Le nom de celui qui conduira la locomotive gouvernementale est encore matière à spéculations. Pourtant, le 4ème round des pourparlers en vue de la formation d'un gouvernement d'union nationale qui s'est tenu vendredi 1 juillet 2016 a permis l'émergence d'une copie zéro de l'initiative de Carthage codifiant les mesures urgentes auxquelles le futur gouvernement devra s'atteler. Le jeudi 28 juin 2016, l'équipe d'experts chargée de synchroniser le contenu des copies des parties prenantes à l'initiative présidentielle a mis en exergue les grandes lignes prioritaires du futur gouvernement. Cette copie zéro met en relief 6 points principaux qui seront les défis à relever par le gouvernement à venir : -la proclamation de la guerre contre le terrorisme -l'accélération du processus de développement et d'employabilité par l'application du plan quinquennal 2016-2020 -la lutte effective contre la corruption -la maitrise de l'équilibre monétaire et l'application d'une politique sociale efficace -l'établissement d'une politique spécifique dans les régions intérieures -la promotion du travail gouvernemental et l'achèvement de l'instauration des institutions.
La feuille de route indique que la lutte contre le terrorisme doit passer, en premier lieu, par l'augmentation des moyens au sein des deux institutions sécuritaire et militaire. Aussi le document met en exergue l'impératif de sensibilisation des citoyens tunisiens sur les dangers du terrorisme et leur implication dans ce secteur en particulier. La note gouvernementale admet également que la lutte contre le terrorisme ne sera efficace que par l'identification de ses sources de financement, ainsi que le contrôle des transactions financières opaques et la lutte contre le commerce parallèle comme le tabac et la vente de produits stupéfiants.
Pour sortir de la crise économique profonde que vit le pays, le document indique qu'il s'agira d'asseoir un nouveau modèle de développement pour favoriser l'employabilité et redynamiser l'économie. L'application du plan quinquennal 2016-2020 est nécessaire. Sur ce sujet, l'UTICA a proposé, le 2 juillet dernier, un schéma de sortie de crise en 18 points. Le développement des régions intérieures, la stimulation de l'investissement privé, le retour à une production normale de phosphate, la cessation des grèves pendant une période de deux ans, la lutte contre la contrebande et l'accélération du processus de réconciliation économique sont autant de points sur lesquels les partis s'accordent pour sortir le pays de son enlisement économique. Les parties prenantes à l'initiative présidentielle s'accordent sur la nécessaire implication de la jeunesse dans ce volet précis.
Concernant la lutte effective contre la corruption et pour sortir de l'appellation de plus en plus utilisée « d'Etat mafieux », les partis s'accordent sur la volonté d'établir plus de transparence dans les établissements publics. La lutte contre l'enrichissement sans cause, l'égalité de tous devant la loi et l'implication de la société civile sont inscrites dans ce volet. La feuille de route de Carthage indique que, pour ce faire, l'utilisation des technologies de pointe est un procédé à démocratiser. Les partis ont, dans leurs propositions respectives, appelé à déclarer la guerre contre la corruption à travers l'audit des rapports des instances de contrôle. Parmi elles, l'instance de lutte contre la corruption présidée par Chawki Tabib.
Sur le plan local, régional et sectoriel et pour encourager le secteur privé à investir dans les régions de l'intérieur, la feuille de route indique qu'un plan de sauvetage doit être élaboré. Le changement de politique urbaine dans les zones défavorisées est aussi un objectif de taille que s'est fixé l'initiative présidentielle. Le document appelle à mettre en place une politique de discrimination positive en faveur des jeunes issus de ces zones. Le document indique également que les municipalités de ces régions doivent contribuer davantage à l'application effective des lois nationale sur tout le territoire.
Depuis son annonce, l'accueil réservé à l'initiative présidentielle a été mitigé. Dès le départ, le porte parole de la formation de gauche Hamma Hammami a montré des réticences. Pour lui, gouvernement d'union nationale rime avec mascarade et aveu d'échec. Echec dont les responsables sont avant tout la présidence de la République, la coalition quadripartite au pouvoir et le gouvernement. C'est donc sans surprise que le 22 juin 2016 le FP s'est retiré des pourparlers à la présidence. Hamma Hammami invoque « la volonté secrète d'imposer les plans du FMI » et la « médiocrité de la première version de la feuille de route du 15 juin dernier » qui selon lui ne répond pas aux besoins urgents de sortie de crise du pays pour justifier la décision de retrait du FP. Mais quelle aurait pu être la position du FP après une mise à jour de la feuille de route suite à la réunion de vendredi 1 juillet au palais de Carthage? La décision de retrait n'était-elle pas précipitée?
Après un moment de flottement durant lequel elle a estimé que pour des impératifs de neutralité elle ne participera pas au gouvernement d'union nationale, la centrale syndicale est revenue sur sa décision. Houcine Abassi, conscient que la participation de l'UGTT au futur gouvernement est primordiale pour BCE, a décidé d'ajuster ses conditions. C'est lors du 3ème round des pourparlers 29 juin 2016 qu'il a remis au chef de l'Etat sa copie codifiant les propositions de l'UGTT. Houcine Abassi a ajouté, lors de cette réunion, qu'il consentait à la cessation des grèves pendant deux ans et qu'elle sera réalisable en fonction des travaux gouvernementaux en cours.
Le leader d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, principal allié de l'initiative présidentielle, pose ses conditions. Selon lui, le futur gouvernement d'unité nationale doit impérativement prendre en considération le poids politique d'Ennahdha à l'ARP. Il ajoute que ce futur gouvernement est l'occasion d'établir un nouveau pacte social entre les politiques tunisiennes dans leur ensemble et les organisations nationales....C'est dans ce nouveau pacte social que réside toute l'importance du futur gouvernement selon le leader de Ennhdha.
Le parti Nidaa Tounes constitue par ses frasques en interne et ses querelles intestines un important obstacle à la formation du futur gouvernement. Le 3 juin dernier, sept ministres nidéistes en exercice ont signé un document officiel dans lequel ils expriment leur soutien total à l'initiative du président de la République de former un gouvernement d'union nationale. L'intérêt de ce document officiel est justement de faire taire les rumeurs à propos du futur échec de l'initiative présidentielle. Perçue comme de l'opportunisme par certains commentateurs, le papier rappelle que ces ministres accordent leur pleine confiance au président et se tiennent prêt pour la concrétisation de son initiative. L'enfant indésirable du parti, HCE sème encore la discorde au sein du parti et fragilise l'initiative du père.
Le gouvernement d'union nationale, s'il parvient à se concrétiser, permettra de relancer l'activité économique, il s'agit de l'une de ses plus fortes priorités avec la lutte contre le terrorisme et la corruption.“La sortie du carrefour des impasses” semble donc proche et l'optimisme est de rigueur. Alors qu'on s'attendait à connaître le nom du futur chef du gouvernement avant l'avènement de l'Aid soit le 5 ou 6 juillet 2016 il apparaît qu'il faudra attendre le 25 juillet prochain pour connaître son nom, la composition de son futur gouvernement et son programme. L'attente se prolonge mais elle est nécessaire...pour redonner sa chance au prestige de l'Etat tunisien.