Ramadan, Aïd El Fitr, les vacances d'été, Aïd El Idha et la rentrée scolaire, depuis le mois de juin, les événements se succèdent et avec eux les dépenses des ménages tunisiens atteignent des pics vertigineux. L'inflation et la cherté de la vie ne semblent pas dissuader le consommateur tunisien et on assiste, à la veille des fêtes, à une frénésie de la consommation qui s'empare de tout un chacun. Focus sur le comportement de ce consommateur tunisien si singulier. Le Tunisien ne cesse de se plaindre de la hausse des prix, notamment ceux des produits de base et alimentaires. Dans les cercles familiaux, le sujet de l'inflation et de la difficulté de joindre les deux bouts est sur toutes les langues. On s'émeut de la dégringolade du pouvoir d'achat et on fustige cette satanée révolution qui est venue tout chambouler et grignoter dans le portefeuille. On oublie souvent que cet état des faits n'est pas, seulement le résultat de cette révolution, mais là n'est pas la question.
Lundi 12 septembre, le pays célèbre l'Aïd El Idha, la fête du mouton, celle du sacrifice. Ce dernier terme tombe sous le sens, vu que la plupart des ménages se sacrifient et sacrifient leurs économies, certaines se saignent, pour se procurer l'ovidé et tout ce qui va avec (légumes en tout genre, nécessaire de cuisine, frais du boucher, etc.).
Une enquête de terrain menée par l'Institut national de consommation (INC), au cours du mois de juin 2016 a révélé que près de 70% des Tunisiens consacrent entre 300 et 500 dinars à l'acquisition des moutons de sacrifice. Lors d'un entretien accordé à l'Agence TAP, Tarek Ben Jazia, directeur directeur général de l'INC, indique que l'étude, réalisée sur un échantillon représentatif de 2002 personnes sur tout le territoire tunisien, a démontré que 38,6% des personnes questionnées consacrent entre 300 et 400 dinars et 30,9% entre 400 et 500 dinars pour l'acquisition des bêtes de sacrifice, alors que 12,1% des Tunisiens consacrent entre 500 et 700 dinars contre 1,9% qui achètent les bêtes de sacrifice pour plus de 700 dinars. Fait important à souligner et qui illustre à merveille cette fièvre consumériste du Tunisien, 55,4% des personnes interrogées ont affirmé qu'elles achètent le mouton à n'importe quel prix même si ces prix sont élevés. 32,2% déclarent acheter de la viande en cas de prix élevés.
L'enquête a également relevé que 78,3% des consommateurs sacrifient un mouton. Parmi ces consommateurs, 92,5% le font pour des raisons religieuses, 47,6% pour des raisons d'habitudes, 37,7% pour les enfants et 33,6% le font pour imiter les amis et les voisins.
Le directeur de l'INC a tenu à souligner que l'opération d'acquisition est devenue pour le Tunisien une habitude qui se rapproche plus de l'obligation. A l'appui, ce taux de 55% de personnes qui achètent le mouton de sacrifice à n'importe quel prix ! Le responsable a encore fait savoir que le recours à l'endettement pour acheter la bête du sacrifice ne manquera pas de creuser encore davantage l'endettement des familles qui se prêtent aux dépenses de la rentrée scolaire… Il faut dire que cette année l'Aïd El Idha coïncide avec la rentrée des classes ce qui constituera, pour sûr, un fardeau pour les familles tunisiennes. Et c'est dans ce contexte que l'Organisation de défense du consommateur (ODC) a demandé, au cours de la semaine, le report du paiement des factures de la STEG et de la SONEDE, du mois de septembre au mois prochain. Une requête formulée par le président de l'organisation, qui a précisé qu'elle intervient dans le but d'alléger les dépenses du consommateur tunisien, durant cette période qui a vu se succéder les événements.
Selon les derniers chiffres publiés par l'Institut national de la statistique (INS), l'indice des prix à la consommation familiale pour les 8 premiers mois de 2016 en Tunisie a atteint 3,6%. En glissement annuel, l'inflation est passée à 3,8% en août 2016. De cette situation le Tunisien n'en a cure ! Son but est de satisfaire, à tout prix, même en risquant de se retrouver sur la paille, cette fièvre consumériste. La surconsommation est de mise et c'est un sport national. Rien qu'en foulant le sol d'un supermarché, on se rendra compte de l'ampleur du phénomène. Crise, inflation, endettement, tout est relégué aux oubliettes. Ces scènes, on peut en être témoin partout : des supermarchés et des marchés aux allures bondés, grouillant de monde, des rayons pris d'assaut par des personnes dont le but ultime est de remplir le couffin, les longues files d'attente devant les caisses… C'est la ruée vers les denrées alimentaires et on a l'impression que certains Tunisiens stockent la nourriture en prévision d'une guerre imminente. Pourtant, ce n'est pas la guerre, ce n'est que l'Aïd, à la veille duquel la frénésie de la consommation atteint des proportions inquiétantes.
En ces temps de grisaille économique, de hausse vertigineuse des prix des produits de première nécessité, les ménages dépensent plus qu'il est permis, n'hésitant pas à s'endetter pour un barbecue ou un couscous au mouton, sans sembler se soucier outre mesure des lendemains douloureux de la fête.