A l'actualité cette semaine, les débordements de certains syndicats et leur total irrespect aux institutions de l'Etat et au travail syndical, les préparatifs pour le congrès d'Ennahdha et ceux du lancement du parti de Mohsen Marzouk. L'autre actualité est le début d'un espoir de retour à l'accalmie au sein de Nidaa. Il ne faut cependant pas s'emballer, ce n'est qu'un signal et rien d'autre pour le moment.
La grosse polémique de la semaine est indéniablement celle des débordements observés par certains agents des forces de sécurité lors de leur manifestation du jeudi 25 février. La justice a été saisie et des mesures disciplinaires sévères seront certainement prises. Il n'y a pas que les syndicats sécuritaires qui ont fait preuve de débordement cette semaine, ceux de la Santé n'ont pas « démérité » non plus. Ici et là, les protestataires ont pénétré de force la chancellerie en criant des slogans hostiles à l'encontre du chef du gouvernement et du ministre. Ici et là, le prestige de l'Etat a été bafoué, mais ceci est devenu hélas un détail depuis la révolution. Mais ce n'est pas parce que c'est devenu un détail que l'on doit se résigner. Que les syndicats débordent, ceci n'est pas exclusif à la Tunisie. On a vu pire, tout récemment, en France avec les débordements d'Air France et de Pirelli. Pour le cas de Pirelli, la justice a été saisie et les syndicalistes ont été carrément condamnés à de la prison ferme. Force doit rester à la loi et à la suprématie de l'Etat. Cette règle immuable se doit d'être appliquée en Tunisie et s'il faut condamner certains syndicalistes, eh bien condamnons-les ! Nul ne saurait contester le rôle joué par l'UGTT ces cinq dernières années. C'est à la centrale syndicale que le pays doit la date du 14 janvier, c'est aussi à elle que l'on doit la mobilisation générale pour éjecter la troïka d'un pouvoir qu'elle a refusé de quitter et c'est aussi à elle que l'on doit le dialogue national, couronné par la plus prestigieuse des distinctions, le Prix Nobel de la Paix. L'UGTT a tellement donné au pays que certains de ses syndicalistes se sont cru tout permis, au dessus des lois et de l'Etat. Et c'est là la grande erreur de ces syndicalistes, car ce n'est pas au dessus des lois qu'il faut être, mais au dessus de la mêlée. C'est parce que leur centrale a obtenu le Prix Nobel et a tant donné au pays, qu'ils se doivent (eux ces syndicalistes) d'être un modèle d'exemplarité et de respect des lois et des institutions. Les syndicalistes qui pénètrent de force les enceintes de ministères, insultent les ministres et profèrent des grossièretés salissent l'image de leur corporation, d'abord, et de l'UGTT ensuite.
L'autre polémique de la semaine, c'est la déclaration d'Oussema Khelifi au congrès régional d'Ennahdha à Tunis dans laquelle il a demandé pardon au parti islamiste Ennahdha. Déclaration immédiatement reprise par l'équipe de Rached Ghannouchi qui a présenté l'intervenant comme étant dirigeant de Nidaa Tounes (cliquer ici). De quoi mettre le feu aux poudres chez les Nidaistes et une partie des laïcs tunisiens. Oussema Khelifi, en se justifiant, s'est entremêlé les pinceaux. Il dément Ennahdha et déclare avoir été invité en tant que représentant de Raouf Khamassi. Pour les besoins de la justification, Khamassi n'est plus dirigeant de Nidaa Tounes, mais président du Forum de la famille destourienne. On joue sur les mots ? Non, il faut appeler les choses par leur nom, d'une manière crue : « on se fout de la gueule des gens ! » Oussema Khelifi est bien allé au congrès régional d'Ennahdha en tant que représentant de Nidaa, puisque l'hôte des lieux l'a invité en tant que tel. Il peut nier et démentir à souhait, il ne fait que donner l'image de celui qui n'assume pas ses actes et ses paroles. Il était bel et bien porteur d'une missive de Raouf Khamassi et ce n'est un secret pour personne que de dire que M. Khamassi a toujours été proche d'une alliance islamo-destourienne. Ne nous attardons cependant pas sur ces pacotilles, car le danger est ailleurs.
Depuis la nuit des temps, Ennahdha se positionne en victime. C'est une véritable ligne de conduite. Victime de la dictature de Bourguiba avant 1987, victime de Ben Ali avant la révolution, victime de la gauche et des « azlem » avant les élections. Pleurnichez, pleurnichez, il en restera certainement de la pitié ! Le fait de rebondir sur la demande de pardon formulée par un jeune nidaiste (ou destourien) confirme, dans le subconscient des gens, que les islamistes sont bien victimes. Si Ennahdha peut oser médiatiser ce type de contrevérités, c'est parce que le cours de l'Histoire des cinq dernières années le lui a permis. Ou du moins que les islamistes ont forcé le cours de l'Histoire de telle sorte que l'on ne se penche pas sur les crimes dont ils ont été accusés, que l'on ne révise pas leurs procès, que l'on accepte qu'ils soient amnistiés et qu'ils soient ensuite dédommagés ! Ils ont eu un dédommagement matériel et un dédommagement moral. On a même vu un ministre signer son propre dédommagement et s'accorder une ancienneté de quelques décennies. Ils ont intégré ou réintégré sans mérite l'administration, ils ont bénéficié de portefeuilles ministériels et maintenant ils sollicitent (entre les lignes) le pardon des Tunisiens. Le tout, parce qu'ils ont déclaré avoir été victimes de systèmes dictatoriaux. Si l'on ne peut que reconnaitre la grande maitrise de la politique politicienne des islamistes, on se doit maintenant de leur reconnaitre d'être des champions du culot.
Avec des scores assez élevés aux élections de 2011 et de 2014, Ennahdha occupe une place de choix dans le paysage ce qui rend impossible politiquement de revenir sur leur historique réel. Impossible de rouvrir leurs dossiers et de prouver que plusieurs de leurs dirigeants étaient réellement terroristes et méritaient les peines de prison qu'ils ont subies. Il y a eu amnistie et le sujet est clos ? Soit ! Ils ont profité à fond de l'effervescence post-révolutionnaire ? Sahhalihom ! On ne doit plus les exclure de la scène politique ? C'est un droit indéniable et il est hors de question de remettre en doute ce point. Mais que l'on ne pousse pas trop le bouchon, car si la Tunisie n'a pas connu de véritable démocratie, c'est en bonne partie à cause de ses islamistes. Quand on mène des actions terroristes contre des civils, quand on planifie des coups d'Etat, quand on manipule les esprits des petites gens en s'autoproclamant représentant et exécutant politique de la loi divine, on mérite la prison. On a déjà assez falsifié l'Histoire comme ça, en transformant certains terroristes en héros nationaux décorés par les plus hautes distinctions de l'Etat, ça suffit !