C'est fait, Youssef Chahed est officiellement chargé de présider le gouvernement d'union nationale et devra composer une équipe gouvernementale. Jusque là, ministre des Affaires locales, le nom de Youssef Chahed a suscité autant les critiques que les louanges, et nos « analystes » ont tous eu un avis sur lui. Le principal problème que pose Youssef Chahed, c'est qu'on ne le connait pas, ou peu. On l'a critiqué ou encensé, pour deux caractéristiques dont il n'est pas responsable et auxquelles il ne peut rien de toute manière. On l'a critiqué pour sa filiation familiale et on l'a encensé pour son âge…
Donc, autant dire qu'il y a une part non négligeable d'inconnu si l'on se risque à évaluer Youssef Chahed alors qu'il n'a pas encre démarré son travail. L'un des principaux indicateurs que l'on pourrait prochainement retenir, ce sera la composition de son gouvernement. Les profils, les noms, les âges, la parité, seront autant de données qui seront scrutées par les observateurs de l'intérieur et de l'extérieur.
Mais surtout, Youssef Chahed aura une tâche titanesque qui l'attend : redonner un Etat à la Tunisie. Remettre cette lourde machine, qui est l'administration tunisienne, sur le chemin du travail pour que l'Etat retrouve un certain prestige. Il faudra arrêter avec les ministres qui demandent de l'argent à droite et à gauche, arrêter avec les ministres qui sont éclaboussés par les pires scandales mais qui restent intouchables puisqu'ils sont nommés pour maintenir un certain équilibre. Il faudra qu'il dépasse cette situation de consensus mou où il faut se contorsionner pour plaire à tout le monde et surtout, surtout, pour la fameuse paix sociale. Son prédécesseur, Habib Essid, en sait quelque chose.
Youssef Chahed doit savoir que son mandat doit être émaillé par des réformes nécessaires mais douloureuses, des réformes qui ne plairont pas. Il devra s'attaquer de front à la corruption, au commerce parallèle ou encore à l'épineux dossier du phosphate. Et c'est sur ce genre de dossiers que l'on attendra le chef du gouvernement et où l'on verra si son âge apporte quelque chose. Car s'il compte aborder ce genre de problème avec les modes de pensée de ses aînés, à quoi bon avoir 41 ans ?
On l'attendra également sur le dossier sécuritaire et sur les nominations. Nul ne peut nier que les succès se sont accumulés ces derniers temps, comme les rumeurs d'ailleurs. Youssef Chahed maintiendra-t-il une équipe qui semble faire ses preuves où obéira-t-il à certains qui souhaitent voir partir le ministre de l'Intérieur ou encore le directeur de la sûreté nationale ? Ce sera aussi un indicateur important.
Il y aura aussi la dette tunisienne, la relance de l'économie, le code d'investissement, les élections municipales, la diplomatie, la corruption, la saleté des rues… Ce ne sont pas les dossiers qui vont manquer sur le bureau de Youssef Chahed et il aura beaucoup de travail.
Etant membre de Nidaa Tounes, la prise de fonctions de Youssef Chahed veut aussi dire que son parti assume enfin ses responsabilités. La tirade sur l'état lamentable qu'aurait laissé la troïka ne peut pas tenir éternellement. Il va maintenant falloir s'y coller et tenter d'avancer. Il faudra mettre en place « le programme élaboré par 200 experts ». Il faudra, enfin, répondre à une question importante : est-ce que Béji Caïd Essebsi est revenu à la Kasbah ?