Il y a un an, jour pour jour, la Tunisie a connu l'un des attentats terroristes les plus sanglants de son histoire et le premier d'une malheureuse série d'attaques visant, pour la première fois, des touristes. Le mercredi 18 mars 2015, des croisiéristes polonais, espagnols, italiens, japonais colombiens, français, australiens et bien d'autres, débarquaient au port de la Goulette pour une excursion à Tunis. Plusieurs d'entre eux seront par la suite tués dans l'attaque du musée du Bardo, sous les balles de deux terroristes qui se sont introduits au sein de cet établissement très visité de la capitale. Aujourd'hui, la Tunisie commémore cette journée qui aura marqué un tournant dans l'histoire du pays. Le terrorisme ne visait plus des militaires dans les hauteurs du mont Chaâmbi, il est là, au cœur de la capitale à quelques mètres seulement du siège du parlement. Il tue des civils.
Il y a un an, ces victimes arrivent, aux environs de midi, en bus, au musée du Bardo. Ce joyau architectural du patrimoine Tunisien, qu'est cet ancien palais beylical du XIXème siècle et qui retrace dans ses galeries une grande partie de l'histoire de la Tunisie et renferme la plus grande collection de mosaïques au monde. Il est midi dix, raconte un guide touristique présent sur place, lorsqu'il aperçoit depuis la vitre du bus où il se trouvait, un jeune homme, casquette à l'envers et arme à la main pointer son fusil sur les dizaines de touristes qui débarquaient à peine et se dirigeaient vers l'entrée du musée. Il s'agissait de Jabeur Khachnaoui, un jeune Kasserinois de 21 ans. « Il se tenait là devant moi » raconte un vendeur de souvenirs, présent lui aussi lors des attaques, en parlant du deuxième assaillant, Yassine Lâabidi, 27 ans. « Il portait un sweat orange, il a tiré sur un touriste polonais puis sur sa femme, quand elle a relevé la tête il a encore tiré. 3 coups dans en pleine tête » a-t-il confié. Stupéfaits, les guides tentent de mettre les touristes à l'abri, alors que des groupes engagés dans les galeries du musée, poursuivent leur visite sans rien savoir de ce qui se passe dehors. A ce moment là, dans le bâtiment à côté, craignant d'être les cibles principales, les députés et le personnel de l'Assemblée des représentants du peuple 'ARP), sont pris de panique, et les forces de la garde présidentielle ont encerclé les lieux.
Les deux assaillants eux, s'engagent dans les couloirs du musée, tirant à tout va. Des rafales qui commencent à susciter l'inquiétude des touristes à l'étage, qui ne tarderont pas à être témoins de la tragédie qui se jouait là sous leurs yeux et dont ils allaient, à jamais, porter la marque. Très vite, le personnel du musée donne l'alerte, les guides tentent de contenir le chaos, de cacher les touristes effrayés dans les salles du musée et dans les balcons et de venir en aide aux personnes blessées. Les terroristes continuent leur virée sanglante, abattent sur leur chemin les visiteurs de la salle de Carthage, puis font un carnage dans la salle du Harem. Les équipes de la garde présidentielle et la brigade antiterroriste se déploient sur les lieux, évacuent les députés et le personnel de l'ARP et s'introduisent dans le musée. Ils évacuent les blessés et les otages entassés dans les salles qu'ils tentent de rassurer, tant bien que mal.
Jabeur Khachnaoui et Yassine Lâabidi, se sont alors réfugiés dans une cage d'escaliers, et ont été encerclés par la brigade antiterroriste. S'en est suivi un vif échange de tirs qui permettra aux forces spéciales d'abattre les deux assaillants. Les agents de la BAT sortent du musée sous les ovations, les deux terroristes étaient armés de Kalachnikovs, portaient une ceinture explosive et avaient en leur possession des bombes artisanales. Le bilan de l'attaque sera lourd, 20 touristes sont tués ainsi qu'un chauffeur de bus et un agent de la brigade antiterroriste. 44 personnes sont blessées.
Une semaine plus tard, le musée rouvrait ses portes, le 24 mars la musique retentissait dans l'édifice, tentant de faire oublier le son des Kalashs. L'Orchestre symphonique dirigé par Hafedh Makni était accompagné de tableaux de danse. Le Tout-Tunis politique et culturel a répondu présent, appréciant les morceaux joués par l'orchestre et les danses présentées par des enfants et des jeunes en habits retraçant l'Histoire de la Tunisie. Un hommage vibrant a été rendu aux victimes de l'attaque terroriste. Ainsi, des artistes ont brandi les drapeaux de chaque pays dont sont originaires les victimes. Quelques jours plus tard, le 29 mars, une marche internationale contre le terrorisme a eu lieu à Tunis, de Bab Saâdoun vers le siège de l'ARP. Plusieurs chefs d'Etat, dont le président français François Hollande et le président palestinien Mahmoud Abbas, y ont participé, main dans la main. Une stèle faite en mosaïque et contenant le nom des victimes, a été inaugurée, à l'occasion, par le président de la République, Béji Caïd Essebsi.
Les hommages se sont ainsi suivis et la consternation se dissipait à peine, lorsque deux mois plus tard, Seifeddine Rezgui, arpentait Kalashnikov à la main u ne plage d'El Kantaoui à Sousse et faisait un massacre tuant 38 touristes à l'hôtel Impérial Marhaba. Cette seconde attaque meurtrière sonne le glas d'une saison à l'agonie et l'effondrement du secteur touristique, un des piliers de l'économie du pays. Aujourd'hui encore, les Tunisiens vivent au rythme de la crise provoquée, en grande partie, par ces attaques. Un an après le drame du Bardo, le conservateur du musée, Moncef Ben Moussa, a déclaré que le nombre de visiteurs étrangers a fortement baissé alors que les Tunisiens, secoués par les évènements ont visité le lieu en grand nombre. Un an plus tard, ce vendredi 18 mars 2016, la Tunisie n'a pas oublié. Secouée depuis, par des attaques visant la garde présidentielle à Tunis, des bergers dans les montagnes de Sidi Bouzid et de Kasserine et la ville de Ben Guerdène que les terroristes ont attaqué en hordes le 7 mars, la Tunisie résiste.
Pour commémorer ce jour, à marquer d'une pierre noire, la Tunisie a inauguré une grande Mosaïque de 27 mètres carrés exposée au musée du Bardo. Une mosaïque qui représente les portraits des 22 victimes de l'attaque et qui a nécessité le travail acharné, trois mois durant, de plus soixante experts en micro mosaïque. Le chien Akil, qui a permis aux agents de la BAT de débusquer les terroristes et qui a péri lors des échanges de tirs, figure aussi parmi les victimes de l'attentat. En tentant de recoller ses morceaux, la Tunisie démontre que la crise économique qu'elle traverse et son manque de moyens, n'ont d'égal que la volonté et la détermination de ses forces armées et de son peuple à vaincre ceux qui ont peint au sang ces portraits désormais gravés dans son histoire.