d'aller vers la 4G vise justement à dépasser les manques de la 3G et qu'elle permettra de couvrir les zones qui ne sont pas actuellement desservie par la 3G. D'autre part, le ministre répond à l'argument de l'emploi et du freinage des investissements des opérateurs en disant qu'il faudra employer des gens et recruter plusieurs personnes pour assurer le déploiement de la technologie 4G en Tunisie.
L'arrivée de la 4G en Tunisie est certainement un progrès technologique important. D'un autre côté, les sommes dépensées envoient un signal positif aux investisseurs puisque les opérateurs nationaux ont exprimé leur confiance dans le marché et l'investissement tunisiens. Un autre aspect positif de ce projet est le fait qu'il soit piloté, au niveau du ministère, par une équipe de jeunes, ce qui est un autre signal fort.