Une bagarre dans un avion entre un pilote et un technicien le 9 mars dernier sur le vol 716 en direction de Paris est le dernier épisode en date d'un conflit qui dure depuis maintenant un mois entre les deux corporations de Tunisair. Officiellement, à la base du problème, l'uniforme des techniciens. Un uniforme que les pilotes jugent trop ressemblant au leur. Dans les faits, les causes sont bien plus profondes ! En plus des retards répétitifs, d'un endettement important et d'une surcharge dans les effectifs, voilà que la compagnie voit maintenant toute sa flotte clouée au sol. Une perte nette de 2MD par jour, si l'on croit le président directeur général de Tunisair, Elyes Mnakbi, qui a lui-même pris la décision de suspendre tous les vols, sans préavis aucun et jusqu'à nouvel ordre. Une décision qui a terni davantage l'image de la compagnie.
Après l'altercation sur le vol 716, le pilote et le technicien ont été arrêtés par la police de l'Aéroport. Leur interrogatoire a révélé que « ce qui a provoqué cette escalade est un cumul d'incidents successifs ». Des propos tenus également par le mécanicien en Aéronautique, Wissem Bouafif. Dans une déclaration aux médias, M. Bouafif a aussi expliqué que, ce jour-là, il a effectué l'action de maintenance en portant des vêtements civils. Il ne s'agissait donc pas d'une rixe autour de l'uniforme de ce dernier. Sur les plateaux télé par contre la chanson est tout autre. Les pilotes invités partout pour raconter leur version, crient au scandale et expliquent que le nouvel uniforme des techniciens est non conforme au règlement.
Ce problème d'uniforme au sein de Tunisair, n'est pas le seul souci auquel fait face la compagnie nationale. Pour résoudre l'énorme déficit de la compagnie qui dépasserait aujourd'hui les 500MD, fin décembre 2016, le Colonel Elyes Mnakbi, est nommé à la tête de l'entreprise à la place de Sarra Rejeb. Certains ont vu en cette nomination un antidote au mal qui ronge ce fleuron de notre économie, d'autres ont été au contraire stupéfaits de voir arriver un élément de l'Armée à sa tête. Habitués au commandement, les militaires sont d'une manière générale peu adaptés aux procédés managériaux modernes. Un militaire ne négocie pas, il applique les ordres ou en émet. L'art du marchandage n'est en général pas de leurs attributs. La décision de clouer toute la flotte de la compagnie au sol, sans consulter personne et sans préavis, en est la preuve.
A l'approche d'une saison touristique qui s'annonce prometteuse, vu le succès de la représentation tunisienne au salon du tourisme de Berlin la semaine passée et la levée des restrictions de voyages annoncée par plusieurs pays européens, la compagnie nationale devra fournir cet été de gros efforts pour assurer le service. Sur ce point, on rappellera le fait que chaque été depuis les évènements de 2011, des centaines de milliers de touristes transitent par les Aéroports du pays et subissent très souvent de gros retards. Questionné sur le sujet, le personnel de la compagnie réplique souvent par le même prétexte. Il ne serait pas habitué à gérer un tel flux de passagers. Ceci sans parler des accusations de manque de professionnalisme et de mauvais service faites par les clients. Certains même évoquent des pratiques de « overbooking » [ndlr surréservation] durant la haute saison touristique. Cet été 2017 sera également marqué par la signature de la convention « Open Sky » comme l'a annoncé le secrétaire d'Etat au transport Hichem Ben Ahmed, lors d'une déclaration accordé à Business News le 1er février 2017. « Tunisair devra s'adapter et un plan de restructuration de la compagnie prévoyant l'allègement de la masse salariale a, d'ores et déjà, été présenté devant l'ARP. La compagnie sera mise aux normes ! » avait-il indiqué alors.
Les mots du secrétaire d'Etat au Transport sont clairs. Tunisair devra être mis à norme pour pouvoir survivre dans un monde où la compétitivité n'est pas un choix. Avec la signature de l'Open Sky, tous les aéroports du pays seront ouverts aux compagnies étrangères. Selon les termes de la convention, Tunis-Carthage, ne sera pas inclus par cette ouverture pendant les deux premières années. Une mesure pensée pour permettre à la Gazelle de se reprendre avant la confrontation avec le monde réel.
La reprise de la compagnie ne se fera que si l'on renoue avec la qualité du service présenté, car jusque-là, beaucoup parlent d'un service médiocre, certains, déplorent même des négligences graves. Tel est le cas de Jamel Chaieb , un franco-tunisien qui a vu sa vie basculer à cause d'une négligence du personnel de bord de Tunisair. Le 24 mars 2014, M. Chaieb, prend l'avion en partance pour Nice. Il souffrait alors d'une fibrose pulmonaire associée à des troubles cardiaques. Les exigences de sa maladie veulent qu'il prenne ses précautions et réserve des bouteilles d'oxygène sur le vol, ce qu'il a fait (en payant une somme supplémentaire de 328 dinars). Après le décollage, le quinquagénaire fait un malaise, il réclame alors les bombonnes d'oxygène qu'il avait réservées. La compagnie les avait oubliées au sol. De graves complications s'en sont suivies et Jamel Chaieb s'est retrouvé invalide à 80%. Le franco-tunisien a déposé ce 10 mars 2017, une plainte devant le procureur général de Nice, car dans son pays d'origine il n'a pas pu obtenir gain de cause, vu le report de l'audience par 5 fois, explique-t-il à un média de l'hexagone. Une affaire qui ne restera pas sans suite.
Négligences, bagarre à bord, retards répétitifs, les maux dont souffre notre « fleuron » ne manquent pas. Dans le monde beaucoup de compagnies aériennes nationales ont fait faillites après les attentats du 11-Septembre, à d'autres, ils ont a fallu beaucoup moins pour disparaitre.